Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus qui lui ont été assignés au titre de l'année 2011.
Par un jugement n° 1701146 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2019, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 12 décembre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 février 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- n'ayant pris connaissance de la proposition de rectification que le 5 janvier 2015, cet acte n'a pas pu interrompre la prescription du délai de reprise ;
- l'avis d'imposition est irrégulier en ce que le service ne lui a pas correctement notifié les bases d'imposition qu'il se proposait de retenir après l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires puisque le cadre réservé à cette indication sur l'imprimé de notification est demeuré vierge ;
- la SCI n'ayant jamais régulièrement opté pour le report d'imposition de la plus-value litigieuse, cette plus-value était imposable l'année de sa réalisation, qui est 2004, de sorte que l'imposition était prescrite en 2011 ; la doctrine administrative BOI-BNC-BASE-30-30-20-10, n° 120 et suivants est d'ailleurs dans le sens de cette interprétation.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de procédure civile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Carmel Company, qui n'a pas opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, a pour activité l'acquisition et la location d'immeubles à usage industriel et commercial. Elle a conclu avec la société Sogefimur, le 13 juin 1989 un contrat de crédit-bail immobilier d'une durée de quinze années portant sur un immeuble à usage commercial situé à Vandoeuvre-les-Nancy. Cet immeuble a été donné en sous-location par la SCI Carmel Company et les loyers encaissés à ce titre ont été imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux entre les mains de M. B... C..., unique associé et gérant de la société. Le 30 juin 2004, la SCI Carmel Company a levé l'option d'achat stipulée dans le contrat de crédit-bail pour la somme de 263 475 euros, se rendant ainsi propriétaire de l'immeuble. A cette occasion une plus-value imposable au nom de M. C... de 407 300 euros a été constatée, l'acte authentique retraçant le transfert de propriété faisant état de la volonté de l'intéressé de bénéficier du report d'imposition prévu par les dispositions du IV de l'article 93 quater du code général des impôts. M. C... ayant vendu le 30 décembre 2011 la totalité des cinquante parts qu'il détenait dans le capital de la SCI Carmel Company, le service a estimé, par une proposition de rectification du 18 décembre 2014 et suivant la procédure contradictoire de rectification, que cet évènement était de nature à mettre fin au report d'imposition de la plus-value constatée le 30 juin 2004. M. C..., après avoir refusé ces rectifications, a contesté par une réclamation préalable du 3 août 2016 les suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui ont été mis en recouvrement le 30 avril 2016 à la suite de cette procédure de rectification. Par une décision du 12 janvier 2017, l'administration fiscale a rejeté cette réclamation. Par le jugement attaqué du 26 février 2019, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge en droits et pénalités de ces impositions supplémentaires.
Sur la régularité de la procédure :
2. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte :/1° Sur le montant du résultat (...) non commercial déterminé selon un mode réel d'imposition ". Aux termes du second alinéa de l'article R. 59-1 du même livre : " L'administration notifie l'avis de la commission au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition ".
