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20/10/2020 | FRANCE | N°19NC00036

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 20 octobre 2020, 19NC00036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le centre hospitalier de Saint-Dizier à lui verser, d'une part, la somme de 33 038 euros en réparation des préjudices matériels qu'elle a subis, avec intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable et, d'autre part, la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices moraux.

Par un jugement no 1700139 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné le cent

re hospitalier de Saint-Dizier à verser à Mme E... une somme de 4 000 euros et rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le centre hospitalier de Saint-Dizier à lui verser, d'une part, la somme de 33 038 euros en réparation des préjudices matériels qu'elle a subis, avec intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable et, d'autre part, la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices moraux.

Par un jugement no 1700139 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné le centre hospitalier de Saint-Dizier à verser à Mme E... une somme de 4 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2019, Mme B... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 novembre 2018 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Dizier à lui verser, d'une part, la somme de 33 038 euros en réparation des préjudices matériels qu'elle estime avoir subis, avec intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable et, d'autre part, la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices moraux ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Dizier la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le lien de causalité entre la faute de l'établissement hospitalier et son préjudice est établi ; le centre hospitalier a tardé à mettre en oeuvre les préconisations du médecin du travail ;

- le tribunal a inversé la charge de la preuve en la faisant peser exclusivement sur elle ; le tribunal aurait dû rechercher si d'autres causes pouvaient expliquer son état ; la circonstance que la rechute est postérieure à l'aménagement de son poste ne permet pas d'exclure un lien de causalité entre son préjudice et la faute du centre hospitalier ;

- les premiers juges ont commis une erreur de qualification juridique en estimant que le lien de causalité n'était pas direct ;

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation concernant l'indemnité allouée au titre du préjudice moral.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juin 2019 et le 21 novembre 2019, le centre hospitalier de Saint-Dizier, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me F... pour Mme E....

1. Mme E..., agent des services hospitaliers, affectée au centre hospitalier de Saint-Dizier, a été victime de deux accidents, respectivement le 20 juin 1997 et le 19 mai 1999, qui ont été reconnus comme étant imputables au service. Elle a été ultérieurement victime de rechutes, notamment le 8 mars 2002, le 16 octobre 2012, le 16 septembre 2013 et le 13 mai 2015, qui ont également été reconnues imputables au service. Le 3 octobre 2015, Mme E... a de nouveau été victime d'une rechute de l'accident de service du 20 juin 1997. A la suite des avis favorables de la commission de réforme et de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), le centre hospitalier de Saint-Dizier a prononcé, par une décision du 11 janvier 2017, la mise à la retraite d'office de Mme E... pour invalidité, avec effet au 1er février 2017. Une rente d'invalidité lui a été attribuée par une décision de la Caisse des dépôts et consignation du 12 juillet 2017. Imputant sa rechute et son invalidité totale et définitive à tout poste à la méconnaissance par son employeur des prescriptions du médecin du travail concernant l'aménagement de son poste de logisticien de plateau, Mme E... a vainement demandé au centre hospitalier de Saint-Dizier, par un courrier du 14 septembre 2016, de réparer les pertes de revenus et le préjudice moral qu'elle estimait avoir subis du fait de cette faute. Par un jugement du 13 novembre 2018, dont Mme E... fait appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné le centre hospitalier de Saint-Dizier à verser à l'intéressée la somme de 4 000 euros au titre des souffrances endurées, sur le fondement de la responsabilité sans faute et rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. D'une part, il ressort des motifs du jugement attaqué que pour écarter le lien entre la faute retenue à l'encontre du centre hospitalier de Saint-Dizier et l'invalidité de la requérante, les premiers juges ont mentionné qu' " il ne résulte pas de l'instruction que le retard fautif commis par l'employeur dans l'aménagement du poste de travail serait la cause directe de l'invalidité de Mme E..., celle-ci ayant par ailleurs été victime de trois rechutes de son accident de service postérieurement à la livraison tardive du matériel en juillet 2013 ". Ils ont ajouté, au point 10 du jugement, que " Mme E... ne pouvait pas prétendre à la réparation de l'intégralité des préjudices résultant de son invalidité, cette dernière ne pouvant pas être regardée comme la conséquence d'une faute de service imputable au centre hospitalier de Saint-Dizier ". Le tribunal administratif a ainsi suffisamment explicité les raisons pour lesquelles il a écarté la demande d'indemnisation de Mme E... sur le fondement de la responsabilité pour faute.

