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15/10/2020 | FRANCE | N°18NC01982

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 18NC01982


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Le Vincennes et M. E... B... ont respectivement demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer d'une part, la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés d'un montant de 66 600 euros et la pénalité correspondante mis à la charge de la société au titre de l'année 2011 et d'autre part, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle M. B... a été assujetti au titre de la même années, ainsi que la pénalité correspon

dante.

Par un jugement n°1601007-1601008 du 15 mai 2018, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Le Vincennes et M. E... B... ont respectivement demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer d'une part, la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés d'un montant de 66 600 euros et la pénalité correspondante mis à la charge de la société au titre de l'année 2011 et d'autre part, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle M. B... a été assujetti au titre de la même années, ainsi que la pénalité correspondante.

Par un jugement n°1601007-1601008 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Besançon a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré infligés aux requérants et a rejeté le surplus des conclusions des deux demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2018, l'EURL Le Vincennes et M. E... B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à la charge de l'EURL Le Vincennes pour un montant de 66 600 euros ;

3°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mise à la charge de M. B... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que l'administration et le tribunal ont considéré que l'acte sous seing privé du 16 décembre 2009 prévoyant le versement d'un pas-de-porte de 200 000 euros ne justifiait pas l'inscription d'une dette correspondante au 31 décembre 2010 ; la circonstance que l'acte notarié du 28 octobre 2011, à effet rétroactif au 1er janvier 2010, ne mentionne pas le versement d'un pas-de-porte est sans incidence sur l'exercice 2010 dès lors qu'il lui est postérieur ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les actes successifs du 16 décembre 2009, du 28 octobre 2011 et du 13 février 2013 devaient être analysés comme des actes indépendants alors qu'ils sont relatifs au même bail conclu par acte sous seing privé le 16 décembre 2009 ; l'acte notarié de 2011, qui ne mentionne pas le versement d'un pas-de-porte en raison d'une erreur matérielle du notaire rédacteur, ne correspond pas à une volonté des parties de modifier leurs relations contractuelles mais seulement à une volonté d'authentifier le bail de 2009, comme en témoigne l'attestation du notaire du 13 juillet 2018 ;

- le tribunal commet une erreur en considérant que l'EURL Le Vincennes ne peut être regardée comme étant devenue débitrice de la somme de 200 000 euros au titre de l'exercice 2011 alors que la dette a été comptabilisée au titre de l'exercice 2010 ;

- le pas-de-porte est justifié par les importants travaux réalisés par la SCI B... suite à un sinistre ;

- M. B... ignorait les écritures comptables relatives à son compte courant d'associé au sein de l'EURL Le Vincennes qui procèdent d'une erreur fautive commise par son cabinet d'expertise comptable à l'encontre duquel il a engagé une action judiciaire devant le tribunal de commerce de Besançon ;

- le 30 septembre 2011, l'indemnité de pas-de-porte de 200 000 euros a été réglée par M. B..., associé unique et gérant de l'EURL Le Vincennes, à la SCI B... ;

- le retard de comptabilisation relatif au règlement de l'indemnité de pas de porte dans la comptabilité de l'EURL Le Vincennes, qui résulte de son défaut d'inscription dans les documents comptables de la SCI B... en raison d'une erreur imputable à l'expert-comptable, ne suffit pas à lui-seul à justifier l'absence de règlement de la dette au 30 septembre 2011 ;

- c'est à tort que l'administration considère que l'inscription au débit/crédit du compte courant ne peut valoir paiement, en l'absence de flux financier et à défaut d'existence d'une cession de créance signifiée par huissier de justice dès lors qu'en l'espèce le paiement a été réalisé par compensation par M. B... pour le compte de la société ; la comptabilisation de la somme de 200 000 euros au crédit de son compte courant d'associé dans l'EURL Le Vincennes était par conséquent justifiée ;

- un paiement par compte courant, même débiteur, ne prive pas l'effet du paiement ; la somme de 72 254,15 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé de M. B... au sein de la SCI B... aurait dû être retenue par l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Le Vincennes et M. B... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Le Vincennes, dont le gérant est M. E... B... et qui a opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, exerçait une activité de brasserie dans un local situé 1, avenue de Bourgogne à Besançon, qu'elle louait suivant un bail commercial à la SCI B..., détenue également à 95 % par M. B.... A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, l'administration a notifié à l'EURL Le Vincennes, par une proposition de rectification du 30 juillet 2013, établie selon la procédure de rectification contradictoire, plusieurs rectifications au titre de l'impôt sur les sociétés relatif à l'exercice 2011, dont l'une résulte notamment de la réintégration, par le service, d'une dette inscrite au passif du bilan de cette société d'un montant de 200.000 euros, correspondant à une indemnité de pas-de-porte due par l'EURL à la SCI B..., qu'il a considérée comme constitutive d'un passif injustifié. Par une deuxième rectification du 30 juillet 2013, l'administration a notifié à M. B... des rectifications en matière d'impôt sur le revenu résultant de l'inscription de cette somme de 200 000 euros sur son compte courant d'associé dans l'EURL Le Vincennes, considérée par l'administration comme un revenu réputé distribué au titre de 2011. L'EURL Le Vincennes et M. B... relèvent appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes, après avoir prononcé la décharge des seules pénalités pour manquement délibéré.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la réintégration de la dette de 200 000 euros dans le revenu imposable de l'EURL Le Vincennes :

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.

