Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Santé mentale des adolescents a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 5 avril 2016 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Grand Est a confirmé, à compter du 1er juillet 2016, à la Fondation Vincent de Paul, l'autorisation d'activité de soins de psychiatrie infanto-juvénile qu'elle détenait et a autorisé le transfert géographique de cette activité de soins sur un autre site de la commune de Phalsbourg.
Par un jugement n° 1605521 du 2 mai 2018 le tribunal administratif de Strasbourg a annulé partiellement la décision du 5 avril 2016 en tant qu'elle a autorisé le transfert géographique de l'activité de soins sur un autre site de la commune de Phalsbourg et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2018, l'association Santé mentale des adolescents, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1605521 du tribunal administratif de Strasbourg du 2 mai 2018 en tant qu'il se limite à une annulation partielle de la décision du 5 avril 2016 ;
2°) d'annuler totalement la décision du directeur général de l'agence régionale de santé du 5 avril 2016 ;
3°) de mettre à la charge de de l'agence régionale de santé Grand Est la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont prononcé une annulation partielle de la décision du 5 avril 2016 en considérant que l'article 3 de son dispositif pouvait être scindé des deux articles précédents concernant la confirmation de l'autorisation d'activité de soins ;
- la décision du 5 avril 2016 est entachée d'une erreur de droit dès lors que, d'une part, elle était la seule à pouvoir décider de céder son autorisation d'activité de soins et, d'autre part, qu'elle n'a décidé de céder cette autorisation qu'à la condition que l'activité s'exerce dans les locaux pressentis par la commune, à savoir soit ceux du " Vieil Hôpital " et de la caserne " Tailland ", soit ceux du Vieil Hôpital et de la clinique attenante, dénommée " Nouvel Hôpital ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2018, la Fondation Vincent de Paul, représentée par Me A... conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête n'est pas recevable en raison de sa tardiveté, du défaut de qualité pour agir au nom de l'association Santé mentale des adolescents de son président et du défaut de capacité juridique de l'association requérante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil local ;
- le code de procédure civile ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Une note en délibéré, présentée pour la Fondation Vincent de Paul, par Me A..., a été enregistrée le 29 septembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Santé mentale des adolescents (ASMA) a pour objet la création et l'exploitation, à Phalsbourg, d'une clinique médico-psychologique et pédagogique pour adolescents, le centre " Mathilde Salomon ", pour une capacité totale de quarante lits en hospitalisation complète et de cinq places en hôpital de jour. Elle bénéficiait à cet effet d'une autorisation d'activité de soins, délivrée par un arrêté du 20 décembre 2005. Toutefois, compte tenu de l'exiguïté des locaux, la requérante n'a pu offrir que dix-huit lits et cinq places. Confrontée à la nécessité d'augmenter sa capacité d'accueil, elle a décidé, sur recommandation de l'agence régionale de santé, de se rapprocher d'une structure plus importante en vue d'une reprise d'activité. Par une délibération de son assemblée générale du 14 décembre 2015, elle s'est prononcée en faveur de sa fusion-absorption, à compter du 1er juillet 2016, par la Fondation Vincent de Paul, organisme reconnu d'utilité publique, dont le siège se trouve à Strasbourg, gérant une vingtaine d'établissements dans le secteur sanitaire, social et médico-social. Le traité de fusion-absorption, signé le même jour par les deux structures, était initialement assorti de deux conditions suspensives, à savoir que l'activité de soins demeure localisée à Phalsbourg, soit dans les locaux du " Vieil Hôpital " et de la caserne " Taillant ", soit dans ceux du " Vieil Hôpital " et de la clinique attenante, dénommée " Nouvel Hôpital ", et qu'un bail soit conclu entre la Fondation Vincent de Paul et le ou les propriétaires des bâtiments concernés, en l'occurrence la commune de Phalsbourg et, s'agissant du " Nouvel Hôpital ", le centre hospitalier spécialisé de Lorquin. Ces projets de transfert s'étant révélés coûteux financièrement et peu adaptés aux besoins des patients et du personnel, la Fondation Vincent de Paul a souhaité poursuivre l'activité de soins dans les seuls locaux du " Nouvel Hôpital ", propriété du centre hospitalier spécialisé de Lorquin. Par une décision du 5 avril 2016, le directeur général de l'agence régionale de santé Grand Est, d'une part, a confirmé, à compter du 1er juillet 2016, à la Fondation Vincent de Paul, l'autorisation d'activité de soins de psychiatrie infanto-juvénile détenue par l'association Santé mentale des adolescents et, d'autre part, a autorisé le transfert géographique de cette activité de soins " sur un autre site de la commune de Phalsbourg ". Dans le prolongement de cette décision, les conditions suspensives, dont était assorti le traité de fusion-absorption du 14 décembre 2015, ont été abrogées par une nouvelle délibération du 30 juin 2016 et, après la signature le même jour d'un " acte complémentaire au traité de fusion-absorption ", la fusion-absorption a pu intervenir le 1er juillet 2016. Contestant les conditions dans lesquelles les conditions suspensives avaient été abrogées, l'association Santé mentale des adolescents a finalement saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 5 avril 2016. Elle relève appel du jugement n° 1605521 du 2 mai 2018, qui annule cette décision uniquement en tant qu'elle autorise le transfert géographique de l'activité de soins " sur un autre site de la commune de Phalsbourg " et rejette le surplus des conclusions de la demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation ou d'hospitalisation à domicile, et l'installation des équipements matériels lourds. La liste des activités de soins et des équipements matériels lourds soumis à autorisation est fixée par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 