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12/11/2020 | FRANCE | N°18NC02509

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 12 novembre 2020, 18NC02509


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602348 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a constaté un non-lieu à statuer partiel, a réduit la base d'imposition sur le revenu de M. et Mme C...

de 275 9696 euros au titre de l'année 2010, les a déchargés en conséquence de la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602348 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a constaté un non-lieu à statuer partiel, a réduit la base d'imposition sur le revenu de M. et Mme C... de 275 9696 euros au titre de l'année 2010, les a déchargés en conséquence de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 et a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2018, 1er et 13 octobre 2020, M. et Mme D... C..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités maintenues à leur charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent dans le dernier état de leurs écritures que :

Sur la régularité du jugement :

- en se fondant sur l'article L. 193 du livre des procédures fiscales qui n'est pas applicable en l'espèce, le jugement est irrégulier en raison de cette motivation illégale ;

- le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de l'incompétence territoriale de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du Calvados, sur l'application d'un arrêt du Conseil d'Etat du 4 décembre 1989 et sur le bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré ;

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en n'ayant pas examiné la pièce n°12 et en n'ayant pas précisé les motifs pour lesquels il écartait le protocole du 19 septembre 2011 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- le service des impôts d'Epernay était territorialement incompétent pour procéder à leur contrôle, dès lors qu'ils sont domiciliés dans le Calvados et qu'au jour du début des opérations de contrôle, M. C... n'était plus le dirigeant de la société FBF ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du Calvados n'était pas compétente pour se prononcer sur leur situation ; ils ont été privés d'une garantie ;

- l'administration n'établit pas leur avoir adressé des demandes de justifications concernant les revenus d'origine indéterminée au titre des années 2009 et 2010, ce qui fait obstacle à l'imposition d'office de ces revenus ;

- aucun avis de mise en recouvrement des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre des années 2006, 2010 et 2011 ne leur a été notifié, les privant ainsi d'une garantie en application des articles 1658 du code général des impôts et L. 253 et L. 256 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- ils justifient que les revenus d'origine indéterminée sont soit des opérations effectuées entre leurs comptes bancaires soit des prêts familiaux ;

- l'administration n'apporte pas la preuve que M. C... a appréhendé les sommes regardées comme des revenus distribués au titre de l'année 2011 ;

- l'assiette des prélèvements sociaux ne doit pas être majorée de 25 % en application de de la décision du Conseil constitutionnel du 10 février 2017 ;

- la reprise du crédit d'impôt prévu par l'article 199 terdecies-O A du code général des impôts n'est pas justifiée car les parts en cause ont été apportées et non pas vendues ;

- l'application des pénalités pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 mai 2019 et 8 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- les décisions du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 et n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société FBF, dont M. C... était le gérant, M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle, au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. Par trois propositions de rectification des 21 décembre 2012 et 3 juillet 2013, l'administration leur a notifié dans le cadre de la procédure de taxation d'office concernant les revenus d'origine indéterminée et dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire pour les autres chefs de redressement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009, 2010 et 2011, et des pénalités correspondantes. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 19 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le surplus de leur demande.

Sur le désistement partiel de M. et Mme C... :

2. En indiquant dans leur mémoire complémentaire, enregistré le 1er octobre 2020, que le tribunal administratif de Caen, par son jugement du 30 juin 2020, les a déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, à raison de la plus-value liée à la cession de valeurs mobilières, M. et Mme C..., qui entendent réduire leur demande de décharge en appel, doivent être regardés comme se désistant de leurs conclusions s'agissant de ce chef de redressement. Un tel désistement partiel étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur l'étendue du litige :

3. En premier lieu, il résulte du jugement du tribunal administratif de Caen du 30 juin 2020, qui est exécutoire, que M. et Mme C... ont été déchargés des pénalités pour manquement délibéré correspondant à la reprise au titre des années 2010 et 2011 d'un crédit d'impôt. Par suite, dès lors qu'il a déjà été fait droit sur ce point à cette demande, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de ces pénalités.

