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10/11/2020 | FRANCE | N°19NC02980

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 10 novembre 2020, 19NC02980


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... A... G... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 30 avril 2018 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté le recours préalable obligatoire formé contre la décision du 26 octobre 2017 par laquelle la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Est a refusé de renouveler sa carte professionnelle d'agent de sécurité et d'enjoindre à ce conseil de lui délivre

r cette carte professionnelle.

Par un jugement n° 1804110 du 27 septembre 2019, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... A... G... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 30 avril 2018 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté le recours préalable obligatoire formé contre la décision du 26 octobre 2017 par laquelle la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Est a refusé de renouveler sa carte professionnelle d'agent de sécurité et d'enjoindre à ce conseil de lui délivrer cette carte professionnelle.

Par un jugement n° 1804110 du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et a enjoint au conseil national des activités privées de sécurité de délivrer à M. A... G... une carte professionnelle d'agent de sécurité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2019, le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), représenté par la SCP Claisse et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... G....

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le comportement de M. A... G..., eu égard à la nature, à la gravité et à la réitération des faits qui lui étaient reprochés, est incompatible avec l'exercice des fonctions des agents de sécurité privée ;

- l'existence de sanctions pénales ou de poursuites est indifférente, dès lors que les faits relevés sont matériellement établis ;

- la circonstance que les condamnations prononcées à l'encontre de l'intéressé ont été effacées du bulletin n° 2 de son casier judiciaire ne fait pas obstacle à ce que la commission nationale prenne en compte les faits ayant justifié ces condamnations ;

- les autres moyens soulevés par M. A... G... devant les premiers juges ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2020, M. A... G..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du CNAPS ;

2°) de mettre à la charge du CNAPS la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'effacement des condamnations pénales portées au bulletin n°2 du casier judicaire, couplé à l'ancienneté des faits reprochés, démontre la compatibilité de son comportement à exercer l'activité de gardien de sécurité ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé la décision querellée.

Par ordonnance du 24 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 7 août 2020 à 12h00.

M. A... G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. A... G....

Une note en délibéré a été enregistrée le 20 octobre 2020 pour M. A... G....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... G..., titulaire d'une carte professionnelle permettant l'exercice de l'activité d'agent de sécurité privée depuis février 2011, a sollicité le renouvellement de cet agrément le 30 juin 2017. Par une décision du 26 octobre 2017, la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Est du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a rejeté cette demande. Par une décision du 30 avril 2018, la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) a rejeté le recours préalable obligatoire alors formé par M. A... G.... Le CNAPS fait appel du jugement du 27 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 612-20 du même code dispose que : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : (...) / 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées (...) ".

3. Pour refuser le renouvellement de la carte professionnelle dont M. A... G... était titulaire depuis 2011, la commission nationale d'agrément et de contrôle s'est fondée sur la circonstance que ce dernier avait été condamné le 17 avril 2014 à une peine de trois mois d'emprisonnement, pour avoir commis, en août 2010 des faits de faux en écriture publique ou authentique et le 31 mai 2010 à une peine d'emprisonnement de trois mois pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité commis le 25 août 2007. Elle a également pris en compte des faits de violence ayant entrainé une incapacité de travail n'excédant pas huit jours commis le 7 décembre 2013, pour lesquels l'enquête administrative a révélé que l'intéressé avait fait l'objet d'un rappel à la loi, des faits de violence ayant entrainé une incapacité de travail n'excédant pas huit jours et délaissement de mineurs de quinze ans, commis le 7 mai 2006 et des faits d'escroquerie commis le 10 février 2004.

4. Il ressort des pièces du dossier, eu égard au caractère récent, à la date de la décision en litige, des derniers faits de violence pour lesquels le requérant a fait l'objet d'un rappel à la loi et à la gravité des faits commis antérieurement ayant fait l'objet de condamnations pénales, que le comportement de M. A... E... est contraire aux bonnes moeurs, à la probité et à la sécurité des personnes. La circonstance que les condamnations pénales du requérant ne sont plus inscrites au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ne fait pas obstacle à ce que les faits en étant à l'origine soit pris en compte par l'administration pour apprécier l'aptitude de l'intéressé aux fonctions d'agent de sécurité. Enfin, si le requérant conteste la matérialité des faits commis en 2004 et 2006, la commission aurait pris, en l'absence même de ces faits, au demeurant anciens, la même décision. Il résulte de ce qui précède que la commission nationale d'agrément et de contrôle n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure en lui refusant le renouvellement de sa carte professionnelle.

5. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision contestée, le tribunal administratif a estimé qu'elle était entachée d'une erreur d'appréciation.

6. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... G... devant le tribunal administratif de Strasbourg et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... G... :

7. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure que l'exercice d'une activité privée de sécurité est soumise à la délivrance d'un agrément précédé d'une enquête administrative notamment destinée à vérifier que le comportement ou les agissements de l'intéressé sont compatibles avec l'exercice des fonctions envisagées. Cette enquête administrative peut s'accompagner d'une consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales par des agents spécialement habilités conformément à l'article L. 612-20 du code de sécurité intérieure. A cette fin, l'article R. 632-14 du même code précise que " Le directeur transmet au préfet du siège de la commission nationale, régionale ou interrégionale la liste des agents pour laquelle il sollicite une habilitation à consulter les fichiers gérés par les services de police et de gendarmerie nationales aux fins et dans les conditions fixées par les articles (...) L. 612-20 (...) du présent code les traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales (...) ".

8. Cette consultation de fichiers doit également répondre aux exigences posées par le code de procédure pénale. Ainsi, en vertu de l'article R. 40-23 du code de procédure pénale, le ministre de l'intérieur est autorisé à mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé " traitement d'antécédents judiciaires ", dont les finalités sont celles mentionnées à l'article 230-6, lesquelles visent, au regard de cette disposition, à faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. En vertu du I de l'article R. 40-29 du même code, les données à caractère personnel figurant dans le traitement, qui se rapportent à des procédures judiciaires closes ou en cours, et dont la consultation est normalement réservée aux personnels de la police et de la gendarmerie, peuvent néanmoins être également consultées par " des personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Dans tous les cas, l'accès à l'information est alors limité à la seule connaissance de l'enregistrement de l'identité de la personne concernée, dans le traitement en tant que mis en cause ".

9. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si l'enquête administrative menée à l'égard des individus qui sollicitent une carte professionnelle pour exercer des activités privées de sécurité peut donner lieu à la consultation de traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales portant sur les antécédents judiciaires, c'est à la condition que soient respectées les dispositions relatives à l'habilitation des agents autorisés à procéder à cette consultation, ainsi que celles relatives au périmètre de la consultation dans le cadre de l'enquête administrative. Ces conditions sont posées pour que soient respectées tant la protection des informations contenues dans ces traitements automatisés, que la protection de la vie privée des personnes faisant l'objet d'une mention dans ces fichiers. Une absence d'habilitation régulière de l'agent chargé de l'enquête administrative et de cette consultation vicie, dès lors, la procédure préalable à la décision prise sur la demande d'agrément. Ce vice porte en outre atteinte à la garantie liée à la protection des données et de la vie privée, qui s'attache à une consultation sécurisée, telle qu'elle est restrictivement prévue notamment par le code de procédure pénale. Les informations obtenues irrégulièrement à l'issue d'une enquête administrative ainsi viciée sont également de nature à exercer une influence sur le sens de la décision prise à l'issue de l'enquête administrative et de la procédure contradictoire, dès lors, notamment, que l'agrément ne peut être délivré s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, que le comportement ou les agissements de la personne faisant l'objet de l'enquête sont, en particulier au regard des mentions figurant dans le traitement automatisé, contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions liées à une activité de surveillance privée.

10. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'instruction de la demande de M. A... G..., M. B... I..., agent contractuel de la délégation territoriale Ile-de-France du Conseil national des activités privées de sécurité, a consulté les informations relatives aux antécédents judiciaires de l'intéressé le 8 janvier 2018. Ce dernier avait été habilité, par un arrêté du préfet de police du 25 octobre 2016, à accéder " aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements autorisés ", notamment, par le décret du 4 mai 2012 relatif au traitement d'antécédents judiciaires. Par suite, la délibération du 30 avril 2018 a été adoptée au terme d'une procédure respectueuse de la garantie instituée par les dispositions des articles L. 612-20 et R. 632-14 du code de la sécurité intérieure et R. 40-29 du code de procédure pénale.

11. En second lieu, le moyen tiré de l'irrecevabilité des griefs de la commission à son encontre du fait de l'intervention de la décision litigieuse, qui s'est substituée au refus implicite opposé à son recours, n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le CNAPS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 20 juillet 2017.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNAPS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A... G... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... G... devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Conseil national des activités privées de sécurité et à M. J... A... G....

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N° 19NC02980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02980
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS CLAISSE ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-11-10;19nc02980 ?
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