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29/10/2020 | FRANCE | N°19NC03355-19NC03365

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 octobre 2020, 19NC03355-19NC03365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy, par une requête enregistrée sous le n° 1903033, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 17 octobre 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a assigné à résidence et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui restituer son passeport, et, par une requête enregistrée sous le n° 1903034, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 17 octobre 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy, par une requête enregistrée sous le n° 1903033, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 17 octobre 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a assigné à résidence et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui restituer son passeport, et, par une requête enregistrée sous le n° 1903034, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 17 octobre 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir, ainsi qu'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1903033-1903034 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête sommaire enregistrée sous le n° 19NC03355 le 20 novembre 2019, complétée par un mémoire enregistré le 2 décembre 2019, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 octobre 2019 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, ainsi que l'arrêté du 17 octobre 2019 portant assignation à résidence ;

3°) de lui accorder un délai de départ volontaire pour organiser son retour vers le pays de renvoi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il remplit l'ensemble des conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- il peut obtenir sur place un visa et un titre de séjour, sans avoir à retourner au pays ;

S'agissant de la décision refusant un délai de départ volontaire :

- il est entré régulièrement sur le territoire français ;

S'agissant de l'assignation à résidence :

- l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration a été méconnu, dès lors que la décision n'est pas signée par l'agent qui l'a notifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

II- Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03365 le 21 novembre 2019, complétée par un mémoire enregistré le 2 décembre 2019, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 octobre 2019 en tant qu'il rejette sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 octobre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, ainsi que l'arrêté du 17 octobre 2019 portant assignation à résidence ;

3°) de lui accorder un délai de départ volontaire pour organiser son retour vers le pays de renvoi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il remplit l'ensemble des conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

- il peut obtenir sur place un visa et un titre de séjour, sans avoir à retourner au pays ;

S'agissant de la décision refusant un délai de départ volontaire :

- il est entré régulièrement sur le territoire français ;

S'agissant de l'assignation à résidence :

- l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration a été méconnu, dès lors que la décision n'est pas signée par l'agent qui l'a notifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant algérien, né le 30 avril 1976, est entré sur le territoire français le 6 juin 2018, après être passé par le Portugal sous couvert d'un visa de court séjour valable du 1er juin au 10 juin 2018, selon ses déclarations. Après avoir fait l'objet d'un contrôle par les services de police de Longwy le 16 octobre 2019, alors qu'il commettait une infraction routière, il a fait l'objet d'un placement en retenue pour vérification de son droit au séjour. Ayant constaté que l'intéressé se trouvait illégalement en France et n'avait entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris à son encontre, le 17 octobre 2019, d'une part, un arrêté l'assignant à résidence et, d'autre part, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination. M. C... fait appel du jugement du 24 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 19NC03355 et 19NC03365 sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. C... déclare lui-même être entré en France le 6 juin 2018, à l'âge de 43 ans. Il ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis un an et quatre mois, à la date de la décision préfectorale contestée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son arrivée récente en France et où résident notamment, selon ses propres déclarations, ses parents. S'il affirme s'être marié religieusement le 25 août 2019, à Thionville, avec une ressortissante algérienne en situation régulière qui attend un enfant de lui, il est constant qu'aucun mariage civil n'a été célébré et que, de surcroît, le mariage religieux est intervenu moins de deux mois avant l'adoption de la décision contestée. Dans ces conditions, en obligeant M. C... à quitter le territoire français, alors de plus que ce dernier n'a jamais entrepris de démarches pour régulariser sa situation, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la mesure d'éloignement. Par suite, et alors qu'il serait loisible au requérant, s'il entend se marier avec sa compagne, de revenir ensuite en France au titre du regroupement familial après l'exécution de la mesure d'éloignement contestée, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : " au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il remplirait l'ensemble des conditions pour se voir délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, alors qu'au demeurant il n'a jamais sollicité, depuis son entrée sur le territoire français, la délivrance d'un tel certificat de résidence sur ce fondement.

Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire :

7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. /(...)/ Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

8. Si M. C... a produit, à l'occasion de son interpellation du 16 octobre 2019, un passeport algérien revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités portugaises valable du 22 mai au 16 juin 2018, ainsi que de tampons attestant d'une sortie du territoire algérien le 1er juin 2018 et d'une arrivée au Portugal le même jour, il n'établit pas être entré sur le territoire français, conformément à ses déclarations, le 6 juin 2018, soit durant la validité de son visa " Schengen ". En outre, ainsi qu'il a été dit plus haut, il est constant qu'il n'a jamais sollicité, depuis son entrée sur le territoire français, la délivrance d'un titre de séjour pour régulariser sa situation. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne pouvait pas valablement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, sur le fondement du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

9. Les conditions de notification d'une décision administrative étant sans incidence sur sa légalité, M. C... ne peut pas utilement soutenir que la décision contestée l'assignant à résidence, régulièrement signée par Mme Marie-Blanche Bernard, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, n'a pas été signée par l'agent qui l'a notifiée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 17 octobre 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui accorder un délai de départ volontaire pour organiser son retour vers le pays de renvoi doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 19NC03355-19NC03365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03355-19NC03365
Date de la décision : 29/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ETUDE KOENER ET MINES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-29;19nc03355.19nc03365 ?
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