4. D'autre part, eu égard à l'argumentation développée par Mme E... dans sa demande, les premiers juges ont suffisamment motivé le jugement attaqué en mentionnant qu'" il sera fait une juste appréciation de la réparation due [à l'intéressée] en condamnant le centre hospitalier de Saint-Dizier à lui verser une indemnité de 4 000 euros ".

5. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, pas obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité.

7. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles l'obtention de l'allocation temporaire d'invalidité est subordonnée, fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité pour faute :

8. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, qui ne sont pas sérieusement contestés par les parties, de juger qu'en ne mettant pas à la disposition de Mme E..., comme l'avait préconisé le médecin du travail, le matériel nécessaire à l'aménagement de son poste de travail avant la fin du premier semestre 2013 alors qu'elle avait rencontré des difficultés à accomplir ses tâches, notamment en raison du port de charges lourdes, dès 2011, le centre hospitalier de Saint-Dizier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

9. Mme E... fait valoir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, sa rechute le 3 octobre 2015 et la mise à la retraite pour invalidité qui en résulte sont en lien direct avec cette faute. Toutefois, s'il est vrai que le centre hospitalier de Saint-Dizier a reconnu que les rechutes de l'intéressée, notamment du 16 septembre 2013, du 4 mai 2015 et en dernier lieu du 3 octobre 2015, étaient imputables aux services, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à établir que son invalidité serait en lien avec la faute commise par son employeur. Quand bien même le retard à prendre en compte les préconisations du médecin du travail a pu provoquer de nouvelles rechutes, voire contribuer à l'aggravation de l'état de santé de la requérante, cette circonstance n'est pas davantage de nature à établir un lien direct et certain entre cette faute et son invalidité alors que la rechute du 3 octobre 2015 s'est produite près de deux ans après l'aménagement complet de son poste de travail et qu'elle avait été victime, dans l'intervalle et postérieurement à cet aménagement, de nouvelles rechutes. Si Mme E... se prévaut, pour la première fois en appel, d'un rapport d'expertise, qui mentionne, de manière non circonstanciée, que la rechute du 3 octobre 2015 est liée à l'absence d'adaptation de son poste, cette appréciation, qui n'est pas de pur fait et qui est contestée par la partie défenderesse, ne peut pas être prise en considération dès lors que ce rapport n'a pas été établi contradictoirement et que cette appréciation n'est pas corroborée par les autres pièces du dossier. A cet égard, les autres pièces médicales, notamment le rapport du médecin agréé du 19 juillet 2016, ne permettent pas d'établir un lien direct entre la faute du centre hospitalier et l'invalidité de Mme E.... Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté tout lien entre la faute du centre hospitalier de Saint-Dizier et son invalidité et, par voie de conséquence, ont rejeté sa demande d'indemnisation de son préjudice financier.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute :

10. Pour les motifs indiqués au point 6, Mme E..., qui perçoit une rente d'invalidité, n'est pas fondée à demander l'indemnisation de ses pertes de revenus.

11. Si Mme E... soutient que les premiers juges ont sous-estimé l'indemnisation des souffrances endurées en lui allouant, sur le fondement de la responsabilité sans faute, la somme de 4 000 euros, elle n'apporte en appel aucun élément de nature à justifier une réévaluation de cette indemnité. Il y a lieu, par suite, de confirmer le montant alloué par le tribunal administratif .

12. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Dizier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Saint-Dizier et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Saint-Dizier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et au centre hospitalier de Saint-Dizier.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00036
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : LE BIGOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-20;19nc00036 ?
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