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12/11/2020 | FRANCE | N°19NC03380

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 12 novembre 2020, 19NC03380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux arrêtés du 28 août 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a d'une part, décidé son transfert aux autorités allemandes et d'autre part, a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1906488 du 13 septembre 2019, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2019, M. C...

A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 septembre 2019...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux arrêtés du 28 août 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a d'une part, décidé son transfert aux autorités allemandes et d'autre part, a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1906488 du 13 septembre 2019, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2019, M. C... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler les deux arrêtés du 28 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013, l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- à titre subsidiaire, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête de M. C... A....

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du 17 octobre 2019, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. C... A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert, cette décision ne pouvant plus être légalement exécutée compte tenu de l'expiration du délai de transfert prévu à l'article 29 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant éthiopien, s'est présenté le 15 juillet 2019 au guichet unique de la préfecture du Bas-Rhin en vue de demander l'asile. La comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient déjà été relevées par les autorités allemandes le 21 juillet 2016 à l'occasion du dépôt d'une demande d'asile. Le 24 juillet 2019, le préfet du Bas-Rhin a saisi les autorités allemandes d'une demande de reprise en charge du requérant. Le 29 juillet 2019, les autorités allemandes ont donné leur accord à cette mesure en application de l'article 18-1-d du règlement n°604/2013 susvisé. En conséquence, le préfet du Bas-Rhin a, par deux arrêtés du 28 août 2019, d'une part, décidé le transfert de M. C... A... aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile et d'autre part, prononcé son assignation à résidence. M. C... A... relève appel du jugement du 13 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

2. En premier lieu, l'article 29 du règlement UE n° 604/213 du 26 juin 2013 ci-dessus visé dispose que : " 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Le préfet du Bas-Rhin justifie que M. C... A... se trouve en fuite, à la suite de deux manquements consécutifs à son obligation de pointage, les 4 et 11 septembre 2019 et que ses services ont déclaré cette situation à l'Allemagne le 24 septembre 2019. Par suite, le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que l'exécution de son arrêté portant remise de M. C... A... aux autorités allemandes est toujours possible, le délai de dix-huit mois prévu par les dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 n'étant pas expiré. Dès lors, la requête d'appel de M. C... A... n'est pas dépourvue d'objet et il y a lieu de statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction.

3. En second lieu, aux termes du d) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : reprendre en charge (...) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ". Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. M. C... A... soutient qu'en raison d'un précédent rejet de sa demande de protection internationale par les autorités allemandes et d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre par ces mêmes autorités vers son pays d'origine, dont la légalité a été validée par un jugement du tribunal de Bayreuth du 19 décembre 2018, son transfert vers l'Allemagne aura pour conséquence inévitable son renvoi vers l'Ethiopie où il encourrait des risques pour sa vie. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que la circonstance que les autorités allemandes lui aient précédemment refusé l'asile et aient déjà pris à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire allemand en fixant l'Ethiopie comme pays de destination ferait obstacle à ce que le requérant puisse demander auprès des autorités allemandes un nouvel examen de sa situation au regard du droit à l'asile, l'intéressé n'établissant ni que les autorités de cet Etat feraient structurellement ou systématiquement obstacle à l'enregistrement et au traitement d'une nouvelle demande d'asile, ni qu'une telle demande ne serait pas examinée par ces mêmes autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les autorités allemandes, qui ont d'ailleurs accepté la reprise en charge de M. C... A..., sur le fondement des dispositions du d) du I de l'article 18 du règlement susvisé, n'évalueront pas, avant de procéder à son éventuel éloignement, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Ethiopie. Par suite, et alors que le requérant ne démontre pas, par les pièces qu'il produit, qu'il encourt un risque personnel et actuel en cas de retour en Ethiopie, doivent être écartés les moyens tirés de ce qu'en décidant de ne pas lui faire bénéficier des dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation et qu'il aurait également violé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

N° 19NC03380 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03380
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SNOECKX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-12;19nc03380 ?
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