Sur la régularité du jugement :

4. Le jugement attaqué, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des requérants, est suffisamment motivé en ayant précisé au point 14 les motifs pour lesquels était écarté le protocole transactionnel du 19 septembre 2011. Il n'est pas non plus entaché d'un défaut de réponse au moyen tiré de l'incompétence territoriale de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du Calvados au regard du point 5. S'agissant de la demande de décharge des pénalités pour manquement délibéré, qui a bien été visée dans le jugement attaqué, il ressort des écritures de première instance des requérants que les pénalités ont été contestées uniquement par voie de conséquence du caractère infondé des rectifications. M. et Mme C... n'ont pas développé de moyens propres à ces pénalités. Par suite, en rejetant les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition et au bien-fondé des impositions, le tribunal administratif a implicitement mais nécessairement statué sur les pénalités correspondant aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme C... ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011. Enfin, si les requérants soutiennent que le jugement est erroné en ce qui concerne la charge de la preuve, une telle critique tenant au bien-fondé du jugement est sans incidence sur sa régularité.

Sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts dans leur version applicable à la présente procédure : " I.-Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / (...) III.- Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I et compétents territorialement pour procéder aux contrôles visés à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales d'une personne physique ou morale ou d'un groupement peuvent exercer les attributions définies à cet alinéa pour l'ensemble des impositions, taxes et redevances, dues par ce contribuable, quel que soit le lieu d'imposition ou de dépôt des déclarations ou actes relatifs à ces impositions, taxes et redevances. / V. - Sans préjudice des dispositions des II, III et IV, les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer leurs attributions à l'égard des personnes physiques ou morales et des groupements liés aux personnes ou groupements qui relèvent de leur compétence. / Les liens existant entre les personnes ou groupements s'entendent de l'appartenance ou du rattachement à un même foyer fiscal, de l'exercice d'un rôle de direction de droit ou de fait, d'une relation d'association, de subordination ou d'interposition, ou de l'appartenance à un même groupe d'intérêts. Les arrêtés d'attributions des services déconcentrés et des services à compétence nationale définissent, s'il y a lieu, la compétence des agents au regard des personnes unies par ces liens. (...) ".

6. En vertu des dispositions combinées des I, II et V de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux impositions en litige, les fonctionnaires des catégories A et B de la direction générale des impôts, habilités à fixer les bases d'imposition des personnes morales qui ont déposé ou auraient dû déposer une déclaration dans le ressort territorial de leur service d'affectation, peuvent exercer leurs attributions à l'égard des personnes physiques liées à ces personnes morales, ces liens s'entendant notamment de l'exercice d'un rôle de direction de droit ou de fait. Il n'est pas contesté que M. C... était associé au sein de la société FBF pendant toute la période vérifiée et son gérant jusqu'au 3 janvier 2011. Par suite, le service des impôts d'Epernay, qui a contrôlé la société FBF dont le siège est situé dans le département de la Marne, était compétent pour adresser à M. et Mme C... une proposition de rectification, en dépit du fait qu'ils résidaient à cette date dans le Calvados. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le service des impôts d'Epernay n'était pas compétent pour effectuer le contrôle fiscal les concernant et proposer des rectifications.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission (...) ". Il résulte de ces dispositions que le sens de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peut avoir d'autre effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve dans les termes prévus par cet article.

8. La circonstance, à la supposer même établie, que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires du Calvados ne serait pas compétente territorialement, ne peut, en tout état de cause, légalement vicier la régularité de la procédure d'imposition, mais seulement modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve, conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition en raison de l'incompétence territoriale de la commission susmentionnée doit être écarté comme inopérant . Au surplus, les requérants n'ont pas été privés d'une garantie, cette commission s'étant prononcée sur leur situation par un avis du 30 juin 2015.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 1658 du code général des impôts : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement. ". Aux termes de l'article L. 61 du livre des procédures fiscales, figurant en section IV " Procédures de rectification ", chapitre 1 "Procédure de redressement contradictoire" de ce livre : " Après l'établissement du rôle ou l'émission de l'avis de mise en recouvrement, le contribuable conserve le droit de présenter une réclamation conformément à l'article L. 190. ". Aux termes de l'article L. 253 du même livre dans sa version applicable à la présente procédure : " Un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs (...) ". Aux termes de l'article L. 256 du même livre : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. " Aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. ".

10. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'article 1658 du code général des impôts offre à l'administration la faculté de procéder au recouvrement des impôts directs, s'agissant notamment de cotisations supplémentaires établies à l'issue d'une procédure de rectification, soit au moyen de rôles rendus exécutoires, soit par voie d'avis de mise en recouvrement.

11. Il résulte de l'instruction que par avis d'imposition émis le 31 octobre 2015, l'administration a notifié à M. et Mme C... les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011 à la suite d'une procédure de rectification.

12. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient dû se voir notifier un avis de mise en recouvrement et qu'à défaut ils ont été privés d'une garantie. Par conséquent, ils ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration ne leur a pas notifié les droits et pénalités dont ils étaient redevables par avis de mise en recouvrement.

13. D'autre part, les requérants ne peuvent utilement invoquer le contenu de la doctrine administrative référencée du BOI-REC-PREA-10-10-20-20150717 n°60, qui, dès lors qu'elle est relative à l'établissement des avis de mise en recouvrement, concerne la procédure d'imposition, et ne peut, par suite, être regardée comme comportant une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la charge de la preuve :

14. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ". Aux termes de l'article L. 192 du même livre : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 (...) est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission (...). / Toutefois, la charge de la preuve incombe (...) / au contribuable (...) en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".

15. Il résulte de l'instruction et notamment des trois propositions de rectification des 21 décembre 2012 et 3 juillet 2013, que l'administration a, les 10 septembre et 19 octobre 2012, adressé à M. et Mme C..., sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, des demandes d'éclaircissements sur l'origine de sommes portées au crédit de leurs comptes bancaires au cours des années 2009, 2010 et 2011. Les contribuables y ont répondu partiellement par courrier du 21 novembre 2012, attestant ainsi la réception de ces demandes. Par ailleurs, pour la première fois en appel, le ministre produit les avis d'accusé réception des courriers des 10 septembre et 19 octobre 2012, justifiant ainsi de la réception des plis par les contribuables. Les avis portant la référence " 2172 " correspondent aux demandes d'éclaircissements des 10 septembre et 19 octobre 2012 mentionnés dans les propositions de rectification. Il s'ensuit que l'administration établit avoir adressé des demandes d'éclaircissement et que les requérants y ont répondu partiellement au-delà du délai de deux mois qui leur a été accordé. Par suite, c'est à bon droit qu'en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'administration a taxé d'office M. et Mme C... à raison des revenus d'origine indéterminée au titre des années 2009, 2010 et 2011. En vertu de l'article L. 192 précité, contrairement à ce qu'ils soutiennent, M. et Mme C... supportent la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions relatives aux revenus d'origine indéterminée.

S'agissant de l'imposition des revenus d'origine indéterminée :

16. Il résulte de l'instruction qu'au vu des réponses de M. et Mme C... aux demandes de justification qui leur avaient été adressées par le service en application des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales, l'administration a taxé d'office les crédits bancaires inexpliqués en les intégrant directement dans le revenu global, en tant que revenus d'origine indéterminée, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales.

17. M. et Mme C... contestent tout d'abord la réintégration d'un versement de 1 000 euros du 14 janvier 2009. Les requérants soutiennent qu'il s'agit d'une opération de compte à compte intervenue entre un des comptes de Mme C... vers un compte commun. L'imprimé de remise de chèque du 14 janvier 2009 produit par les intéressés mentionne seulement qu'il provient d'un compte domicilié à la banque LCL sans que l'identité de son titulaire ne soit renseignée. M. et Mme C... produisent également la copie d'un chèque daté du 13 janvier 2009 émis pour un montant de 1 000 euros à partir d'un compte appartenant à Mme C.... Cependant, il résulte de la proposition de rectification du 21 décembre 2012 qu'en réponse à la demande d'éclaircissement du 10 septembre 2012, les requérants ont indiqué que ce versement correspondait à une remise de chèque de Mme B..., la grand-mère de Mme C.... Il s'ensuit que, si les éléments produits présentent une concomitance de date et de montant, cette seule circonstance ne saurait établir l'origine du crédit en litige eu égard aux déclarations contradictoires formulées par les requérants durant les opérations de contrôle et à l'absence de précision de l'identité de l'émetteur du chèque sur l'imprimé de remise du 14 janvier 2009.

