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15/10/2020 | FRANCE | N°18NC01550

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 18NC01550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Phénix a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de lui accorder le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater O du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012, en incluant dans la base de calcul les salaires versés aux menuisiers qui travaillent pour le compte de la SAS Metzger.

Par un jugement n° 1601866 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mém

oires, enregistrés le 25 mai 2018, le 19 décembre 2018 et le 28 juin 2019, la SAS Phénix, représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Phénix a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de lui accorder le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater O du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012, en incluant dans la base de calcul les salaires versés aux menuisiers qui travaillent pour le compte de la SAS Metzger.

Par un jugement n° 1601866 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 mai 2018, le 19 décembre 2018 et le 28 juin 2019, la SAS Phénix, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a refusé d'intégrer dans la base de calcul du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art prévu à l'article 244 quater O du code général des impôts, les salaires versés aux menuisiers dès lors que ceux-ci ne se contentent pas de poser les vérandas, mais consacrent une grande partie de leur temps de travail à leur conception technique en atelier et à leur conception physique finale ; chacune des vérandas est conçue en atelier de manière unique et sur mesure ; le débit approprié des barres de toiture, le choix du type de coupe en fonction des profils de la véranda à réaliser, la définition des angles pour les coupes sont déterminés en cours de réalisation et participent au savoir-faire humain et manuel de conception, non modélisé, comme en témoigne l'attestation du directeur du commissariat d'investissement à l'innovation et à la mobilité économique (CI2M) ; les menuisiers en atelier sont affectés à 80 % de leur temps de travail à une activité de conception comme l'atteste un document détaillé du processus de conception des vérandas en atelier ; il est nécessaire de distinguer les menuisiers fabricants, qui se trouvent en permanence à l'atelier et participent à la conception des vérandas et pour lesquels une demande de crédit d'impôt en faveur des métiers d'art a été sollicitée de ceux qui ne réalisent que la pose et pour lesquels aucune demande de crédit d'impôt n'a été formulée ; les menuisiers " poseurs " sont affectés à 50 % de leur temps à une activité de conception ; l'administration ne peut pas valablement soutenir qu'elle a incorporé dans la base du crédit d'impôt l'ensemble des heures travaillées par le personnel de la société alors que seuls les salariés affectés à la conception de nouveaux produits, en fonction du temps passé à la conception ont été retenus ;

- c'est à tort que l'administration considère que le contribuable ne justifie pas que les menuisiers réalisent des prototypes ou échantillons non vendus.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 octobre 2018 et le 24 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Phénix ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

- et les observations de M. Poullallion, président de la société Phénix.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Metzger, qui fait partie d'un groupe fiscalement intégré dirigé par la SAS Phénix, exerce une activité de création et pose de vérandas. Par trois courriers des 13 juin 2014, 29 décembre 2014 et 4 février 2015, la SAS Phénix a demandé, pour le compte de sa filiale la SAS Metgzer, l'attribution du crédit d'impôt " métiers de l'art " prévu par l'article 244 quater O du code général des impôts au titre des exercices clos les 30 juin 2011, 30 juin 2012 et 30 juin 2013, en prenant comme base du crédit d'impôt les salaires et charges sociales afférents à tous les personnels chargés, selon elle, de la conception de nouveaux produits, en l'espèce des vérandas. Par une décision du 18 juin 2015, l'administration fiscale a accordé le crédit d'impôt sollicité au titre des années 2011 et 2012 sur la base des rémunérations et charges sociales versées pour les salariés du bureau d'études. Par une réclamation du 29 juillet 2015, la SAS Phénix a demandé à l'administration fiscale l'attribution d'un crédit d'impôt supplémentaire calculé sur la base des rémunérations et charges sociales afférentes aux menuisiers travaillant pour le compte de la société Metzger. Cette demande a été rejetée par une décision du service du 28 janvier 2016 au motif que les menuisiers sont affectés à la fabrication des ouvrages et non à leur conception. La SAS Phénix relève appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit attribué le crédit d'impôt précité selon la base qu'elle revendique.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; (...) III.-Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont : 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale ; ". Aux termes de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes ".

