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10/11/2020 | FRANCE | N°19NC03218

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 10 novembre 2020, 19NC03218


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite.

Par un jugement n° 1900745 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2019, Mme G..., représentée par Me D..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite.

Par un jugement n° 1900745 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2019, Mme G..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de lui délivrer un titre de séjour en application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'erreur de droit et de fait, dès lors qu'elle contribue à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;

- le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité n'est pas établi, M. B... contribuant à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision port ant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la reconnaissance anticipée de paternité de l'enfant est frauduleuse ;

- les autres moyens soulevés par Mme G... ne sont pas fondés.

Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante camerounaise née le 2 mars 1985, est entrée en France en janvier 2010 après avoir séjourné en Belgique sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a donné naissance, le 10 février 2017, à l'enfant C... B..., dont le père, M. F... B..., est un ressortissant français. Par un arrêté du 8 janvier 2019, le préfet de l'Aube a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme G... en qualité de mère d'un enfant français, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être renvoyée. Par un jugement du 18 juin 2019, dont Mme G... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2019.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Selon l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. ". En vertu de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende. Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint (...) ". L'article 321 du code civil énonce que : " Sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. A l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité. ". En vertu de l'article 335 du même code : " La filiation établie par la possession d'état constatée par un acte de notoriété peut être contestée par toute personne qui y a intérêt en rapportant la preuve contraire, dans le délai de dix ans à compter de la délivrance de l'acte. ".

3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Par déclaration du 20 octobre 2016, M. B... a reconnu par anticipation être le père de la jeune C.... Il ressort des pièces du dossier que Mme G... et M. B... n'ont jamais vécu ensemble. Selon leurs propres déclarations, cohérentes sur ce point, leurs relations ont un caractère épisodique et irrégulier. Ainsi, M. B... résidait au Havre chez sa mère et Mme G... à Paris au moment de la conception de l'enfant. La requérante précise également avoir vu M. B... seulement de temps à autre pendant sa grossesse. Cependant, ces éléments ne suffisent pas à établir, qu'en dépit du caractère épisodique de leurs relations, M. B... aurait reconnu l'enfant aux seules fins de permettre à sa mère d'obtenir un titre de séjour. En outre, contrairement à ce que soutient le préfet de la Marne les déclarations de M. B... et de Mme G... sont cohérentes quant à la nature de leurs relations et à la fréquence de leurs rencontres. De plus, il ressort des attestations produites que M. B... rend visite occasionnellement à la mère et à l'enfant et contribue également à l'entretien de la jeune C..., ainsi que cela ressort des factures de soins médicaux produites au nom de M. et Mme B... - G..., qui sont antérieures à la décision litigieuse. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Aube n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la reconnaissance de l'enfant a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention par Mme G... d'un titre de séjour.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme G... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 janvier 2019 par laquelle le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel Mme G... est susceptible d'être éloignée doivent être annulées par voie de conséquence.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. Le motif de l'annulation prononcée au point précédent implique nécessairement, en l'absence de circonstances de droit ou de fait nouvelles, que le préfet de la Marne délivre à Mme G... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'un an, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ainsi que, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Mme G... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D... avocate de Mme G..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 18 juin 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 8 janvier 2019 du préfet de l'Aube sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à Mme G..., en l'absence de circonstances de droit ou de fait nouvelles, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'un an dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme G... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G..., au ministre de l'intérieur et à Me D....

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.

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N° 19NC03218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03218
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : OURIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-10;19nc03218 ?
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