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19/11/2020 | FRANCE | N°19NC03613

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 19NC03613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la décision du 12 mars 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'obtention du statut d'apatride et, d'autre part, d'enjoindre au directeur général de l'Office de lui reconnaître ce statut.

Par un jugement n° 1901191 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03613 le 15 décembre 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, d'annuler la décision du 12 mars 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'obtention du statut d'apatride et, d'autre part, d'enjoindre au directeur général de l'Office de lui reconnaître ce statut.

Par un jugement n° 1901191 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03613 le 15 décembre 2019, M. B... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 novembre 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de lui reconnaître le statut d'apatride ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision contestée méconnaît l'article 1er de la convention de 1954 et l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les autorités Mauritaniennes ayant " renié " sa nationalité en le " déportant " vers le Sénégal et en le privant de sa citoyenneté mauritanienne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2020, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides, publiée par le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., né le 31 décembre 1972 à Sélibabi et de nationalité mauritanienne selon ses déclarations, est entré en France en juin 2011. Il y a sollicité l'asile, en se prévalant d'une expulsion de Mauritanie à destination du Sénégal, à la suite des évènements de 1989 ayant opposé ces deux pays. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande, par une décision du 17 février 2012, confirmée le 8 octobre suivant par la Cour nationale du droit d'asile. Les 20 juin 2013 et 17 février 2016, l'OFPRA a rejeté les demandes de réexamen présentées par M. D... et, les 25 juillet 2014 et 9 avril 2016, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté les recours contre ces décisions. Le 8 janvier 2018, M. D... a sollicité la reconnaissance de la qualité d'apatride, en faisant valoir son incapacité à se voir délivrer des documents d'identité mauritaniens. Le directeur général de l'OFPRA a rejeté sa demande par une décision du 12 mars 2019. M. D... fait appel du jugement du 8 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 12 mars 2019 :

2. Aux termes de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " (...) Le terme apatride désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) ". Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. ". Aux termes de l'article L. 812-2 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d'apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l'article L. 812-1, au terme d'une procédure définie par décret en Conseil d'Etat. ".

3. Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve de ce qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'Etat de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches.

4. M. D... soutient qu'il a été expulsé en 1989 à destination du Sénégal, à la suite du conflit ayant opposé ce pays à la Mauritanie, que cette dernière a procédé à un recensement de sa population en 1998, durant son exil, qu'il a disparu de la base des données de l'état civil mauritanien à l'issue de ce recensement et qu'une loi mauritanienne de 2011 le prive définitivement de sa nationalité mauritanienne, dès lors qu'elle ne reconnaît comme ressortissants mauritaniens que les personnes ayant été recensées en 1998. Toutefois, outre la circonstance qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été " déporté " au Sénégal à la suite des évènements de 1989, ainsi que l'a au demeurant constaté l'OPFRA dans sa décision du 17 février 2012 rejetant sa demande d'asile, M. D... a lui-même produit, d'une part, une copie intégrale de son acte de naissance mentionnant que ce document a été établi le 22 avril 2009 sur la base du recensement de septembre 1998 et confirmant que ses deux parents sont de nationalité mauritanienne et, d'autre part, un extrait du registre national des populations concernant sa mère, en date du 21 juillet 2014. Etant ainsi reconnu, par l'état civil mauritanien, comme étant né de parents mauritaniens, M. D... bénéficie de la nationalité mauritanienne, l'article 8 de la loi n° 1961-112 du 13 juin 1961 modifiée, qui n'a pas été abrogé par la loi de 2011 dont se prévaut l'intéressé, prévoyant expressément qu'" Est mauritanien : / 1. L'enfant né d'un père mauritanien ".

5. Si le requérant produit une attestation des services consulaires de l'ambassade de la République islamique de Mauritanie à Paris en date du 2 juillet 2015, qui indique qu'" il ne peut pas être recensé, car il ne présente ni un acte de naissance ni une carte d'identité issus du recensement de 1998 et il ne justifie pas le décès de son père, qui sont des conditions pour se faire recenser par notre état civil ", ce document ne présente pas un caractère probant, ainsi d'ailleurs que la Cour nationale du droit d'asile l'a estimé dans sa décision du 29 avril 2016. S'il produit également une attestation, en date du 5 novembre 2018, indiquant qu'il ne peut pas être recensé dès lors qu'il " ne présente pas de certificat de décès établi en Mauritanie de son père Monsieur E..., qui est indispensable pour son enrôlement conformément aux dispositions légales en vigueur ", cette pièce ne présente pas de garanties d'authenticité. En outre, si le requérant produit la copie d'une déclaration de perte de carte de réfugié délivrée au nom d'Abou D..., ce document, qui comporte des fautes d'orthographe et une modification du patronyme de l'intéressé réalisée à la main, ne présente pas davantage de garanties d'authenticité. Le rapport de la mission en République Islamique de Mauritanie organisée par l'OFPRA en mars 2014, dont se prévaut le requérant, se rapporte à une situation générale observée en Mauritanie et n'est pas de nature à établir que les autorités mauritaniennes auraient privé l'intéressé de sa nationalité mauritanienne et auraient refusé de le reconnaître comme leur ressortissant. Dans ces conditions, M. D... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce qu'en dépit de démarches répétées et assidues, la Mauritanie aurait refusé de donner suite à ses démarches pour se voir reconnaître la nationalité mauritanienne.

6. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée du 12 mars 2019 méconnaît l'article 1er de la convention de 1954 et l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à annuler la décision du directeur général de l'OFPRA du 12 mars 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur général de l'OFPRA de lui reconnaître le statut d'apatride doivent par voie de conséquence être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme que l'OFPRA demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

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N° 19NC03613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03613
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05-01 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides. Qualité d`apatride.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BA N'GARY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-19;19nc03613 ?
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