18. Les requérants soutiennent ensuite que les versements en espèces de 5 230 euros au titre de l'année 2009 et de 8 770 euros au titre de l'année 2010 proviennent de prêts à titre gratuit de Mme B..., la grand-mère de Mme C.... Les requérants se prévalent d'un protocole transactionnel conclu le 19 septembre 2011 qu'ils ne produisent pas. L'ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de Châlons-en-Champagne du 23 septembre 2011 constate seulement que la somme de 82 264 euros reçues à titre de dons ou prêts par Mme C... sera imputée sur la part de réserve héréditaire. Cet acte ne justifie pas l'origine des versements en espèces en litige qui auraient été versés selon les requérants par Mme B... au cours des années 2009 et 2010.

19. Il résulte de ce qui précède que les requérants, qui supportent la charge de la preuve, ne justifient pas que les sommes imposées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ne constituent pas des revenus imposables.

S'agissant des revenus distribués au titre de l'année 2011 :

20. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ", et aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

21. En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

22. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 3 juillet 2013, que contrairement à ce que soutiennent les requérants, si l'administration a mis en oeuvre la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts de désignation du bénéficiaire des distributions, elle a également établi que M. C... avait la qualité de maître de l'affaire. Le vérificateur a en effet constaté que M. C..., associé de la société FBF à hauteur de 49 % du capital, était le gérant de la société durant les années en litige. Il disposait par ailleurs de la signature sur l'ensemble des comptes bancaires utilisés par cette société et en assurait la gestion complète. Dans ces conditions, les requérants, qui ne contestent pas la qualité de maître de l'affaire de M. C..., ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait se fonder sur la seule désignation du bénéficiaire des distributions dans le cadre de l'article 117 du code général des impôts pour imposer les revenus distribués en litige.

S'agissant de la reprise du crédit d'impôt prévu par l'article 199 terdecies-O A du code général des impôts :

23. Aux termes l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts : " I. 1° Les contribuables domiciliés fiscalement en France peuvent bénéficier d'une réduction de leur impôt sur le revenu égale à 25 % des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés. / (...) IV. Les dispositions du 5 du I de l'article 197 sont applicables. / Lorsque tout ou partie des actions ou parts ayant donné lieu à la réduction est cédé avant le 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription, il est pratiqué au titre de l'année de la cession une reprise des réductions d'impôt obtenues. Il en est de même si, pendant ces cinq années, la société mentionnée au premier alinéa du 3° du I cède les parts ou actions reçues en contrepartie de sa souscription au capital de sociétés vérifiant l'ensemble des conditions prévues au 2° et prises en compte pour le bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu. Les mêmes dispositions s'appliquent en cas de remboursement des apports en numéraire aux souscripteurs. (...) ".

24. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable ou à l'administration, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif de la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées et la date à laquelle le droit à réduction est né.

25. Au titre des années 2010 et 2011, M. et Mme C... ont bénéficié d'une réduction d'impôt en application des dispositions précitées de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts pour les souscriptions faites au capital initial des sociétés FBF et Le Carré. L'administration a remis en cause ces réductions d'impôt au motif qu'ayant cédé les titres de la société Le Carré le 17 décembre 2010 et ceux de la société FBF le 20 juillet 2011, M. C... n'a pas conservé les titres jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription.

26. Les requérants soutiennent qu'ils n'ont pas cédé ces titres mais ont réalisé un apport à la société FBF le 17 décembre 2010 et à la société FSL lors de sa constitution le 27 mai 2011. Ils n'établissent cependant pas que ces opérations d'apports n'ont pas donné lieu à un remboursement en numéraire et qu'ils ont par suite conservé ces titres durant cinq années conformément au V de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause ces réductions d'impôts au titre des années 2010 et 2011.

