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12/11/2020 | FRANCE | N°20NC00751

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 12 novembre 2020, 20NC00751


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 9 septembre 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités allemandes et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1906965 du 4 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2020, Mme D... C..., représentée par Me E..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 9 septembre 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités allemandes et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 1906965 du 4 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2020, Mme D... C..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 9 septembre 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités allemandes et l'a assignée à résidence ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 9 septembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision portant transfert aux autorités allemandes :

- elle n'a pas bénéficié d'un entretien individuel conforme aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant assignation à résidence :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant transfert ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 et 8 juin 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête, et à titre subsidiaire, à son rejet.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable étant la reproduction littérale de la requête de première instance ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une lettre du 27 mai 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, lequel a été interrompu par la demande présentée devant le tribunal administratif se prononçant sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert et a recommencé à courir à compter de la date de notification de ce jugement à l'administration, a pour conséquence que la France devient responsable de l'examen de la demande de protection des demandeurs d'asile (cf. Conseil d'Etat n° 420708 Mme B... 24 septembre 2018, et Conseil d'Etat n° 421276, Ministre de l'intérieur c/ Mme A...).

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née en 1974 et de nationalité kosovare, est entrée régulièrement en France, avec ses deux enfants mineurs, munie d'un visa allemand. Le 8 août 2019, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. A la suite de la consultation du fichier VIS, les services de la préfecture ont constaté que le visa délivré par les autorités allemandes était périmé depuis moins de six mois à la date du dépôt de la demande d'asile. Les autorités allemandes, saisies d'une demande de prise en charge au titre de l'asile, ont donné leur accord le 23 août 2019. Par arrêtés du 9 septembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités allemandes et l'a assignée à résidence. Mme C... relève appel du jugement du 4 octobre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 9 septembre 2019.

Sur la légalité de la décision portant transfert aux autorités allemandes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 23 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type (...). ".

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment des pièces produites par le préfet en première instance que Mme C... a bénéficié d'un entretien individuel et confidentiel mené par un agent qualifié de la préfecture du Bas-Rhin le 8 août 2019 au cours duquel elle a été assistée par un interprète à distance. Le même jour, elle s'est vue remettre les brochures A et B constituant la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et qui permet aux demandeurs d'asile de bénéficier d'une information complète sur l'application de ce règlement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement précité doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement européen : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

5. Mme C... soutient qu'elle souffre d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale et que son fils âgé de dix ans est suivi par le service de psychiatrie des hôpitaux universitaires de Strasbourg. Elle fait valoir en outre qu'elle craint que les autorités allemandes n'examinent pas sa demande d'asile et qu'elle soit renvoyée dans son pays d'origine où elle est exposée à des traitements inhumains.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée très récemment sur le territoire français à l'âge de quarante-cinq ans. Elle ne justifie par aucune pièce versée au dossier ni qu'elle serait atteinte de pathologie nécessitant une prise en charge médicale ni qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en Allemagne. Quant au suivi médical de son fils, le certificat médical du 19 novembre 2019, postérieur à la décision attaquée, n'indique pas que l'enfant était suivi régulièrement antérieurement à la décision en litige du 9 septembre 2019. D'autre part, alors que l'Allemagne est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la requérante n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'il existait, à la date de la décision litigieuse, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Allemagne. Dans ces conditions, la requérante n'établit pas, par ses seules allégations, que son transfert vers l'Allemagne entraînerait automatiquement son retour vers le Kosovo ni les conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un tel retour. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement européen du 26 juin 2013, reprises à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision d'assignation à résidence est motivée. ".

8. L'arrêté attaqué du 9 septembre 2019 vise les articles L. 561-2 1°bis, L. 742-1 à L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que Mme C... ne dispose pas des moyens lui permettant de se rendre en Allemagne et que son transfert aux autorités allemandes demeure une perspective raisonnable. L'arrêté attaqué énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui le fondent et est, par suite, suffisamment motivé au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen doit par conséquent être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, il ressort de ce qui vient d'être dit que Mme C... n'établit pas que l'arrêté portant transfert aux autorités allemandes serait entaché d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert soulevé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; ".

11. Comme il a été dit précédemment, pour justifier son assignation à résidence d'une durée de quarante-cinq jours, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé sur la circonstance que le transfert aux autorités allemandes, qui ont donné leur accord pour la reprise en charge de l'intéressée, demeure une perspective raisonnable et que Mme C... ne dispose pas des moyens lui permettant de se rendre en Allemagne et qu'étant dépourvue de ressource, elle n'a pas la possibilité de les acquérir légalement. Mme C... ne produit aucun élément de nature à contredire l'appréciation ainsi faite par le préfet du Bas-Rhin. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des faits en ne lui octroyant pas un délai de départ volontaire.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le préfet, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 20NC00751


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00751
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : GAUDRON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-12;20nc00751 ?
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