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13/10/2020 | FRANCE | N°18NC02269

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 13 octobre 2020, 18NC02269


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... représentée par Mme H... B..., son administratrice légale, Mme H... B... et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat, puis solidairement l'Etat et le département du Bas-Rhin à verser d'une part, à Mme F... B..., une somme totale de 70 000 euros en réparation de la perte de chance d'avoir accès à une prise en charge spécifique de son handicap, à une éducation, à une scolarisation et à une formation effectives et du préjudice moral qu'elle a su

bi en raison de l'insuffisance de sa prise en charge pluridisciplinaire et de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... représentée par Mme H... B..., son administratrice légale, Mme H... B... et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat, puis solidairement l'Etat et le département du Bas-Rhin à verser d'une part, à Mme F... B..., une somme totale de 70 000 euros en réparation de la perte de chance d'avoir accès à une prise en charge spécifique de son handicap, à une éducation, à une scolarisation et à une formation effectives et du préjudice moral qu'elle a subi en raison de l'insuffisance de sa prise en charge pluridisciplinaire et de l'absence de scolarisation et d'autre part, une somme de 20 000 euros chacun à M. E... B... et à Mme H... B... en réparation du préjudice résultant des insuffisances de l'Etat à assurer la prise en charge adaptée du handicap de leur fille.

Ils ont également demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté par lequel la rectrice de l'académie de Strasbourg a opposé la prescription quadriennale aux créances qu'ils estiment détenir sur l'Etat.

Par un jugement nos 1400121, 1402385 et 1606100 du 13 juin 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 août 2018 et 25 juin 2020, Mme F... B..., majeure protégée, Mme H... B... et M. E... B..., représentés par Me A..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté par lequel la rectrice de l'académie de Strasbourg a opposé la prescription quadriennale aux créances qu'ils estiment détenir sur l'Etat pour la période antérieure au 1er janvier 2009 ;

3°) de condamner solidairement l'Etat et le département du Bas-Rhin à verser à Mme H... B... agissant en qualité d'administratrice légale de Mme F... B... la somme de 91 521 euros en raison de la méconnaissance des articles L. 114-1 et L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles ;

4°) de condamner solidairement l'Etat et le département du Bas-Rhin à verser à M. et Mme B... la somme de 54 925 euros chacun au titre du préjudice moral qu'ils ont subi en l'absence de prise en charge adaptée du handicap de leur fille ;

5°) de condamner solidairement l'Etat et le département du Bas-Rhin à verser à M. et Mme B... la somme de 24 000 euros au titre des frais de prise en charge de Mme F... B... pour les deux prochaines années ;

6°) à titre subsidiaire, d'ordonner, par un arrêt avant dire-droit, une expertise pour déterminer les préjudices qu'ils ont subis et le coût à venir de la prise en charge de Mme F... B... ;

7°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et du département du Bas-Rhin la somme de 7 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en première instance et en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- la responsabilité pour faute de l'Etat est de nature à être engagée, dès lors que Mme F... B... n'a pas bénéficié d'une éducation correspondant à ses besoins en l'absence de prise en charge par une structure adaptée pour l'accueil d'enfants autistes ;

- les premiers juges ont renversé la charge de la preuve ;

- le principe d'égalité est méconnu en l'absence de prise en charge au sein d'un établissement spécialisé pour les personnes atteintes d'autisme depuis octobre 2008 ;

- la CDAPH a méconnu l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles, faute d'orienter Mme B... vers un établissement offrant la prise en charge la plus adaptée correspondant à ses besoins ;

- ils sont fondés à demander à être indemnisés des préjudices subis en raison des fautes commises dans la prise en charge du handicap de Mme F... B... par l'Etat et le département du Bas-Rhin ;

- Mme F... B... a subi une perte de chance sérieuse de bénéficier d'une prise en charge adaptée à son handicap ;

- les préjudices subis leur ouvrent droit à une indemnisation ;

- l'exception de prescription quadriennale doit être écartée, dès lors que leur préjudice est continu et qu'ils ignoraient leur créance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 juillet 2019 et 18 mai 2020, le département du Bas-Rhin, représenté par Me C..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que le caractère injustifié et excessif des indemnités demandées soit constaté et enfin, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête, qui est tardive, est irrecevable ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée en raison des fautes commises par l'Etat, en méconnaissance de ses obligations relatives au droit à l'éducation ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée pour les éventuelles carences de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) qui dispose de la personnalité juridique ;

