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17/11/2020 | FRANCE | N°20NC00535

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 17 novembre 2020, 20NC00535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement no 1908491 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés le 28 février 2020 et le 15 octobre 2020, M. D... A..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement no 1908491 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 février 2020 et le 15 octobre 2020, M. D... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet à titre principal de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre au préfet à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en droit ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent ni une communauté de vie antérieure au mariage, ni la régularité du séjour ;

- la circulaire du 31 décembre 1984 prévoit que la communauté de vie n'implique pas une cohabitation à l'instar de celle du 29 décembre 2009 relative à la procédure d'acquisition de la nationalité française ;

- l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit une dérogation à l'obligation de justifier d'un visa de long séjour ;

- le préfet a la faculté de délivrer un titre de séjour en vertu de son pouvoir discrétionnaire ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ainsi que le révèle la motivation de la décision contestée ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant russe, né en 1985, est entré en France, selon ses déclarations, en 2012, accompagné de sa mère. Sa demandes d'asile et de réexamen ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en dernier lieu, par une décision du 30 novembre 2015, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 juillet 2016. Le préfet du Bas-Rhin a pris à l'encontre du requérant des obligations de quitter le territoire français le 21 octobre 2013 et le 1er mars 2016 qui n'ont pas été exécutées. Le 10 avril 2016, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa situation professionnelle et familiale. Par un arrêté du 1er mars 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. A la suite d'une interpellation ayant révélé le maintien de M. A... sur le territoire français, le préfet du Bas-Rhin a pris à son encontre un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le 10 juillet 2019, l'intéressé a demandé un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 novembre 2019 le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 30 janvier 2020, dont M. A... fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. La décision contestée, qui n'avait pas à viser la circulaire du 19 mars 2017 relative à l'application de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'en constitue pas la base légale, comporte tant les motifs de fait que de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour "

4. Si ces dispositions subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'un Français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour qui, au demeurant, ne peut être refusé que dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 21112 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elles n'impliquent pas que celui-ci fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction.

5. Après avoir rappelé les dispositions de la circulaire du 19 mars 2017 relative à l'application de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... soutient qu'il pouvait se prévaloir d'une vie commune en France avec son épouse d'au moins six mois, lui permettant de bénéficier de plein droit d'un visa de long séjour, dès lors qu'il est, par ailleurs, entré régulièrement en France et est marié à une ressortissante française. Toutefois, si le requérant se prévaut d'une vie commune avec son épouse depuis 2012, et à tout le moins, dans ses dernières écritures, depuis 2016, malgré l'absence de cohabitation, il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande adressée le 8 juillet 2019 au préfet du Bas-Rhin, que l'intéressé avait indiqué que la relation avec son épouse était stable et sérieuse depuis 2014. De la même manière, il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre des recours en annulation exercés contre les précédents arrêtés préfectoraux, le requérant a justifié ses attaches en France par la seule présence de sa mère et de ses cousins, sans mentionner une vie commune avec une ressortissante française. Quant aux attestations, établies par des membres de la famille et des amis, si elles établissent que M. A... et son épouse se connaissent depuis de nombreuses années, elles ne sont pas davantage, notamment en raison de leur imprécision, de nature à établir la réalité et l'ancienneté de la communauté de vie alléguée. Il ne ressort pas, en outre, de la mention manuscrite apposée sur la demande de logement social du 18 octobre 2018, présentée par l'épouse du requérant que l'intention des intéressés était de mener une vie commune antérieurement à leur mariage. Ainsi, si des résidences séparées ne s'opposent pas à la reconnaissance d'une communauté de vie, le requérant ne produit aucun élément de nature à justifier une résidence séparée de son épouse avant leur mariage. Faute d'établir l'existence d'une vie commune de six mois avec son épouse antérieurement à la demande de titre de séjour du 8 juillet 2019 qu'il a adressée au préfet, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin, qui a examiné d'office la possibilité de délivrer un titre de séjour à l'intéressé sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a méconnu les dispositions de cet article en refusant de lui délivrer de plein droit un visa de long séjour et, en conséquence, un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

7. M. A... fait valoir qu'il est entré en France en 2012, avec sa mère, qui y réside également, et qu'il a épousé religieusement le 26 janvier 2019, puis civilement le 28 juin 2019, une compatriote ayant obtenu la nationalité française, avec laquelle il a une communauté de vie depuis leur rencontre en 2012. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le mariage de l'intéressé, qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, en dépit de plusieurs mesures d'éloignement, était très récent à la date de la décision en litige. Si le requérant se prévaut d'une communauté de vie avec son épouse depuis 2012, il résulte de ce qui a été indiqué au point 5 qu'il n'a pas établi la réalité et l'ancienneté de cette vie commune antérieurement à leur mariage civil. Si M. A... fait valoir que sa mère est malade, il ressort des pièces du dossier que cette dernière, qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, n'a pas vocation à demeurer sur le territoire français. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour contesté n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi par cette décision. Cette décision de refus n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'a pas établi l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé. Par suite, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écartée.

9. Il résulte des dispositions de l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation de quitter le territoire français, prononcée à la suite d'un refus de délivrance de titre de séjour, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. La décision portant refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée ainsi qu'il a été indiqué au point 2. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui a été indiqué aux points 2 à 7 que M. A... ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit. Par suite, en prononçant à l'encontre de l'intéressé une mesure d'éloignement, le préfet du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur de droit.

11. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent elles aussi être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.

N° 20NC00535 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00535
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : GOLDBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-17;20nc00535 ?
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