Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
Le tribunal administratif de Strasbourg a été saisi d'une demande de la société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) Média Plis tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles celle-ci a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2012 et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des mêmes années.
Par un jugement n° 1604573, 1604628 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à cette demande et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Le tribunal administratif de Strasbourg a été saisi d'une demande de M. et Mme B... tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ceux-ci ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mise à leur charge au titre de l'année 2011.
Par un jugement n° 1604573, 1604628 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à cette demande et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédures devant la cour :
I.) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 août 2018 et le 6 août 2019, sous le n° 18NC02346, la SASU Média Plis, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a pas prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, résultant de la réintégration dans son revenu imposable de la fraction des salaires versés à Mme B..., considérés comme excessifs par l'administration ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les éléments de fait relevés par le vérificateur ne traduisent que partiellement la réalité de l'étendue des tâches effectuées par Mme B... ;
- c'est à tort que l'administration et le tribunal affirment que la qualification de Mme B... ne lui permettait pas d'exercer des fonctions de responsable administratif et financier sans qu'ils n'aient procédé à la comparaison de sa rémunération avec celle des salariés exerçant des fonctions similaires dans des entreprises comparables ; le jugement attaqué ne définit pas les fonctions normales d'un responsable administratif et financier ;
- les interventions du cabinet KPMG ne sont que des interventions courantes qui permettaient à Mme B... d'assurer sa mission de révision des comptes et de vérifier la pertinence des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ;
- elle se prévaut des énonciations formulées dans l'instruction BOI-BIC-CHG-40-10 n° 130 et 140 du 12 septembre 2012 ;
- la proposition de rectification ne satisfait pas à l'obligation de motivation prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; cette insuffisante motivation de la proposition de rectification constitue une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- il ne saurait y avoir de divergence entre le juge fiscal et le juge judiciaire qui, par un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 21 janvier 2016, a prononcé la relaxe de Mme B... pour les faits de complicité d'abus de biens de la société Média Plis, au rang desquels figuraient ses rémunérations ;
- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors que le tribunal administratif ne fournit pas la preuve que la société Média Plis avait conscience de commettre une infraction fiscale en déduisant de ses charges la rémunération de Mme B... ; elle se prévaut à ce titre de la doctrine BOI-CF-INF-10-20-20 n° 40 du 12 septembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SASU Média Plis ne sont pas fondés.
II.) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 août 2018 et le 2 août 2019, sous le n° 18NC02347, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a pas prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, résultant de la réintégration dans leur revenu imposable de la fraction des salaires versés à Mme B..., considérés comme excessifs par l'administration ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les éléments de fait relevés par le vérificateur ne traduisent que partiellement la réalité de l'étendue des tâches effectuées par Mme B... ;
- c'est à tort que l'administration et le tribunal affirment que la qualification de Mme B... ne lui permettait pas d'exercer des fonctions de responsable administratif et financier sans qu'ils n'aient procédé à la comparaison de sa rémunération avec celle des salariés exerçant des fonctions similaires dans des entreprises comparables ; le jugement attaqué ne définit pas les fonctions normales d'un responsable administratif et financier ;
- les interventions du cabinet KPMG ne sont que des interventions courantes qui permettaient à Mme B... d'assurer sa mission de révision des comptes et de vérifier la pertinence des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ;
- elle se prévaut des énonciations formulées dans l'instruction BOI-BIC-CHG-40-10 n° 130 et 140 du 12 septembre 2012 ;
- la proposition de rectification, en ne faisant pas état d'une comparaison de la rémunération et des fonctions de Mme B... avec celles d'entreprises similaires, ne satisfait pas à l'obligation de motivation prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; cette insuffisante motivation de la proposition de rectification constitue une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- il ne saurait y avoir de divergence entre le juge fiscal et le juge judiciaire qui, par un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 21 janvier 2016, a prononcé la relaxe de Mme B... pour les faits de complicité d'abus de biens de la société Média Plis, au rang desquels figuraient ses rémunérations ;
- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors que le tribunal administratif ne fournit pas la preuve que la société Média Plis avait conscience de commettre une infraction fiscale en déduisant de ses charges la rémunération de Mme B... ; elle se prévaut à ce titre de la doctrine BOI-CF-INF-10-20-20 n° 40 du 12 septembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Média Plis, qui exerce une activité de routage et de mise sous pli de documents au bénéfice de clients professionnels, a pour gérant et unique associé M. D... B.... Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 31 octobre 2012. A l'issue de ce contrôle, par une proposition de rectification du 12 décembre 2013, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration a informé la société Média Plis qu'elle envisageait de mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 et 2011, assorties des pénalités correspondantes, résultant notamment de son refus partiel d'admettre en déduction une fraction de la rémunération versée au titre de ces mêmes années à Mme B..., épouse du gérant et exerçant les fonctions de responsable administratif et financier, en raison de son caractère excessif. Après un avis favorable de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires aux rehaussements proposés, l'administration fiscale a mis en recouvrement ces cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de majorations, dont la SASU Média Plis demande la décharge. Concomitamment, le service a aussi procédé à un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme B... et a estimé que les sommes imposées à l'impôt sur les sociétés auprès de la SASU Média Plis et qui n'avaient pas été déclarées par la société devaient être regardées comme des revenus distribués qu'elle a imposés entre les mains de M. et Mme B... sur le fondement des dispositions des articles 109 et 111 d) du code général des impôts. En conséquence, par proposition de rectification du 12 décembre 2013, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration fiscale a assujetti M. et Mme B... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de majorations au titre des années 2010 et 2011. La SASU Média Plis et M. et Mme B... relèvent respectivement appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées n° 18NC02346 et n°18NC02347 présentées respectivement par la SASU Média Plis et M. et Mme B... présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités correspondantes auxquelles la SASU Média Plis a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 :
S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article L. 80 CA du même livre : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France. "
4. La société requérante soutient qu'en ne faisant pas état d'une comparaison de la rémunération et des fonctions de Mme B... avec celles d'entreprises similaires, la proposition de rectification du 12 décembre 2013 ne satisfait pas à l'obligation de motivation prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales précité. Il résulte toutefois de l'examen de cette pièce de procédure que le vérificateur a exposé de façon circonstanciée les considérations de fait qui ont conduit l'administration à estimer qu'une fraction de la rémunération versée au titre des années 2010 et 2011 à Mme B... devait être regardée comme excessive, compte tenu notamment de son expérience professionnelle, de sa formation, de son temps de travail et des périodes de congés dont elle a bénéficié pendant la période vérifiée avant d'en déduire qu'elle ne pouvait pas être portée en déduction du bénéfice imposable de la société Média Plis. Comme l'ont jugé les premiers juges, si l'administration fiscale n'a pas spécifiquement motivé sa proposition au regard de rémunérations attribuées à des salariés occupant des postes équivalents dans des entreprises comparables, cette circonstance est sans incidence sur la motivation de ce document, dès lors que le service n'a pas fondé le redressement sur un tel motif. Les indications ainsi portées à la connaissance de la société requérante étaient suffisantes pour lui permettre de comprendre les motifs du redressement et d'en discuter utilement le bien-fondé, ce qu'elle a d'ailleurs fait dans ses observations du 14 février 2014, auxquelles l'administration a répondu le 6 juin 2014. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales précitées ne peuvent qu'être écartés.
S'agissant du bien-fondé des impositions :
Quant à l'application de la loi fiscale :
5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en vertu de l'article 209 du même code à la détermination de l'assiette de l'impôt sur les sociétés : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. ".
6. Il est constant que Mme B... a été recrutée par la SASU Média Plis en 2006 en qualité d'assistante administrative puis de secrétaire de direction avec un salaire de 1650 euros brut mensuel. Il est également constant d'une part, qu'au cours de la période vérifiée, Mme B... exerçait, selon un avenant à son contrat de travail du 1er janvier 2009, les fonctions de responsable administratif et financier de la SASU Média Plis avec une rémunération mensuelle fixée à 4 676 euros, hors prime sur objectifs et treizième mois, pour une durée de travail annuel de 218 jours et que d'autre part, à compter du 1er octobre 2010, son salaire a été porté à 4 690 euros et sa durée de travail annuel a été réduite à 175 jours. En prenant en compte les frais relatifs au véhicule utilisé par Mme B... en 2010 et la complémentaire santé réglée par la société en 2010 et 2011, le montant total des rémunérations directes et indirectes versées à Mme B... a ainsi été estimé par l'administration à 85 117 euros en 2010 et 79 356 euros en 2011. Le service a limité le montant des rémunérations déductibles à 24 750 euros par an, soit le montant initialement fixé en 2006, majoré de 25 % pour tenir compte des bons résultats de l'entreprise, et a ainsi réintégré dans les résultats de la société Média Plis des sommes de 54 606 euros en 2010 et 58 767 euros en 2011.
