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01/12/2020 | FRANCE | N°19NC03479

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 01 décembre 2020, 19NC03479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 22 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Côte d'Or lui a interdit la circulation sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903064 du 28 octobre 2019, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 novembre 2019 et 4 novembre 2020, Mme B..., représent

ée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 octobre 2019 de la magistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 22 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Côte d'Or lui a interdit la circulation sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903064 du 28 octobre 2019, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 novembre 2019 et 4 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 octobre 2019 de la magistrate désignée par le tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler la décision du 22 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Côte d'Or lui a interdit la circulation sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du préfet de la Côte d'Or n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation ;

- l'interdiction de circulation méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2020, le préfet de Côte-d'Or, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- Mme B... a refusé de donner les éléments permettant de vérifier ses allégations relatives à la présence de son enfant handicapé en France ;

- sa cellule familiale n'est pas reconstituée en France ;

- elle présente une menace pour l'ordre public ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante roumaine, née le 19 janvier 1979 a été interpellée le 22 octobre 2019 par les services de gendarmerie pour des faits de travail dissimulé. Par un arrêté du 22 octobre 2019, le préfet de la Côte d'Or l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée et a assorti ces décisions d'une interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un jugement du 28 octobre 2019, dont Mme B... relève appel, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'interdiction de circulation, seule contestée devant le premier juge.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) / 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. ". L'article L. 511-3-2 du même code énonce que : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. ".

3. L'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4.

5. Il ressort des pièces du dossier, produites pour la première fois en appel, que Mme B... est la mère d'un jeune garçon, né en Roumanie le 28 août 2006, qui a la double nationalité franco-roumaine. L'enfant, atteint d'une leucémie et d'une encéphalopathie post encéphalite herpétique diagnostiquées en 2016, est soigné en France. Après un retour en Roumanie de quelques mois en 2017, il résidait en France où il vivait chez son père depuis dix-huit mois à la date de la décision litigieuse. Lorsqu'elle a été interpellée pour des faits de travail dissimulé, Mme B..., qui vivait et travaillait alors en Roumanie, s'apprêtait à aller voir son fils, auquel elle rend visite aussi souvent qu'elle en a la possibilité ainsi qu'elle l'a expressément déclaré lors de son audition par les services de gendarmerie le 22 octobre 2019, sans cependant fournir les précisions de nature à établir la véracité de ses déclarations. Les pièces qu'elle produit pour la première fois en appel, qui corroborent les déclarations de son audition selon lesquelles elle est la mère d'un enfant franco-roumain gravement malade qui vit en France chez son père, peuvent être prises en compte, dès lors qu'elles se rapportent à des faits antérieurs à la décision litigieuse.

6. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux graves problèmes de santé du fils de Mme B..., soigné en France et qui ne peut pas se déplacer pour rendre visite à sa mère en Roumanie, l'interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée d'un an infligée à Mme B... a pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, l'intérêt supérieur de son fils et méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de circulation d'un an sur le territoire français du 22 octobre 2019.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

9. L'annulation de l'interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée d'un an prononcée au point 6 du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. En particulier, elle n'implique pas nécessairement qu'une autorisation provisoire de séjour soit délivrée à Mme B....

10. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par Mme B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 28 octobre 2019 du tribunal administratif de Nancy et la décision du 22 octobre 2019 du préfet de la Côte d'Or interdisant à Mme B... de circuler sur le territoire français pendant une durée d'un an sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Côte d'Or.

2

N° 19NC03479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03479
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GRENIER
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : KOHLER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-01;19nc03479 ?
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