3. Il ressort de la lettre du 22 mars 2016 par laquelle le service a notifié à M. C... l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 26 février 2016 que l'administration se proposait de " retenir les bases ou droits après avis de la commission apparaissant colonne 4 du tableau ". Il ressort de cette colonne 4 de ce tableau que la base retenue par le service est de 407 000 euros et que c'est cette base d'imposition qui a été retenue pour la mise en recouvrement des impositions litigieuses par l'avis d'imposition établi le 29 avril 2016 et mis en recouvrement le 30 avril suivant. Il n'existe dès lors aucune discordance entre cet avis d'imposition et la lettre par laquelle le service a mis en oeuvre la garantie prévue par les dispositions ci-dessus reproduites de l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales et aucun doute n'a pu naître dans l'esprit de M. C... sur le fait que l'administration entendait mettre en recouvrement les impositions supplémentaires sur cette base. La commission départementale s'étant estimée incompétente pour statuer sur le litige et n'ayant en conséquence pas été d'avis de modifier les bases d'imposition qui lui étaient soumises, c'est sans irrégularité que le service a laissé vide la colonne 3 du tableau de l'imprimé de notification relative aux " bases ou droits retenus par la commission ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le moyen tiré de la prescription de l'année 2011 :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due... ". Aux termes de l'article L. 189 dudit livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 651 du code de procédure civile : " (...) La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l'aurait prévue sous une autre forme ". Aux termes de l'article 653 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La date de la signification d'un acte d'huissier de justice (...) est celle du jour où elle est faite à personne, à domicile, à résidence ". Aux termes du dernier alinéa de l'article 655 dudit code : " (...) L'huissier de justice doit laisser (...) au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage (...) mentionnant la nature de l'acte ". Aux termes de l'article 656 de ce code : " Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée. La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant trois mois. Passé ce délai, l'huissier de justice en est déchargé ". Enfin, l'article 658 du code de procédure civile dispose que : " (...) l'huissier de justice doit aviser l'intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage et rappelant, si la copie de l'acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l'article 656. La lettre contient en outre une copie de l'acte de signification. Il en est de même en cas de signification à domicile élu ou lorsque la signification est faite à une personne morale ". Il résulte de ces dispositions qu'en cas de signification à domicile avec dépôt de la copie de l'acte à l'étude de l'huissier de justice, la date de signification est celle du jour de la présentation de l'huissier de justice au domicile du destinataire et non celle à laquelle le contribuable a effectivement retiré l'acte à l'étude de l'huissier.
6. Il résulte de l'instruction, notamment des procès-verbaux établis par un huissier de justice produits par le requérant lui-même, que la proposition de rectification du 18 décembre 2014 a été présentée à son domicile le 19 décembre 2014 et n'a pu lui être remise en raison de son absence. Néanmoins, le destinataire a été dûment informé qu'il pouvait venir retirer la lettre à l'étude de l'huissier, par un avis de passage qu'il produit également. Il s'ensuit que la circonstance qu'il n'a retiré la lettre que le 5 janvier 2015, après l'expiration du délai de reprise, est sans incidence sur la prescription dès lors qu'il était réputé avoir eu notification de la proposition de rectification dès la date de sa première présentation à son domicile, le 19 décembre 2014. M. C... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la prescription des impositions litigieuses au titre de l'année 2011 était acquise.
En ce qui concerne l'exercice de l'option pour le report d'imposition de la plus-value :
7. L'article 97 du code général des impôts soumet les titulaires de bénéfices non commerciaux relevant du régime de la déclaration contrôlée à l'obligation de déposer chaque année une déclaration modèle 2035 comportant l'ensemble des éléments relatifs à leur activité permettant de déterminer leur bénéfice imposable et dont le détail est précisé par l'article 40 A de l'annexe III au même code. Aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts : " (...) les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme (...) ". Aux termes de l'article 39 duodecies A de ce code, dans sa version applicable aux contrats conclus à compter du 1er janvier 1996 : " (...) La plus-value réalisée lors de la cession d'un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues aux 1 et 2 de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier est soumise au régime défini aux articles 39 duodecies et suivants (...) ". Aux termes de l'article 93 quater dudit code, dans sa version applicable au présent litige, applicable à la détermination des bénéfices non commerciaux : " I. Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 novodecies (...) IV. 1. Pour l'application des dispositions du premier alinéa du I aux immeubles acquis dans les conditions prévues au 6 de l'article 93 et précédemment donnés en sous-location, l'imposition de la plus-value consécutive au changement de régime fiscal peut, sur demande expresse du contribuable, être reportée au moment où s'opérera la transmission de l'immeuble ou, le cas échéant, la transmission ou le rachat de tout ou partie des titres de la société propriétaire de l'immeuble ou sa dissolution (...) 4. Un décret fixe les conditions d'application du présent IV, notamment les obligations déclaratives des contribuables (...) ". Enfin, aux termes de l'article 41 novovicies de l'annexe III audit code : " I. Pour l'application du IV de l'article 93 quater du code général des impôts, la demande de report d'imposition de la plus-value doit être formulée par les nouveaux propriétaires ou, si le propriétaire des immeubles est une société mentionnée à l'article 8 du code général des impôts, par ceux des associés qui entendent bénéficier du report d'imposition de la plus-value imposable à leur nom. II. Les nouveaux propriétaires ou, le cas échéant, les associés qui entendent bénéficier du report d'imposition doivent indiquer sur la déclaration prévue à l'article 97 du code général des impôts le montant de la plus-value dont le report est demandé. Ils joignent à cette déclaration : a) Une note annexe dans laquelle sont indiqués le nom ou la raison sociale et l'adresse des parties à l'acte, le lieu de situation de l'immeuble, objet du transfert de propriété, la date du transfert ainsi que le montant de la plus-value dont le report d'imposition est demandé ; b) Un extrait ou une copie de l'acte comportant la demande de report d'imposition de la plus-value. III. Lorsque intervient un des événements mettant fin au report d'imposition de la plus-value, celle-ci doit être mentionnée sur la déclaration prévue à l'article 170 du code général des impôts, souscrite au titre de l'année au cours de laquelle intervient cet événement (...) ".
8. Il ressort de la déclaration modèle 2035 souscrite par la SCI Carmel Company au titre de son bénéfice de l'exercice clos le 30 juin 2004, produite au débat devant les premiers juges, que la plus-value résultant de la levée d'option d'achat de l'immeuble le 30 juin 2004 a correctement été déclarée pour la somme de 407 300 euros et que l'option pour le report d'imposition de cette plus-value a été effectivement exercée au nom de M. C... dans la case de la déclaration prévue à cet effet. Ces éléments sont au demeurant corroborés par les énonciations de l'acte authentique de vente lequel comporte le rappel de cette option pour le report. Par suite, en dépit de ce que les autres obligations déclaratives n'ont pas été accomplies par l'intéressé, c'est à juste titre que le service a considéré que l'option pour le report d'imposition de la plus-value litigieuse avait été exercée au titre de l'année 2004 alors même qu'il aurait pu en remettre en cause le bénéfice. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a regardé l'acte de cession des parts de la SCI Carmel Company par M. C..., le 30 décembre 2011, comme l'évènement prévu au 1 du IV de l'article 93 quater du code général des impôts de nature à mettre fin au titre de cette année 2011 au report de l'imposition de la plus-value dégagée au titre de l'année 2004. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir sur le terrain de la loi fiscale qu'en l'absence d'option pour le report d'imposition, la plus-value litigieuse ne serait pas imposable au titre de l'année 2011.
9. Il est vrai que M. C... entend surtout se prévaloir, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales alors applicable, des termes de l'instruction administrative sous référence BOI-BNC-BASE-30-30-20-10 n° 130 et suivants du 12 septembre 2012 aux termes de laquelle : " Le report d'imposition constitue une simple faculté offerte au contribuable ; il n'est donc applicable que sur demande expresse de sa part. A défaut, l'intéressé est réputé avoir renoncé à cette faculté et avoir choisi l'application normale des règles de droit commun pour l'imposition de la plus-value ". Mais, d'abord, cette instruction n'était pas en vigueur au titre des années litigieuses, ensuite, elle ne contient pas une interprétation plus favorable du texte fiscal dont le contribuable pourrait se prévaloir et enfin, M. C... n'en remplit pas les conditions puisqu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus le contribuable a expressément demandé le bénéfice du report d'imposition de la plus-value dans la déclaration modèle 2035 de l'année 2004 conformément aux dispositions de l'article 41 novovicies de l'annexe III au code général des impôts. Par suite, M. C... n'est pas non plus fondé à soutenir que cette plus-value ne serait pas imposable au titre de l'année 2011 en invoquant le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 19NC01423
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