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13/10/2020 | FRANCE | N°19NC03167-19NC03168

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 13 octobre 2020, 19NC03167-19NC03168


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A..., épouse B... et M. G... B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 1er avril 2019 par lesquels le préfet des Vosges les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être renvoyés.

Par un jugement nos 1901141, 1901143 du 7 juin 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédures

devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 19NC03167, le 4 novembre 2019,...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A..., épouse B... et M. G... B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 1er avril 2019 par lesquels le préfet des Vosges les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être renvoyés.

Par un jugement nos 1901141, 1901143 du 7 juin 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 19NC03167, le 4 novembre 2019, Mme A..., épouse B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juin 2019 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le préfet des Vosges l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes, soit 1 800 euros toutes taxes comprises au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les entiers dépens dont le droit de plaidoirie de 13 euros.

Elle soutient que :

- elle a invoqué un moyen sérieux à l'appui de ses conclusions à fins de suspension de la mesure d'éloignement en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que le tribunal n'examine ce moyen, entachant ainsi son jugement d'irrégularité ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le droit d'être entendu, le principe général du droit de l'Union européenne du droit de la défense et de la bonne administration ;

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation ;

- il s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée pour procéder à son éloignement à la suite du rejet de sa demande d'asile, sans examiner la possibilité de lui délivrer une attestation d'asile pour des motifs humanitaires ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée par la décision de l'OFPRA pour fixer le pays de renvoi, sans procéder à un examen suffisant de sa situation au regard des risques de persécution en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2020, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 19NC03168, le 4 novembre 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juin 2019 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le préfet des Vosges l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes, soit 1 800 euros toutes taxes comprises au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que les entiers dépens dont le droit de plaidoirie de 13 euros.

Il soutient que :

- il a invoqué un moyen sérieux à l'appui de ses conclusions à fins de suspension de la mesure d'éloignement en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que le tribunal n'examine ce moyen, entachant ainsi son jugement d'irrégularité ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le droit d'être entendu, le principe général du droit de l'Union européenne du droit de la défense et de la bonne administration ;

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation ;

- il s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée pour procéder à son éloignement à la suite du rejet de sa demande d'asile, sans examiner la possibilité de lui délivrer une attestation d'asile pour des motifs humanitaires ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée par la décision de l'OFPRA pour fixer le pays de renvoi, sans procéder à un examen suffisant de sa situation au regard des risques de persécution en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2020, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 19 septembre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Constitution et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants albanais nés respectivement le 3 janvier 1979 et le 28 juillet 1979, sont entrés en France le 16 septembre 2018 avec leurs trois enfants, nés en 2005, 2009 et 2016. Leur demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 15 mars 2019. Par des arrêtés du 1er avril 2019, le préfet des Vosges les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être renvoyés. Par un jugement du 7 juin 2019, dont M. et Mme B... relèvent appel par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 1er avril 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2019 : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. / Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ". Selon le 7° de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Selon le 1° du I de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ".

3. Devant le tribunal administratif de Nancy, M. et Mme B... présentaient des conclusions tendant à la suspension des effets des décisions portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) se soit prononcée sur leur recours tendant à l'annulation des décisions de l'OFPRA rejetant leurs demandes d'asile. Le jugement attaqué, s'il vise ces conclusions, omet d'y statuer. Il est, en conséquence, entaché d'irrégularité.

4. Il suit de là que le jugement du 7 juin 2019 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy doit être annulé en tant qu'il omet de statuer sur les conclusions présentées en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Nancy.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

6. Par deux décisions du 26 juin 2019, notifiées le 4 septembre suivant, la CNDA a rejeté les recours déposés par M. et Mme B... tendant à l'annulation des décisions du 15 mars 2019 par lesquelles l'OFPRA a rejeté leur demande d'asile. Par suite, les conclusions tendant à la suspension de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français qu'ils présentaient devant le tribunal administratif de Nancy en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient, avant même l'introduction des requêtes d'appel, devenues sans objet. Elles sont par suite irrecevables.

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, les arrêtés du 1er avril 2019 du préfet des Vosges visent le 6°) du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, rappellent que les demandes d'asile de M. et Mme B... ont été rejetées et qu'ils ne disposent plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Ils précisent que les requérants sont arrivés récemment en France, qu'ils sont dépourvus d'emploi et que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale qu'ils constituent avec leurs trois enfants puisse se reconstituer en Albanie. Par suite, les arrêtés litigieux, qui exposent les considérations de droit et de fait sur lesquels ils se fondent, sont suffisamment motivés.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".

9. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du même code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.

10. M. et Mme B... ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Il leur appartenait, lors du dépôt de leur demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'ils estimaient utiles. Il leur était loisible, au cours de l'instruction de leur demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Ils ne pouvaient ignorer, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qu'ils pourraient faire l'objet d'une mesure d'éloignement en cas de rejet de leur demande. Il leur appartenait, le cas échéant, de fournir spontanément à l'administration tout élément utile relatif à leur situation et notamment à d'éventuels motifs humanitaires de nature à justifier leur admission au séjour à titre exceptionnel. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme B... aient fait part de tels éléments à l'administration, ni même vainement tenté de le faire. En outre, aucune obligation de les informer de leur droit à être assistés par un avocat n'incombait aux services préfectoraux. Il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier qu'ils aient été empêchés de se faire assister par un avocat. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes des arrêtés du 1er avril 2019 que le préfet des Vosges a procédé à un examen suffisamment approfondi de la situation personnelle et familiale de M. et Mme B..., y compris de la présence de leurs trois enfants en France. En examinant l'ensemble de leur situation personnelle et familiale, il ne s'est pas estimé en situation de compétence liée par les décisions de l'OFPRA rejetant leurs demandes d'asile pour édicter des mesures d'éloignement à leur encontre.

12. En quatrième lieu, la présence et la scolarisation en France des enfants de M. et Mme B... étaient récentes à la date des décisions contestées. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne seraient pas en mesure de suivre leurs parents en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Vosges aurait entaché les décisions litigieuses d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle et familiale doit être écarté.

13. En dernier lieu, les demandes d'asile de M. et Mme B... ont été rejetées par des décisions du 15 mars 2019 de l'OFPRA statuant en procédure accélérée. Les requérants ne disposent, en conséquence, plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des dispositions combinées des articles L. 723-2 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2 du présent arrêt. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet des Vosges a entaché ses décisions d'erreur de droit.

14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. et Mme B... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, les décisions du préfet des Vosges portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachées d'illégalité, le moyen tiré de leur illégalité, soulevé par voie d'exception, doit être écarté.

16. En deuxième lieu, les décisions litigieuses, après avoir rappelé que les demandes d'asile de M. et Mme B... ont été rejetées, énoncent qu'ils n'établissent pas être exposés, à titre personnel, à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans leur pays d'origine ou dans tout autre pays dans lequel ils seraient légalement admissibles. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions fixant le pays de renvoi, qui précisent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent, doit être écarté.

17. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que le préfet des Vosges se serait estimé, à tort, en situation de compétence liée par les décisions de l'OFPRA sans procéder à un examen suffisant de la situation de M. et Mme B... au regard des risques de persécution dont ils font état en cas de retour dans leur pays d'origine doivent être écartés par adoption des motifs des points 16 et 17 du jugement attaqué.

18. En dernier lieu, il résulte des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

19. Eu égard à leur âge, les enfants de M. et Mme B... seront en mesure de les suivre en cas de retour dans leur pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité, alors, au demeurant, que leur scolarisation en France est très récente. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier et notamment de leurs allégations peu circonstanciées devant l'OFPRA, que leur sécurité serait menacée en cas de retour dans leur pays d'origine où les deux aînés ont, au demeurant, vécu plusieurs années avant d'arriver en France. Par suite, les décisions fixant le pays de destination ne méconnaissent pas l'intérêt supérieur des enfants garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 1er avril 2019 du préfet des Vosges. Leurs conclusions à fin d'injonction doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

21. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent M. B... et Mme A... épouse B... au titre des frais non compris dans les dépens.

22. En second lieu, aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat (...) ". La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions tendant ce qu'il soient mis à la charge de l'Etat, y compris les droits de plaidoirie qui ne constituent au demeurant pas des dépens, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 7 juin 2019 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il omet de statuer sur les conclusions présentées par M. et Mme B... en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Nancy tendant à la suspension de l'exécution des décisions les obligeant à quitter le territoire français en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A..., épouse B..., à M. G... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Vosges.

2

N°s 19NC03167, 19NC03168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03167-19NC03168
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-13;19nc03167.19nc03168 ?
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