7. Il résulte de l'instruction, particulièrement du contrat de travail de Mme B..., que cette dernière avait pour mission le suivi de l'ensemble des circuits administratifs et comptables, la tenue de la comptabilité, les relations avec l'expert-comptable et les organismes bancaires, la préparation des éléments nécessaires aux déclarations fiscales et sociales ou encore tous travaux administratifs nécessaires à la gestion. L'administration fiscale démontre, notamment par les éléments de référence qu'elle évoque dans la proposition de rectification précitée, que ces missions ne relèvent pas des tâches effectuées par un responsable administratif et financier qui dispose de responsabilités plus importantes, notamment le pouvoir d'engager la société auprès des tiers et est, à ce titre, garant du respect des obligations légales et réglementaires. L'administration fait également valoir que la fonction de responsable administratif et financier nécessite des compétences dans le domaine juridique, fiscal, social, comptable, financier et qu'elle est normalement exercée par des personnes disposant d'un niveau d'études compris entre deux et cinq années après l'obtention du baccalauréat. Or, il résulte de l'instruction que Mme B... dispose d'un baccalauréat professionnel option vente et n'a effectué aucunes études spécifiques, ni ne dispose d'expérience professionnelle en matière comptable ou financière, à l'exception de trois journées de formation suivie en 2008 portant sur " les tableaux de bord ". Il est également constant que la société Média Plis rémunère à hauteur de 25 000 euros par an le cabinet KPMG chargé de procéder aux déclarations de ses comptes annuels, et que, dans ce cadre, un salarié de ce cabinet se rend dans les locaux de la société requérante, deux fois par an, pour réaliser des opérations de contrôle et mensuellement pour contrôler et valider les éléments préparés par Mme B... en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Il n'est pas non plus contesté que la société Distrimail, gérée par la mère du dirigeant de la SASU Média Plis facturait des frais de tenue de comptabilité au titre des exercices litigieux. En outre, il résulte de l'instruction que Mme B... bénéficie depuis 2009 d'une liberté totale d'organisation de son emploi du temps, n'est soumise à aucune contrainte horaire, qu'elle a disposé de 65 jours de congés en 2010 et 71 en 2011, alors que son contrat de travail n'en prévoyait que 30 par an et qu'elle a déclaré qu'elle était absente deux journées complètes par semaine. Enfin, il n'est pas contesté que comme l'indique l'administration en défense, la déclaration annuelle de salaires déposée au titre des années en litige indiquait que Mme B... occupait un poste de secrétaire de direction. L'administration établit ainsi, comme cela lui incombe, et sans qu'il soit besoin de procéder à une comparaison avec les rémunérations accordées par d'autres entreprises, qu'eu égard aux missions définies dans son contrat de travail, à sa formation et à son temps de travail effectif au sein de la société, Mme B... exerçait en réalité des fonctions normalement dévolues à une secrétaire comptable et non pas un poste de responsable administratif et financier. Par suite, c'est à bon droit que l'administration, qui n'était pas tenue de procéder à des comparaisons externes avec des entreprises similaires mais pouvait se fonder sur les données propres de l'entreprise requérante, a remis en cause la déduction du bénéfice imposable de la SASU Média Plis de la fraction des rémunérations de Mme B... considérée comme excessive, conformément aux dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, nonobstant la circonstance que le juge pénal, dans son jugement du 21 janvier 2016, ait prononcé la relaxe de Mme B... dès lors qu'il n'a pas procédé à des constatations de fait au sujet de sa rémunération de nature à s'imposer au juge de l'impôt.
Quant au bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
9. Il est constant que la fraction des rémunérations en litige a été versée à Mme B..., épouse du gérant de la société Média Plis. Par conséquent, la société requérante ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions des n° 130 et 140 du BOI-BIC-CHG-40-40-10 qui rappellent les critères habituellement retenus par la jurisprudence du conseil d'Etat pour apprécier le caractère excessif des rémunérations dès lors que cette doctrine concerne, comme son titre l'indique, " les rémunérations des salariés autres que le conjoint de l'exploitant individuel ou de l'associé d'une société et autres charges correspondantes ".
Sur les pénalités :
10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.
11. En premier lieu, pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale relève que la société requérante ne pouvait pas ignorer que Mme B... avait perçu des avantages disproportionnés au regard de son expérience professionnelle, de ses qualifications, de son temps de travail, de l'importance de ses périodes de congés, de l'ampleur des missions confiées à des tiers et des services rendus à la société Média Plis. Ce faisant, l'administration démontre l'intention de la société requérante d'éluder l'impôt. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions légales précitées que les rappels d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ont été assortis de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 susvisé du code général des impôts.