6122-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorisation est accordée lorsque le projet : / 1° Répond aux besoins de santé de la population identifiés par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-2 et L. 1434-6 ; / 2° Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma ; / 3° Satisfait à des conditions d'implantation et à des conditions techniques de fonctionnement. ". Aux termes de l'article L. 6122-5 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 est subordonnée au respect d'engagements relatifs, d'une part, aux dépenses à la charge de l'assurance maladie ou au volume d'activité et, d'autre part, à la réalisation d'une évaluation dans des conditions fixées par décret. Lorsque la demande d'autorisation porte sur le changement de lieu d'implantation d'un établissement existant, ne donnant pas lieu à un regroupement d'établissements, le demandeur doit joindre à son dossier un document présentant ses engagements relatifs aux dépenses à la charge de l'assurance maladie et au volume d'activité, fixés par référence aux dépenses et à l'activité constatée dans l'établissement. L'autorité chargée de recevoir le dossier peut, dans un délai de deux mois après réception du dossier, demander au requérant de modifier ses engagements. Le dossier n'est alors reconnu complet que si le requérant satisfait à cette demande dans le délai d'un mois. En cas de non-respect des engagements mentionnés à l'alinéa précédent, l'autorisation peut être suspendue ou retirée dans les conditions prévues à l'article L. 6122-13. ". Aux termes de l'article L. 6122-8 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorisation est donnée pour une durée déterminée, fixée par voie réglementaire. Cette durée ne peut être inférieure à cinq ans (...). / L'autorisation fixe les objectifs quantifiés des activités de soins ou des équipements lourds autorisés lorsqu'ils n'ont pas été fixés dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conformément aux dispositions des articles L. 6114-1 et suivants. Dans ce cas, l'autorisation prévoit les pénalités applicables en cas de non-respect de ces objectifs. / (...) ". Aux termes de l'article L. 6122-11 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Toute autorisation est réputée caduque si l'opération n'a pas fait l'objet d'un commencement d'exécution dans un délai de trois ans. / L'autorisation est également réputée caduque pour la partie de l'activité, de la structure ou de l'équipement dont la réalisation, la mise en oeuvre ou l'implantation n'est pas achevée dans un délai de quatre ans. / (...) ". Aux termes de l'article R. 6122-25 du même code : " Sont soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 6122-1 les activités de soins, y compris lorsqu'elles sont exercées sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation, énumérées ci-après : (...) 4° Psychiatrie ; (...) ". Aux termes de l'article R. 6122-35 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Dans le cas de cession d'autorisation, y compris lorsque cette cession résulte d'un regroupement, le cessionnaire adresse au directeur général de l'agence régionale de santé une demande de confirmation de l'autorisation. / (...) / L'agence régionale de santé statue sur cette demande suivant les modalités prévues pour une demande d'autorisation. Elle ne peut refuser la confirmation de l'autorisation que si le dossier présenté par le cessionnaire fait apparaître des modifications qui seraient de nature à justifier un refus d'autorisation en application des dispositions de l'article R. 6122-34 ou qui seraient incompatibles avec le respect des conditions et engagements auxquels avait été subordonnée l'autorisation cédée. ".
3. Il résulte de ces dispositions, et notamment des dispositions combinées des articles L. 6122-5 et R. 6122-35 du code de la santé publique, que si un changement de lieu d'implantation d'un établissement existant doit également être soumis à autorisation, celle-ci est distincte et divisible de la confirmation d'une autorisation d'activité de soins, qui ne confère au cessionnaire que les droits détenus par le cédant pour le site où cette activité de soins a été initialement autorisée. Par suite, en se bornant à annuler l'article 3 du dispositif de la décision de 5 avril 2016 concernant le transfert géographique de l'activité en soins sur un autre site de la commune de Phalsbourg, à l'exclusion des articles 1 et 2 relatifs à la confirmation, à compter du 1er juillet 2016, à la Fondation Vincent de Paul, de l'autorisation d'activité de soins détenue par l'association Santé mentale des adolescents, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. D'une part, il résulte des dispositions de l'article R. 6122-35 du code de la santé publique que, en cas de cession d'une autorisation, la demande de confirmation de l'autorisation doit être adressée au directeur général de l'agence régionale de santé par le cessionnaire. D'autre part, la méconnaissance des stipulations d'un contrat, si elle est susceptible d'engager, le cas échéant, la responsabilité d'une partie vis-à-vis de son cocontractant, ne peut être utilement invoquée comme moyen de légalité à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre d'une décision administrative. Il en résulte que la requérante ne peut utilement se prévaloir, au soutien de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision du directeur général de l'agence régionale de santé Grand Est du 5 avril 2016, de la méconnaissance des conditions suspensives dont était assorti le traité de fusion-absorption signé le 14 décembre 2015 avec la Fondation Vincent de Paul. Par suite et alors que, au demeurant, ces conditions suspensives ont été abrogées par la délibération de l'assemblée générale de l'association Santé mentale des adolescents du 30 juin 2016, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense par la Fondation Vincent de Paul, que l'association Santé mentale des adolescents n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 5 avril 2016. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Santé mentale des adolescents est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Santé mentale des adolescents, à la Fondation Vincent de Paul et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé Grand Est.
N° 18NC01887 2