- les sommes demandées sont excessives et injustifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- Mme B... a bénéficié d'une prise en charge adaptée depuis 1993 ;

- aucune carence dans la prise en charge de Mme B... ne peut être imputée aux services de l'Etat, dont la responsabilité pour faute n'est pas de nature à être engagée ;

- le lien direct entre le préjudice subi et une éventuelle faute de l'Etat doit être établi ;

- le préjudice doit être évalué sur la seule période d'absence de prise en charge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2020, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'absence de scolarisation de Mme B... en milieu ordinaire entre les mois de septembre 1997 et de novembre 1998 n'est pas de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que Mme B... et autres n'étaient pas recevables à demander l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté par lequel la rectrice de l'académie de Strasbourg a opposé la prescription quadriennale aux créances qu'ils estiment détenir sur l'Etat pour la période antérieure au 1er janvier 2009.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., présidente,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La jeune F... B..., née le 4 février 1988, a été diagnostiquée en mars 1993 d'un syndrome autistique sévère associé à un retard de développement et à une déficience intellectuelle. Elle a fait l'objet d'une mesure de protection, le 21 mars 2008, sa mère, Mme H... B... étant désignée en qualité de représentante légale. Le 9 août 2013, Mme H... B..., agissant en son nom propre et en sa qualité de représentante légale de sa fille F... et son mari, M. E... B... ont adressé une demande indemnitaire préalable à l'Etat en vue de la réparation des préjudices subis du fait des carences de l'Etat dans la mise en oeuvre du droit à l'éducation et du droit à une prise en charge pluridisciplinaire adaptée aux besoins spécifiques des personnes atteintes du handicap résultant du syndrome autistique. Le silence gardé par le ministre de l'éducation nationale et le ministre des affaires sociales sur leurs demandes a fait naître une décision implicite de rejet. Mme B... et autres ont également adressé une demande indemnitaire préalable au département du Bas-Rhin, le 3 janvier 2014, pour les mêmes chefs de préjudices. Par une décision du 27 février 2014, le président du conseil général du Bas-Rhin a rejeté leur demande. En outre, par un arrêté du 16 septembre 2016, la rectrice de l'académie de Strasbourg a opposé la prescription quadriennale aux créances que Mme B... et autres allèguent détenir sur l'Etat pour les périodes antérieures au 1er janvier 2009. Par un jugement du 13 juin 2018, dont Mme H... B..., agissant en qualité d'administratrice légale de Mme F... B... et pour son compte et M. E... B... relèvent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'Etat et du département du Bas-Rhin à les indemniser des préjudices subis et à l'annulation de l'arrêté leur opposant la prescription quadriennale.

Sur la responsabilité de l'Etat :

En ce qui concerne l'absence de scolarisation de la jeune F... :

2. La loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, en vigueur jusqu'au 26 octobre 2004, dispose que l'éducation du mineur handicapé constitue une obligation nationale. Selon l'article 4 de cette loi, repris par l'article L. 112-1 du code de l'éducation à compter du 22 juin 2000 : " Les enfants et adolescents handicapés sont soumis à l'obligation éducative. Ils satisfont à cette obligation en recevant soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale, déterminée en fonction des besoins particuliers de chacun d'eux ". Il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif.

3. Il résulte de l'instruction qu'après avoir suivi un début de scolarité en école maternelle, la jeune F... a été prise en charge par l'hôpital de jour " La Ribambelle " à Saverne entre le 29 septembre 1994 et le mois de juin 1997. Cette décision a été prise au vu des avis médicaux selon lesquels la poursuite de sa scolarisation en milieu ordinaire n'était pas possible et notamment de l'avis du médecin du service de psychiatrie infanto-juvénile du centre hospitalier de Brumath. Elle avait en effet alors les capacités " d'une enfant de 3 ans ". Dans le cadre de sa prise en charge par l'hôpital de jour " La Ribambelle " de Saverne, elle a d'ailleurs pu bénéficier, du fait de ses progrès psychomoteurs, d'une intégration en milieu scolaire ordinaire à raison de deux demi-journées par semaine en mai et juin 1997. Elle a ensuite été prise en charge à domicile, à la demande de ses parents, qui ont décidé d'interrompre la prise en charge par l'hôpital de jour de Saverne. Elle a ensuite été accueillie à temps partiel au sein de l'institut médico-éducatif d'Ingwiller à partir de janvier 1998, puis à temps complet à compter du 2 novembre 1998, sur décision de la commission départementale de l'éducation spéciale. Elle y est restée jusqu'en 2008 à l'âge de 20 ans.

4. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard à la nature et à l'importance de son handicap, la scolarisation de la jeune F... a été rapidement compromise ou interrompue sur décision de ses parents. Par ailleurs, aucune précision n'est apportée quant à la carence de l'Etat dans sa scolarisation au sein de l'institut médico-éducatif d'Ingwiller. Par suite, les requérants n'établissent pas l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

En ce qui concerne l'absence de prise en charge pluridisciplinaire adaptée au syndrome autistique :

5. Aux termes de l'article L. 114-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. / L'Etat est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d'actions. ". Selon l'article L. 246-1 du même code : " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. / Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. / Il en est de même des personnes atteintes de polyhandicap. ".

6. Il résulte de ces dernières dispositions que le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation. Si, eu égard à la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que cette prise en charge, afin d'être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en oeuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l'accueil dans un établissement spécialisé ou par l'intervention d'un service à domicile, c'est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire, et adaptée à l'état et à l'âge de la personne atteinte de ce syndrome.

7. En premier lieu, les requérants soutiennent que la prise en charge de la jeune F... au sein de l'institut médico-éducatif d'Ingwiller n'était pas adaptée à son handicap, en raison de sa prise en charge au sein d'un groupe de quatre jeunes, atteints d'autres handicaps et en l'absence de qualification du personnel sur l'autisme. Ils relèvent également leurs difficultés de communication avec cet établissement.

8. Il résulte cependant de l'instruction que la jeune F... a pu bénéficier d'une prise en charge multidisciplinaire au sein de cet établissement. Elle a notamment participé à différents ateliers et à des activités d'éveil. Elle a, en outre, bénéficié d'un accompagnement vers l'autonomie ainsi que d'un suivi par un psychologue, un psychiatre et de séances d'orthophonie. Il résulte également de l'instruction et en particulier des différents bilans produits, qu'elle a accompli des progrès et est devenue plus autonome dans les gestes de la vie quotidienne tout en faisant l'acquisition d'un langage simple. Plusieurs de ces bilans relèvent d'ailleurs qu'elle apprécie les différentes activités qui lui sont proposées. Par suite, alors même qu'elle n'a pas été accueillie dans une structure spécialisée dans l'accompagnement des personnes souffrant de troubles autistiques, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'aurait pas bénéficié d'une prise en charge pluridisciplinaire adaptée au sein de l'institut médico-éducatif d'Ingwiller.

9. En deuxième lieu, d'une part, il résulte de l'instruction qu'à compter du 29 septembre 2008, le jeune F... a été admise au sein du foyer d'accueil médicalisé de Harthouse en accueil de jour, initialement 5 jours par semaine, puis 4 jours par semaine à partir du 21 mars 2011. Son admission au sein de cette structure est conforme aux décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) des 6 décembre 2007, 2 et 20 octobre 2008, l'orientant vers un placement en foyer d'accueil médicalisé et en foyer de vie. Ces décisions, qui sont prises au nom de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), ne sauraient engager la responsabilité de l'Etat. Pour les mêmes motifs, les requérants ne sont pas davantage fondés à invoquer la rupture du principe d'égalité, faute pour la CDAPH d'avoir prévu une orientation dans une structure dédiée à l'accueil des adultes atteints d'un syndrome autistique.

10. D'autre part, il résulte de l'instruction que le centre de Harthouse a élaboré un projet individuel d'accueil de la jeune F..., régulièrement mis à jour, qui définit des objectifs, des actions, un projet d'accompagnement et de soins adaptés à sa situation. Des réunions mensuelles de suivi ont notamment été organisées entre l'établissement d'accueil et ses parents, avant que ce dispositif ne soit aménagé d'un commun accord. Des actions ont également été mises en place dans les domaines de la vie quotidienne, de la vie sociale, de l'interaction en grand groupe et des relations avec sa famille. Il résulte également de l'instruction que des activités diverses et variées, individuelles ou en relation avec d'autres, ont été proposées afin d'accompagner la jeune F... vers davantage d'autonomie et dans son ouverture aux autres. Le dernier rapport du mois d'octobre 2012 produit relève d'ailleurs les progrès accomplis par l'intéressée, qui participe volontiers aux activités, y compris en plus grand groupe, enrichit son vocabulaire et a des relations plus aisées avec les éducateurs. Ainsi, alors même qu'elle n'est pas accueillie au sein d'une structure dédiée à la prise en charge des adultes atteints d'un syndrome autistique, son suivi depuis le 29 septembre 2008 revêt un caractère pluridisciplinaire, en outre, adapté à son âge et au syndrome autistique sévère associé à des déficiences intellectuelles dont elle souffre.

