Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident et, à titre subsidiaire, soit de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de lui permettre de déposer sa demande de carte de résident dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, soit de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1905885 du 16 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03217 le 7 novembre 2019, M. E... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 1er juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident et, à titre subsidiaire, soit de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de lui permettre de déposer sa demande de carte de résident dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, soit de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle a été signée par une autorité incompétente, alors qu'il n'est pas démontré que le préfet du Bas-Rhin était dans l'impossibilité de la signer ;
- elle est insuffisamment motivée, car si le préfet a statué sur la demande d'admission au séjour pour raisons médicales, il n'a pas statué sur la situation globale de l'intéressé, présent en France depuis dix ans ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'il est bien détenteur d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 1er décembre 2019 ;
- selon les recommandations de la circulaire Valls du 28 novembre 2012, il remplissait les conditions pour une régularisation par le biais du travail, dès lors qu'il a exercé une activité salariale de 2011 à 2015 ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'une procédure de remise aux autorités espagnoles, en application des articles 5 et 6 de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne signé à Malaga le 26 novembre 2002 ;
Par ordonnance du 16 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2020.
Le préfet du Bas-Rhin a produit un mémoire enregistré le 25 septembre 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;
- l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne signé à Malaga le 26 novembre 2002 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... D..., ressortissant algérien né le 23 février 1980, est entré en France en 2009, selon ses déclarations, sous couvert d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 1er décembre 2014, qui a fait l'objet d'une prolongation jusqu'au 1er décembre 2019. En septembre 2014, il a sollicité pour la première fois un titre de séjour, qui lui a été refusé le 11 mars 2015. Le 28 janvier 2016, il a formé une demande d'admission exceptionnelle au séjour, en faisant valoir sa présence en France depuis sept ans et le fait qu'il bénéficiait d'un contrat de travail. Cette demande a été rejetée le 8 juin 2016 par un arrêté du préfet du Bas-Rhin qui a également décidé de sa remise aux autorités espagnoles. Par un jugement du 15 mars 2018, le tribunal administratif a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour, mais annulé la décision de remise de l'intéressé aux autorités espagnoles. Le 30 août 2018, M. D... a sollicité son admission au séjour au regard de son état de santé. Par un arrêté du 1er juillet 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... fait appel du jugement du 16 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, le préfet du Grand-Est, préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 11 juin 2019, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, donné délégation à Mme C... A..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer tous actes, décisions, pièces et correspondances relevant des attributions de cette direction, à l'exception de certaines décisions au nombre desquelles ne figurent pas celles prononcées en l'espèce par l'arrêté attaqué. Outre la circonstance qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin n'aurait pas été absent ou empêché à la date de signature de la décision contestée, la délégation de signature accordée à Mme A... n'est pas conditionnée par l'absence ou à l'empêchement du préfet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
4. La décision du préfet du Bas-Rhin refusant à M. D... la délivrance d'un titre de séjour mentionne les textes dont elle fait application, notamment le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et précise que l'intéressé est entré en France en 2009, selon ses déclarations, sous couvert d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 1er décembre 2014. Elle souligne également que la première demande d'admission au séjour de M. D..., présentée en septembre 2014, a été rejetée, que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée le 28 janvier 2016 a été également rejetée le 8 juin suivant, et que, si le tribunal administratif de Strasbourg a, par un jugement du 15 mars 2018, annulé la décision de remise de l'intéressé aux autorités espagnoles, il a en revanche validé la décision de refus de séjour. Elle précise enfin que, si M. D... a sollicité, le 30 août 2018, son admission au séjour au regard de son état de santé, le collège des médecins de l'OFII a indiqué, dans un avis en date du 9 mai 2019, que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que M. D... pouvait voyager sans risque. Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
5. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, la décision contestée mentionne expressément que M. D... est entré en France en 2009, selon ses déclarations, sous couvert d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 1er décembre 2014, et qu'il a été établi que son titre de séjour espagnol avait été prolongé jusqu'au 1er décembre 2019. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation en raison de ce que le préfet n'aurait pas tenu compte du fait qu'il était détenteur d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 1er décembre 2019.
6. En quatrième lieu, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des orientations figurant dans la circulaire du 28 novembre 2012 commentant l'application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux conditions de délivrance d'un titre de séjour, qui est dépourvue de valeur réglementaire.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ". Aux termes de l'article L. 531-1 dudit code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière du 26 novembre 2002 : " 1. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu'il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie après avoir séjourné ou transité par le territoire de la Partie contractante requise. / 2. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante lorsque ce ressortissant dispose d'un visa ou d'une autorisation de séjour de quelque nature que ce soit délivré par la Partie contractante requise et en cours de validité. ". Et aux termes de l'article 6 du même accord : " L'obligation de réadmission prévue à l'article 5 n'existe pas à l'égard : / a) Des ressortissants des Etats tiers qui ont une frontière commune avec la Partie contractante requérante ; / b) Des ressortissants des Etats tiers qui, après ou avant leur départ du territoire de la Partie contractante requise ou après leur entrée sur le territoire de la Partie contractante requérante, ont été mis en possession par cette Partie d'un visa ou d'une autorisation de séjour ; / c) Des ressortissants des Etats tiers qui séjournent depuis plus de six mois sur le territoire de la Partie contractante requérante, cette période étant appréciée à la date de la transmission de la demande de réadmission ; / d) Des ressortissants des Etats tiers auxquels la Partie contractante requérante a reconnu soit le statut de réfugié en application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et du Protocole de New York du 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés, soit le statut d'apatride en application de la Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides ; / e) Des ressortissants des Etats tiers auxquels s'applique la convention relative à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres des Communautés européennes signée à Dublin le 15 juin 1990 ; / f) Des ressortissants des Etats tiers qui ont été effectivement éloignés par la Partie contractante requise vers leur pays d'origine ou vers un Etat tiers ; / g) Des ressortissants des Etats tiers qui disposent d'un titre de séjour ou d'une autorisation de séjour provisoire en cours de validité délivrés par une autre Partie contractante à la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 19 juin 1990 ".
8. Il résulte de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1.
9. M. D... n'ayant pas établi que la décision contestée lui refusant un titre de séjour était illégale, sa situation relève du champ d'application des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, nonobstant la circonstance qu'il était titulaire d'un titre de séjour espagnol en cours de validité, le préfet du Bas-Rhin pouvait valablement édicter à son encontre une obligation de quitter le territoire français en lieu et place d'une décision de réadmission en Espagne, au prononcé de laquelle il n'était tenu ni par les stipulations de l'accord franco-espagnol du 26 novembre 2009 ni par les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 1er juillet 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident et, à titre subsidiaire, soit de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de lui permettre de déposer sa demande de carte de résident dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, soit de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC03217