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12/11/2020 | FRANCE | N°20NC00030-20NC00031

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 12 novembre 2020, 20NC00030-20NC00031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... et Alia El C... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 26 juillet 2019 par lesquels le préfet de l'Aube leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par deux jugements n° 1902145 et 1902146 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... et Alia El C... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 26 juillet 2019 par lesquels le préfet de l'Aube leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par deux jugements n° 1902145 et 1902146 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I). Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2020, sous le n°20NC00030, Mme A... C..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1902145;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, défaut, une autorisation provisoire de séjour, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet de l'Aube a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de l'Aube a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison des illégalités qui entachent la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la question de sa prise en charge immédiate à son arrivée à l'aéroport n'a pas été prise en compte par les médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II). Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2020, sous le n°20NC00031, M. A... C..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1902146 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut une autorisation provisoire de séjour, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet de l'Aube a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison des illégalités qui entachent la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. et Mme A... C..., ressortissants marocains, nés en 1942 et en 1953, ont respectivement sollicité le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour et du titre de séjour qui leur avaient été délivrés, d'une part, pour M. A... C..., sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour des raisons humanitaires et d'autre part, s'agissant de Mme A... C..., sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code, en raison de son état de santé. Par deux arrêtés du 26 juillet 2019, le préfet de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils seraient le cas échéant reconduits. Les requérants relèvent appel des deux jugements du 6 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur requête respective tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 20NC00030 et 20NC00031 concernent les membres d'une même famille, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté du 26 juillet 2019 pris à l'encontre de Mme A... C... :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision attaquée vise les textes dont elle fait application notamment l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle comporte également les considérations de fait qui en constituent le fondement. Contrairement à ce que soutient Mme A... C..., le préfet de l'Aube, qui doit être regardé comme s'étant approprié l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dont il reproduit les termes sur ce point, se prononce sur l'existence d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. Ainsi, cette décision, qui ne comporte pas une motivation stéréotypée et qui démontre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation eu égard aux éléments qui avaient été portés à sa connaissance, comporte une motivation suffisante en droit et en fait mettant à même la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, par son avis du 25 avril 2019, que si l'état de santé de Mme A... C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié et pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine.

7. Pour contester cet avis, la requérante produit un certificat médical daté du 22 août 2019, émis par le Dr. Joliot-Haas, médecin généraliste, soit postérieurement à l'arrêté attaqué et selon lequel l'état de santé de Mme A... C... nécessite " un suivi médical avec prise en charge thérapeutique ". L'intéressée produit également le certificat médical du 20 août 2019, qui a été établi par le Dr Levy, néphrologue, dont il ressort qu'elle est suivie pour une " insuffisance rénale chronique préterminale secondaire à une néphropathie probablement diabétique, avec un diabète multicompliqué ". Toutefois, ces certificats médicaux, s'ils confirment la nécessité d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'établissent pas que la requérante n'aurait pas accès à un traitement approprié au Maroc. Dans ces conditions, ces pièces médicales ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon laquelle l'intéressée peut bénéficier des soins qui lui sont nécessaires dans son pays d'origine.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet de l'Aube se serait estimé lié par l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... C..., entrée en France

le 22 février 2014, vit avec son époux depuis 2017 à Arcis-sur-Aube chez une de leur fille de nationalité française. La requérante soutient que la présence de leur fille à leur côté est indispensable compte tenu de leur état de santé respectif. Toutefois, il ressort des termes de la décision attaquée et n'est pas contesté par Mme A... C... qu'elle a également quatre enfants et deux frères qui vivent au Maroc et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient apporter à leur parent ou soeur l'assistance dont ils ont besoin. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressée en France, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions et stipulations précitées.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour ayant été écartés, la requérante ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 ci-dessus, la décision attaquée ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Mme A... C... soutient qu'en raison de l'amputation de ses deux membres inférieurs et de son diabète, elle doit être immédiatement prise en charge à son arrivée à l'aéroport et que cette question n'a pas été prise en compte par les médecins du collège de l'OFII. Toutefois, il ne ressort pas des pièces médicales produites aux débats que son état de santé nécessite une prise en charge immédiate lors de son arrivée au Maroc, alors que dans son avis du 25 avril 2019, le collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, indique que l'intéressée est apte à voyager. Par suite, ce moyen doit être écarté.

14. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 7 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement et les soins nécessités par l'état de santé de Mme A... C... ne lui seront pas accessibles au Maroc. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées.

En ce qui concerne l'arrêté du 26 juillet 2019 pris à l'encontre de M. A... C... :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

15. En premier lieu, la décision attaquée vise les textes dont elle fait application notamment l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle comporte également les considérations de faits qui en constituent le fondement. En outre, il n'est pas contesté que, comme le fait valoir le préfet de l'Aube en défense, la demande de renouvellement de titre de séjour formulée par le requérant était fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de l'état de santé de son épouse, et non sur le 11° de l'article L. 313-11 du même code. Comme l'ont retenu les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... C... aurait informé le préfet de l'Aube des problèmes de santé qu'il invoque dans sa requête. Par conséquent, cette décision, qui ne comporte pas une motivation stéréotypée et qui démontre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation eu égard aux éléments qui avaient été portés à sa connaissance, comporte une motivation suffisante en droit et en fait mettant à même le requérant de comprendre les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, doivent être écartés d'une part, comme manquant en fait, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation et d'autre part, comme inopérant, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard de son état de santé.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux ressortissants marocains en application de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

17. Comme il a été dit au point 15 du présent arrêt, M. A... C..., qui n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne saurait utilement se prévaloir de son état de santé au soutien du moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet au regard des dispositions et stipulations précitées.

18. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... a déclaré être entré en France en février 2014 avec son épouse et qu'il réside avec cette dernière depuis le 11 mars 2017 chez une de leurs filles de nationalité française. S'il soutient que la présence de leur fille à leur côté est indispensable compte tenu de leur état de santé respectif, il ressort toutefois des termes de la décision attaquée et n'est pas contesté par l'intéressé qu'il a également quatre enfants qui vivent au Maroc et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient apporter à leur parent l'assistance dont ils ont besoin. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions et stipulations précitées.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

19. Les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour ayant été écartés, le requérant ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

20. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait été privé de la possibilité de présenter toutes observations utiles de nature à faire obstacle à un éventuel refus de titre de séjour ou à une mesure d'éloignement, ni qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il ait été empêché de s'exprimer avant que la décision attaquée ne soit prise. Par suite, le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire préalable à l'édiction de la décision attaquée doit être écarté.

21. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

22. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

23. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... souffre de différentes pathologies. Ce dernier fait valoir que le préfet n'a pas vérifié, avant de prendre la décision contestée, s'il pourrait bénéficier de soins adéquats à son arrivée au Maroc et s'il pouvait voyager sans risque. Il produit des certificats médicaux du 20 août 2019 qui attestent de ce que son état de santé nécessite une dialyse trois fois par semaine ainsi qu'une surveillance rapprochée compte tenu de ses antécédents récents d'opérations chirurgicales. Toutefois, ces certificats médicaux, au demeurant postérieurs à la décision contestée du 6 juillet 2019, ne sont pas de nature à établir que l'intéressé serait dans l'incapacité de voyager à destination de son pays d'origine ni qu'il ne pourrait pas y bénéficier des soins que son état de santé nécessite. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit, en tout état de cause, être écarté.

S'agissant du pays de destination :

24. Comme il a été indiqué au point 23, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits par le requérant qui ne comportent aucune indication à cet égard, que les soins nécessaires à M. A... C... ne pourraient lui être prodigués au Maroc. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme A... C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des deux arrêtés du préfet de l'Aube du 26 juillet 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

26. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... et Alia El C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

N° 20NC00030, 20NC00031 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00030-20NC00031
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : OURIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-12;20nc00030.20nc00031 ?
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