Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser la somme de 96 017 euros en réparation du préjudice matériel qu'il a subi en l'absence de versement de la totalité de son traitement et de ses primes pendant la période de suspension de fonctions dont il a fait l'objet.
Par un jugement n° 1603644 du 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur la demande indemnitaire préalable qu'il lui a adressée le 2 mars 2016, reçue le 4 mars suivant ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 96 017 euros en réparation du préjudice matériel qu'il a subi en l'absence de versement de la totalité de son traitement pendant la période de suspension de fonctions dont il a fait l'objet ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été relaxé des poursuites engagées à son encontre et doit être rétabli dans ses droits, dès lors qu'il n'a commis aucune faute ;
- en l'absence de faute, il a droit au versement des traitements et des primes qu'il n'a pas perçus pendant la période de suspension de ses fonctions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête de M. C... qui ne met en cause ni la régularité du jugement attaqué, ni son bien-fondé, n'est pas recevable ;
- les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente assesseur,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été titularisé en qualité de gardien de la paix, le 1er juin 1987. Le ministre de l'intérieur l'a suspendu de l'exercice de ses fonctions par des arrêtés des 22 septembre 2008 et 7 novembre 2011. Il a mis fin à ces mesures de suspension par un arrêté du 16 mars 2015. M. C... demande une indemnité correspondant au montant des traitements et primes qui ne lui ont pas été versés pendant la période de suspension de l'exercice de ses fonctions, à hauteur de 96 017 euros. Par un jugement du 3 octobre 2018, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que, par une ordonnance du 19 septembre 2008 du vice-président chargé de l'instruction du tribunal de grande instance de Nancy, M. C... a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer toute activité professionnelle de policier - gardien de la paix. Par un arrêté du 3 octobre 2008, le ministre de l'intérieur a, du fait de l'interruption des fonctions de l'intéressé, suspendu le versement de son traitement en l'absence de service fait, du 19 septembre 2008 jusqu'au jour de la levée de la mesure d'interdiction judiciaire d'exercer ses fonctions. La seule circonstance que, par un arrêt du 2 septembre 2015, la cour d'appel de Nancy l'a relaxé des faits de recel d'un véhicule retenus contre lui par un jugement du 23 mai 2014 du tribunal de grande instance de Nancy est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 3 octobre 2008 sur le fondement duquel son traitement a été suspendu, faute de service fait. Par suite, l'arrêté du 3 octobre 2008, qui n'est pas entaché d'illégalité du seul fait de la relaxe de M. C... des faits de recel dont il faisait l'objet, n'est pas constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Il suit de là que les conclusions de M. C... tendant à être indemnisé à hauteur de 32 867 euros pour la période du 19 septembre 2008 au 25 janvier 2011, date à laquelle la mesure d'interdiction judiciaire d'exercer toute activité professionnelle de policier - gardien de la paix a été levée, doivent être rejetées.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. ".
5. La mesure provisoire de suspension prévue par les dispositions précitées ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire. Elle est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.
6. D'une part, par un arrêté du 22 septembre 2008, M. C... a été, sur le fondement des dispositions précitées au point 4 du présent arrêt, suspendu de l'exercice de ses fonctions à compter du 25 janvier 2011, date de la mesure de levée de l'interdiction judiciaire d'exercer la profession de policier - gardien de la paix prononcée à son encontre par une ordonnance du 19 septembre 2008 du vice-président chargé de l'instruction du tribunal de grande instance de Nancy, avec maintien de son traitement. Par un second arrêté, pris sur le même fondement, le 7 novembre 2011, son traitement a été retenu à hauteur de la moitié. Il a ainsi perçu l'intégralité de son traitement jusqu'en décembre 2011, puis un demi-traitement à partir du mois de janvier 2012 jusqu'à ce que, par un arrêté du 16 mars 2015, le ministre de l'intérieur le réintègre dans ses fonctions. La seule circonstance que, par un arrêt du 2 septembre 2015, la cour d'appel de Nancy l'a relaxé des faits de recel d'un véhicule retenus contre lui par un jugement du 23 mai 2014 du tribunal de grande instance de Nancy est sans incidence sur la légalité des arrêtés le suspendant de ses fonctions sur le fondement desquels la moitié de son traitement a été retenu à compter de janvier 2012. Dès lors qu'il n'établit pas l'existence d'une faute imputable à l'Etat, les conclusions de M. C... tendant à sa condamnation au versement d'une indemnité au montant des traitements qu'il aurait dû percevoir entre le 19 décembre 2011 et le 1er avril 2015 doivent être rejetées.
7. D'autre part, il résulte de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 cité au point 2 que la rémunération des fonctionnaires est la contrepartie du service fait. Alors même que les dispositions de l'article 30 de la même loi, citées au point 4, dérogent à ce principe, il résulte des termes mêmes de cet article qu'en l'absence de service fait en raison de sa suspension, le fonctionnaire ne conserve que les éléments de rémunération que cet article énumère et au nombre desquels ne figure aucune prime. Les indemnités pour " sujétion spéciale police " et " l'allocation maîtrise ", liées à l'exercice effectif des fonctions, dont le requérant demande le versement pour la période du 25 janvier 2011 au 1er avril 2015, ne sont pas au nombre des éléments de rémunération maintenus en vertu de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 sur le fondement duquel M. C... a été suspendu de ses fonctions pour cette période. Ses conclusions tendant au versement de ces primes doivent, en conséquence, être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
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N° 18NC03235