3. Il est constant que l'EURL Le Vincennes a comptabilisé au passif de son bilan au 1er janvier 2010 puis au 30 septembre 2011, dans le journal des opérations diverses, une somme de 200 000 euros, correspondant à un droit d'entrée, inscrit au débit du compte n°206 000 " Immobilisations " et au crédit du compte n°404000 " Fournisseurs d'immobilisation ". Pour justifier cette écriture, les requérants soutiennent que par un bail commercial sous seing privé conclu le 16 décembre 2009, l'EURL Le Vincennes s'était engagée à verser une indemnité de pas de porte du montant précité à la SCI B..., laquelle aurait été réglée le 30 septembre 2011 directement par M. B..., à la place de l'EURL. Ils affirment que l'acte notarié du 28 octobre 2011 procède de la seule volonté de régulariser et d'authentifier le bail du 16 décembre 2009 dans le contexte de la vente de leur fonds de commerce à la société " Le rendez-vous des Amis ". Ils ajoutent que ce bail conclu le 28 octobre 2011 a dû faire l'objet d'un acte rectificatif le 12 février 2013 puisque, par erreur du notaire, il ne comportait aucune clause concernant le versement d'une indemnité de pas-de-porte. Ils en déduisent que c'est à tort que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de l'EURL Le Vincennes la dette d'un montant de 200 000 euros au motif qu'elle n'était pas justifiée dès lors que, selon eux, l'accord des parties était fixé depuis le bail commercial du 16 décembre 2009 pour le versement d'une indemnité de pas de porte du montant précité.

4. Il résulte toutefois de l'instruction que le comptable a indiqué avoir comptabilisé l'écriture en litige à partir d'un projet de bail établi par Me A... en 2009. Ce document, produit aux débats, ne présente aucune date certaine et est manifestement incomplet. Il est paraphé et signé uniquement par M. B... en tant que représentant des deux sociétés parties au contrat, dont il est le maître de l'affaire. Il est par ailleurs constant que le bail commercial du 28 octobre 2011 ne comportait aucune clause relative au versement d'une indemnité de pas-de-porte contrairement au projet de bail rédigé en 2009. La circonstance que le bail du 28 octobre 2011 ait prévu une rétroactivité de ses clauses au 1er janvier 2010 ne saurait être regardée, contrairement à ce qu'affirment les requérants, comme ayant permis la reprise implicite de la clause relative au pas-de-porte mentionnée dans le projet de bail de 2009. Il résulte également de l'instruction que l'attestation du notaire du 13 juillet 2018, postérieure au jugement attaqué, qui mentionne qu'un bail commercial sous seing privé aurait été signé le 16 décembre 2009 est en contradiction avec les termes de l'avenant au bail du 28 octobre 2011, rédigé par acte notarié du 12 février 2013, lesquels font expressément référence à des projets adressés aux parties avant la signature du bail commercial signé le 28 octobre 2011. En outre, et comme le fait valoir l'administration en défense, aucun flux financier en provenance de M. B... n'a été comptabilisé au cours des exercices 2010 et 2011 permettant de corroborer le fait que ce dernier ait pu se substituer à I'EURL en règlement de la dette due à la SCI B.... Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'une substitution de créancier ait été enregistrée au sens de l'article 1690 du code civil. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la société EURL Le Vincennes ne justifiait pas être débitrice de la somme de 200 000 euros à l'égard de M. E... B... à la clôture de l'exercice 2011 en l'absence de contrat prévoyant le versement d'un pas-de-porte et qu'elle a réintégré, comme passif injustifié, le montant des crédits non justifiés du compte courant d'associé pour un montant de 200 000 euros dans le résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2011.

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En ce qui concerne le bien-fondé des rectifications notifiées à M. B... au titre de l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux :

5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital " ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2º du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

6. Comme indiqué précédemment au point 4, la somme de 200 000 euros a été régulièrement réintégrée dans le résultat imposable de l'EURL Le Vincennes. Par suite, c'est à bon droit que, sur le fondement des dispositions précitées des articles 109 et 110 du code général des impôts, l'administration fiscale l'a réintégrée dans l'assiette des revenus imposables de M. B... au titre de l'année 2011, nonobstant la circonstance, au demeurant non démontrée, que l'intéressé ignorait les écritures comptables en litige qui procèderaient d'une erreur fautive commise par son cabinet d'expertise comptable à l'encontre duquel il aurait engagé une action judiciaire devant le tribunal de commerce de Besançon. Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux qui procèdent de la réintégration de cette somme.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Le Vincennes et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Le Vincennes et de M. B... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Le Vincennes, à M. E... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 18NC01982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01982
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-03-01-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Examen de la situation fiscale personnelle (ex VASFE).


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : LAPEYRE et MAREK AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-15;18nc01982 ?
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