S'agissant des contributions sociales :

27. En premier lieu, aux termes du 7 de l'article 158 du code général des impôts : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / (...) 2° (...) aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 (...) ". Aux termes du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France (...) sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...) :/ (...) c) Des revenus de capitaux mobiliers (...) ".

28. Par sa décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, sous la réserve que ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, être interprétées comme permettant l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les rémunérations et avantages occultes mentionnés au c de l'article 111 du même code. Par sa décision n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017, le Conseil constitutionnel a étendu cette réserve d'interprétation aux contributions sociales assises sur les bénéfices ou revenus mentionnés au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, au nombre desquels figurent les revenus distribués de l'article 109 du même code.

29. S'agissant de l'année 2009, il résulte de l'instruction que le calcul des contributions sociales a été établi à partir d'une assiette non majorée. Il s'ensuit que le moyen tiré de la majoration de l'assiette des contributions sociales doit être écarté comme manquant en fait. S'agissant de l'année 2010, M. et Mme C... ont été, par le jugement du 19 juillet 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, déchargés de la cotisation supplémentaire de contributions sociales relative aux revenus distribués, qui n'est donc plus en litige, et concernant les autres chefs de redressement, comme le faisait valoir l'administration en première instance, l'assiette des contributions sociales n'a pas été majorée par le coefficient de 1,25 susmentionné. Enfin, s'agissant de l'année 2011, les requérants ayant bénéficié, par décision du 27 février 2018, d'un dégrèvement correspondant à la majoration de 25 % de l'assiette des contributions sociales portant sur les revenus distribués au titre de l'année 2011, constaté en première instance, leurs conclusions tendant à la décharge de ces contributions ne peuvent qu'être rejetées

S'agissant des pénalités :

30. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

31. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 21 décembre 2012, que s'agissant des pénalités appliquées aux revenus d'origine indéterminée au titre de l'année 2009, l'administration, à qui incombe la charge de prouver l'existence d'un manquement délibéré, fait valoir la répétition, la régularité et l'importance des crédits inexpliqués. L'administration a indiqué également que M. et Mme C... avaient nécessairement connaissance de ces crédits inexpliqués versés sur leurs comptes bancaires, notamment au vu des montants importants de certains versements. Elle a relevé par ailleurs que les intéressés procédaient à très peu de retraits bancaires et versaient régulièrement des espèces sur leurs comptes. Le service en a déduit que l'usage d'espèces étant quasi-quotidien, M. et Mme C... ne pouvait ignorer leur provenance. L'administration doit être ainsi regardée comme démontrant l'élément intentionnel et l'élément matériel justifiant l'application des pénalités, eu égard notamment à l'omission d'une part très importante des revenus, ce dont les contribuables avaient nécessairement connaissance. S'agissant des années 2010 et 2011 pour ce qui est des pénalités restant en litige, dans ses propositions de rectification du 3 juillet 2013, l'administration a retenu les mêmes éléments que précédemment évoqués concernant les revenus d'origine déterminée. Concernant les revenus distribués, elle a relevé que les requérants ne pouvaient ignorer que les factures comptabilisées en charges dans la comptabilité de la SARL FBF constituaient en réalité des dépenses personnelles, eu égard à la nature de ces dépenses et à la qualité de maitre de l'affaire de M. C.... Il s'ensuit que, compte tenu des éléments apportés par l'administration pour justifier le bien-fondé des pénalités en cause, M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander la décharge des pénalités appliquées aux rectifications portant sur les revenus d'origine indéterminée et les revenus distribués.

32. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande de décharge des impositions et pénalités restant en litige.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement partiel, dans la limite précisée au point 2 du présent arrêt, des conclusions aux fins de décharge présentées par M. et Mme C....

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré correspondant à la reprise d'un crédit d'impôt au titre des années 2010 et 2011.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 18NC02509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02509
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Taxation d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SCP LORETTE ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-12;18nc02509 ?
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