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20/10/2020 | FRANCE | N°20NC00666-20NC00667

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 20 octobre 2020, 20NC00666-20NC00667


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B... E... et M. F... E... ont demandé chacun au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 29 mars 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler leur titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 1904529, 1904543 du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur d

emande respective.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B... E... et M. F... E... ont demandé chacun au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 29 mars 2019 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler leur titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 1904529, 1904543 du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande respective.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 14 mars 2020, sous le n° 20NC00666, Mme B... E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904529, 1904543 du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2019 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 29 mars 2019 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de lui renouveler son titre de séjour et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2020, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 14 mars 2020, sous le n° 20NC00667, M. F... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904529, 1904543 du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2019 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 29 mars 2019 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de lui renouveler son titre de séjour et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2020, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 11 février 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 20NC0066 et 20NC00667, présentées pour Mme B... E... et M. F... E..., concernent deux membres d'une même famille d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme E... sont des ressortissants géorgiens nés respectivement les 15 octobre et 19 août 1944. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France le 23 septembre 2013. Ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 12 mai 2014 puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 12 mai 2015. Mme E... ayant sollicité, le 24 février 2016, son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a été mise en possession d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, du 8 juin 2016 au 7 juin 2018, dont elle a sollicité le renouvellement le 26 juin 2018. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 novembre 2018, le préfet du Bas-Rhin, par deux arrêtés du 29 mars 2019, a refusé de renouveler le titre de séjour des requérants, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme E... ont saisi chacun le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 29 mars 2019. Ils relèvent appel du jugement n° 1904529, 1904543 du 27 septembre 2019, qui rejette leur demande respective.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les décisions portant refus de renouvellement d'un titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler le titre de séjour délivré à Mme E... en sa qualité d'étranger malade, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 novembre 2018. Selon cet avis, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Mme E... ne produit aucun élément, tant en première instance qu'en appel, susceptible de remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le préfet sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E... ne sont entrés sur le territoire français, le 23 septembre 2013, qu'à l'âge respectivement de soixante-huit et de soixante-neuf ans. Ils n'ont été admis à séjourner, du 8 juin 2016 au 7 juin 2018, que pour des raisons médicales et n'ont donc pas vocation à demeurer en France. S'ils font valoir qu'ils sont hébergés par leur fille, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 29 septembre 2028, il est constant que cette dernière, née le 22 mai 1970 et présente sur le territoire français depuis 2008, a constitué sa propre cellule familiale. En dehors de leur fille, de leur gendre et de leurs petits-enfants, M. et Mme E... ne justifient d'aucune autre attache familiale ou même personnelle et n'apportent aucun élément permettant d'apprécier leur intégration. Ils ne sont pas isolés dans leur pays d'origine, où résident notamment leurs deux fils et leur fratrie respective. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième et dernier lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle au regard du pouvoir de régularisation du préfet du Bas-Rhin.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination :

8. Compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de renouvellement d'un titre de séjour doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet du Bas-Rhin du 29 mars 2019. Par suite, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à M. F... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

N° 20NC00666 et 20NC00667 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00666-20NC00667
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-20;20nc00666.20nc00667 ?
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