La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2020 | FRANCE | N°18NC02369

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 18NC02369


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 juin 2016 par laquelle le maire de la commune d'Ensisheim l'a affectée à compter du 13 juin 2016 au service administratif du pôle des services techniques pour y exercer les fonctions d'assistante de direction.

Par un jugement n° 1604727 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2018, et un m

émoire enregistré le 18 mars 2019 annulant et remplaçant le mémoire enregistré le 20 févrie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 6 juin 2016 par laquelle le maire de la commune d'Ensisheim l'a affectée à compter du 13 juin 2016 au service administratif du pôle des services techniques pour y exercer les fonctions d'assistante de direction.

Par un jugement n° 1604727 du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2018, et un mémoire enregistré le 18 mars 2019 annulant et remplaçant le mémoire enregistré le 20 février 2019, Mme C... A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

- d'annuler le jugement du 28 juin 2018 ;

- d'annuler la décision du 6 juin 2016 par laquelle le maire de la commune d'Ensisheim l'a affectée à compter du 13 juin 2016 au service administratif du pôle des services techniques pour y exercer les fonctions d'assistante de direction ;

- de condamner la commune d'Ensisheim à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il reconnaît que la décision a été prise pour des motifs disciplinaires tenant à ses supposées difficultés relationnelles et constitue une mesure d'ordre intérieur ;

- le jugement est entaché d'omission à statuer dès lors qu'il n'a pas répondu aux moyens soulevés lesquels justifiaient l'annulation ;

- la décision contestée méconnaît les articles 14 et 41 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 dès lors et que le poste sur lequel elle a été mutée était une création de poste et non une vacance de poste, le motif retenu est donc mensonger et il n'existe ni délibération ni publication préalables de la création d'emploi ;

- un délai raisonnable entre la déclaration de vacance et la nomination n'a pas été respecté ;

- elle méconnaît l'article 52 de la même loi en l'absence de saisine préalable de la commission administrative paritaire puisqu'il s'agit d'une mutation entraînant une modification des fonctions et des prérogatives ;

- elle méconnaît l'article 33 de la même loi en l'absence d'avis du comité technique ;

- elle a été prise en l'absence de toute délibération communale sur la réorganisation de services ;

- elle méconnaît l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ainsi que l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, son dossier ne lui ayant pas été préalablement communiqué et la procédure disciplinaire n'ayant pas été respectée ;

- elle présente le caractère d'une sanction déguisée, c'est une mutation punitive pour lui faire exercer des fonctions de catégorie C et l'isoler du service ;

- elle méconnaît ses restrictions médicales et manque à l'obligation de sécurité ;

- elle présente un caractère discriminatoire en raison de son investissement syndical et de son temps partiel et démontre le harcèlement moral dont elle est victime ;

- le jugement est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation en ce qu'il a jugé que la mutation constituait une mesure d'ordre intérieur, n'était pas constitutive d'une sanction déguisée ni d'une mesure discriminatoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2019, la commune d'Ensisheim, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A... à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens dirigés contre le jugement ne sont pas fondés ;

- les moyens de légalité externe dirigés contre la décision de mutation sont inopérants s'agissant d'une mesure d'ordre intérieur ;

- les moyens de légalité interne dirigées contre cette même décision ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., pour Mme A....

Mme C... A... représentée par Me E... a présenté une note en délibéré le 22 octobre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., recrutée au sein des effectifs de la commune d'Ensisheim en 1989 y a été titularisée en 1990 dans le grade de rédacteur et affectée en cette qualité au service de l'accueil et de l'état civil. Par une décision du 6 juin 2016, le maire de la commune l'a affectée à compter du 13 juin 2016 au service administratif du pôle des services techniques pour y exercer les fonctions d'assistante de direction. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cette décision, ainsi que de celle portant rejet de son recours gracieux. Par un jugement du 28 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande Mme A... au motif que la décision de mutation contestée constitue une mesure d'ordre intérieur. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, les premiers juges ont statué de façon circonstanciée sur la qualification de mesure d'ordre intérieur. Le jugement entrepris est en conséquence suffisamment motivé et ne saurait, de ce fait, être considéré comme irrégulier.

3. En deuxième lieu, le tribunal administratif pouvait, sans commettre d'omissions à statuer, s'abstenir de répondre aux moyens par lesquels Mme A... critiquait la légalité de la décision attaquée, dès lors que le tribunal a estimé que la demande n'était pas recevable.

4. En troisième lieu, ainsi que l'a, à juste titre, rappelé le tribunal, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.

5. D'une part, Mme A..., qui exerçait jusqu'à la décision litigieuse les fonctions de rédacteur au sein du service de l'état civil de la commune d'Ensisheim, est, par la mesure contestée, devenue à compter du 13 juin 2016 assistante de direction au service administratif du pôle des services techniques de cette commune. Il ressort des pièces du dossier que ces deux postes sont des emplois de catégorie B qui comportent des fonctions de nature semblable et des responsabilités similaires. Contrairement à ses allégations, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait exercé antérieurement des fonctions d'encadrement ou de responsable des ressources humaines ni qu'elle aurait subi un déclassement. Par ailleurs, Mme A... ne justifie pas d'une diminution de sa rémunération, la perte de prime dont elle se prévaut correspondant à la diminution des primes lors des périodes d'absence de service fait pendant un congé de maladie et de la suppression de primes liées à l'exercice de certaines fonctions spécifiques. De même, le changement d'horaire dont se plaint l'appelante est constitutif à l'adoption au sein du service technique des horaires d'été pour lutter contre la période de chaleur estivale. Au surplus, il n'est nullement démontré que son avancement et son déroulement de carrière seraient compromis par ses nouvelles fonctions, ni que ce changement de fonctions s'accompagnerait d'un isolement et d'un retrait de missions. Enfin, l'occupation d'un bureau exigu et sombre n'a concerné qu'une période de deux jours lors du changement de fonctions, Mme A... se voyant rapidement dotée d'un bureau confortable, spacieux et lumineux qu'elle a pu faire aménager après le passage du médecin de prévention en fonction de son handicap.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que cette mesure de changement d'affectation a été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent et notamment aux difficultés relationnelles rencontrées au sein du service de l'état-civil. Contrairement à ce que Mme A... soutient, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure présente un caractère discriminatoire au regard de son mandat syndical et du temps partiel dont elle bénéficie dans l'exercice de ses fonctions.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le changement d'affectation en litige n'a pas porté atteinte aux droits statutaires de Mme A..., n'a entraîné ni une diminution de ses responsabilités ni une perte de rémunération et ne constitue pas une discrimination, ni une sanction disciplinaire déguisée. Par suite, alors même que cette mesure a été prise pour des motifs tenant au comportement professionnel de Mme A..., elle présente le caractère d'une mesure d'ordre intérieur qui ne fait pas grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ensisheim, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement au profit de la même commune d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Ensisheim tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune d'Ensisheim.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 18NC02369


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02369
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-19;18nc02369 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award