12. En deuxième lieu, la société requérante, demande, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice des énonciations de la documentation administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-20 n° 40, lesquelles précisent : " Le caractère délibéré du manquement résulte de l'ensemble des éléments de fait de nature à établir que les erreurs, inexactitudes ou omissions commises par le contribuable n'ont pu l'être de bonne foi. Il s'apprécie donc en fonction des circonstances propres à chaque affaire./Dès lors qu'il procède de l'accomplissement conscient d'une infraction, le manquement délibéré est suffisamment établi chaque fois que le service est en mesure de démontrer que l'intéressé a nécessairement eu connaissance des faits ou des situations qui motivent les rehaussements./Le caractère délibéré du manquement peut également être considéré comme établi, chaque fois que le rehaussement porte sur une question de principe ayant déjà fait l'objet, à l'encontre du contribuable, d'une décision administrative non contestée par l'intéressé ou ayant acquis l'autorité de la chose jugée.(...) ". Ces énonciations ne donnent pas une interprétation différente du dispositif légal de celle mentionnée au point 10 ci-dessus. Elles ne sauraient dès lors être utilement invoquées sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les pénalités correspondantes auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2011 :
13. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / d. La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l'article 39 (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une personne est employée par une société en qualité de salarié, les rémunérations qu'elle reçoit de l'entreprise sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires, sauf s'il est établi, dans le respect des règles qui gouvernent la charge de la preuve, que l'intéressé n'a pas effectivement travaillé dans l'entreprise ou a perçu une rémunération excessive eu égard à l'importance du service rendu, auquel cas lesdites rémunérations sont, en tout ou en partie, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
14. Pour contester les impositions en litige, M. et Mme B... se bornent à reprendre les moyens soulevés dans la requête et le mémoire complémentaire enregistrés sous le n° 18NC02346 et tendant à contester le bien-fondé des rectifications opérées à l'encontre de la SASU Média Plis. Ils demandent d'en tirer les conséquences sur les revenus distribués les concernant qui ont été imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus mobiliers.
15. En premier lieu, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la proposition de rectification adressée à la SASU Média Plis est, en vertu du principe d'indépendance des procédures, sans incidence sur la régularité de la procédure menée à l'encontre de M. et Mme B.... Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et de la méconnaissance de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales doivent être écartés comme inopérants.
16. En second lieu, pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées au point 7 du présent arrêt, doivent être écartés les moyens selon lesquels les éléments de fait relevés par le vérificateur ne traduisent que partiellement la réalité de l'étendue des tâches effectuées par Mme B..., c'est à tort que l'administration et le tribunal affirment que la qualification de cette dernière ne lui permettait pas d'exercer des fonctions de responsable administratif et financier sans qu'ils n'aient procédé à la comparaison de sa rémunération avec celle des salariés exerçant des fonctions similaires dans des entreprises comparables, le jugement attaqué ne définit pas les fonctions normales d'un responsable administratif et financier, les interventions du cabinet KPMG ne sont que des interventions courantes et à ce titre les contribuables se prévalent de l'instruction BOI-BIC-CHG-40-10 n° 130 et 140 du 12 septembre 2012, il ne saurait y avoir de divergence entre le juge fiscal et le juge judiciaire qui, par un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 21 janvier 2016, a prononcé la relaxe de Mme B... pour les faits de complicité d'abus de biens de la société Média Plis et, enfin, la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée et, à ce titre, l'administration a méconnu le n°40 de la doctrine BOI-CF-INF-10-20-20 du 12 septembre 2012. Dans ces conditions, compte tenu du fait que les requérants ne contestent pas avoir appréhendé les sommes en litige et n'apportent pas la preuve qui leur incombe, en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, de l'exagération des impositions contestées, c'est à bon droit que l'administration a considéré que Mme B... avait bénéficié de rémunérations excessives constituant des revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions du d) de l'article 111 du code général des impôts.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Média Plis, d'une part, et M. et Mme B..., d'autre part, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes en décharge des impositions en litige.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, des sommes au titre des frais d'instance. Par suite, les conclusions présentées sur ce point par M. et Mme B... et par la SASU Média Plis doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SASU Média Plis et celle de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... B..., à la SASU Média Plis et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. .
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N° 18NC02346, 18NC02347