11. En dernier lieu, en se bornant à évoquer la méconnaissance de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion et de l'article 2 du premier protocole additionnel à cette convention, relatif au droit à l'instruction, les requérants n'établissent pas le caractère fautif, au regard de ces stipulations, de l'action de l'administration.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par l'Etat en première instance, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à ce que la responsabilité pour faute de l'Etat soit engagée en l'absence de prise en charge pluridisciplinaire adaptée au handicap de le jeune F....

Sur la responsabilité du département du Bas-Rhin :

13. En premier lieu, il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif. Par suite, la responsabilité du département du Bas-Rhin ne saurait être recherchée en raison des préjudices subis par les requérants du fait des carences de l'Etat dans la prise en charge de l'obligation de scolarité et du droit à l'éducation de la jeune F....

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'action sociale et des familles : " La maison départementale des personnes handicapées est un groupement d'intérêt public constitué pour une durée indéterminée, dont le département assure la tutelle administrative et financière. / Le département, l'Etat et les organismes locaux d'assurance maladie et d'allocations familiales du régime général de sécurité sociale définis aux articles L. 211-1 et L. 212-1 du code de la sécurité sociale sont membres de droit de ce groupement (...) ". Selon l'article L. 146-9 du même code : " Une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées prend, sur la base de l'évaluation réalisée par l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 146-8, des souhaits exprimés par la personne handicapée ou son représentant légal dans son projet de vie et du plan personnalisé de compensation proposé dans les conditions prévues aux articles L. 114-1-1 et L. 146-8, les décisions relatives à l'ensemble des droits de cette personne, notamment en matière d'attribution de prestations et d'orientation, conformément aux dispositions des articles L. 241-5 à L. 241-11 (...) ".

15. D'une part, il résulte de ces dispositions que les décisions par lesquelles la CDAPH se prononce sur l'orientation et l'accueil des personnes handicapées sont prises au nom de la MDPH et non du département.

16. D'autre part, la seule circonstance, à la supposer établie, que les décisions des 6 décembre 2007, 2 et 20 octobre 2008 par lesquelles la CDAPH s'est prononcée sur l'orientation de la jeune F... en foyer d'accueil médicalisé et en foyer de vie ne permettraient pas d'assurer une prise en charge pluridisciplinaire adaptée à son handicap, ne saurait caractériser une carence dans les missions de tutelle administrative et financière qu'exerce le département du Bas-Rhin sur la MDPH.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le département du Bas-Rhin en première instance, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation du département du Bas-Rhin à leur verser une indemnité en réparation des préjudices qu'ils ont subi du fait des lacunes dans la prise en charge pluridisciplinaire et le droit à l'éducation de la jeune F....

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de la rectrice de l'académie de Strasbourg opposant la prescription quadriennale aux créances sur l'Etat pour la période antérieure au 1er janvier 2009 :

18. Lorsque, dans le cadre d'un litige indemnitaire, l'administration oppose, à la créance objet de ce litige, la prescription prévue par les dispositions de la loi du 31 décembre 1968, le créancier qui entend contester le bien-fondé de la prescription doit le faire devant le juge saisi de ce même litige. Dans cette hypothèse, le créancier n'est par conséquent pas recevable à demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation de la décision opposant la prescription quadriennale à la créance dont il se prévaut. Par suite les conclusions d'annulation de l'arrêté par laquelle la rectrice de l'académie de Strasbourg a opposé à la demande indemnitaire des requérants la prescription quadriennale de leur créance sont irrecevables.

19. Par suite, Mme B... et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté opposant la prescription quadriennale aux créances qu'ils détiennent sur l'Etat antérieurement au 1er janvier 2009.

20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, ni d'ordonner une expertise, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et du département du Bas-Rhin, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que Mme B... et autres demandent au titre des frais exposés en première instance et en appel et non compris dans les dépens.

22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département du Bas-Rhin sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Bas-Rhin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... B... agissant en qualité d'administratrice légale de Mme F... B..., première dénommée en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, au ministre des solidarités et de la santé et au département du Bas-Rhin.

2

N° 18NC02269


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02269
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

04 Aide sociale.

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale.

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale aux personnes handicapées.

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale.

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 - Point de départ du délai.


Composition du Tribunal
Président : Mme GRENIER
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BUEB

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-13;18nc02269 ?
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