3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la seule circonstance qu'une entreprise artisanale exerce un ou plusieurs métiers d'art n'est pas suffisante pour lui permettre d'être éligible au crédit d'impôt et, d'autre part, que les opérations de conception de nouveaux produits ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt consistent en la mise en oeuvre de moyens visant à la production d'un travail de création original. A cet égard, la circonstance que des équipements seraient conçus et fabriqués sur mesure par des personnels mettant en oeuvre un savoir-faire exigeant pour répondre à la demande individuelle de chaque client, constituant ainsi autant d'ouvrages d'artisanat d'art différents et uniques, ne suffit pas à caractériser un travail de conception d'un nouveau produit au sens des dispositions précitées.

4. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions auxquelles les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts subordonnent le bénéfice du crédit d'impôt qu'elles instituent. En particulier, il doit procéder à l'examen concret des tâches effectuées par les salariés dont le contribuable revendique leur participation directe à la conception des nouveaux produits, au sens de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au code général des impôts.

5. En premier lieu, la SAS Phénix soutient que les menuisiers de la société Metzger sont occupés entre 50 % et 80 % de leur temps de travail à la conception technique, en atelier, des vérandas qu'ils posent et qu'à ce titre, ils participent à la conception de produits nouveaux au sens de l'article 244 quater O précité. Elle en déduit que la quotité de leurs salaires affectée à ces tâches de conception doit être prise en compte dans la base de calcul du crédit d'impôt précité. Toutefois, il résulte de l'instruction que, par les pièces qu'elle produit, la société Phénix n'établit pas que les menuisiers participent directement à la conception des vérandas ou mettent en oeuvre des moyens visant à la production d'un travail de création original. Ne sont ainsi pas probants les deux tableaux intitulés " détermination CIMA " qui se bornent à identifier le pourcentage du temps de travail des salariés consacré à la conception et l'élaboration de nouveaux produits, sans être assortis d'aucun justificatif. L'attestation du directeur du Commissariat d'investissement à l'innovation et à la mobilité économique (C2IME) ne saurait prouver concrètement qu'au titre des années 2011 et 2012, les menuisiers de la société Metzger occupaient 50 % ou 80 % de leur temps de travail à des tâches de conception de produits nouveaux, alors que cette attestation, datée du 9 septembre 2018 est postérieure aux années en litige et qu'elle fait état d'une visite sur place les 30 octobre 2017 et 22 novembre 2017. En outre, le document intitulé " processus de conception d'une véranda ", les plans et les photographies de vérandas produits à l'instance ne justifient pas que les menuisiers ont effectivement des tâches de conception en atelier avant de procéder à la pose des vérandas alors que, comme l'avaient déjà relevé les premiers juges, ne sont versés aux débats aucun contrat de travail ni aucune fiche de poste qui aurait permis d'identifier la nature et l'étendue des tâches concrètement réalisés par ces derniers. Dans ces conditions, s'il est constant que les vérandas conçues et fabriquées par la SAS Metzger constituent des nouveaux produits au sens de l'article 244 quater O du code général des impôts, il ne résulte pas de l'instruction que des salariés autres que ceux du bureau d'études aient participé, pour tout ou partie de leur temps de travail, directement à la conception d'un nouveau produit au sens de cet article.

6. En deuxième lieu, la société requérante ne saurait utilement soutenir que c'est à tort que l'administration a considéré que les menuisiers de la SAS Metzger ne réalisaient pas des prototypes ou des échantillons non vendus dès lors que ces derniers ne sont pas des " ingénieurs ou techniciens " au sens des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Phénix n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, des sommes au titre des frais d'instance et des dépens. Par suite, les conclusions présentées sur ce point par la SAS Phénix doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Phénix est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la SAS Phénix et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 18NC01550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01550
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-08-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SELARL NOMODOS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-15;18nc01550 ?
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