Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. M'H... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 29 janvier 2018 par laquelle le préfet de la Marne a refusé d'autoriser le regroupement familial sur place en faveur de son épouse, Mme A... B..., et de leurs deux enfants, C... et I..., ensemble la décision du 17 avril 2018 portant rejet du recours gracieux, d'enjoindre au préfet de la Marne d'autoriser le regroupement familial de son épouse et de ses deux enfants et de leur délivrer à chacun un titre de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1802001 du 4 février 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC01040 le 4 avril 2019, M. D..., représenté par Me Choffrut demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 février 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 29 janvier 2018 par laquelle le préfet de la Marne a refusé d'autoriser le regroupement familial sur place en faveur de son épouse, Mme A... B..., et de leurs deux enfants, C... et I..., ensemble la décision du 17 avril 2018 portant rejet du recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne d'autoriser ce regroupement familial dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il remplissait tous les critères pour que soit écartée l'application de la condition de ressources prévue par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cette condition ne lui était donc pas opposable ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, protégé par l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 14 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant marocain, né en 1944, résidant en France depuis 1968 et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2025, a déposé, le 11 octobre 2017, une demande de regroupement familial sur place au bénéfice de son épouse, Mme G... A... B..., de nationalité marocaine, et de leurs deux enfants mineurs, nés en 2002 et 2007. Par une décision du 29 janvier 2018, confirmée sur recours gracieux le 17 avril 2018, le préfet de la Marne a rejeté cette demande. M. D... relève appel du jugement du 4 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à 1'annulation de ces décisions et du rejet de son recours gracieux.
Sur la légalité des décisions des 29 janvier et 17 avril 2018 :
2. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille (...) Ces dispositions ne sont pas applicables (...) lorsqu'une personne âgée de plus de soixante-cinq ans et résidant régulièrement en France depuis au moins vingt-cinq ans demande le regroupement familial pour son conjoint et justifie d'une durée de mariage d'au moins dix ans ; / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ".
3. Il est constant qu'à la date du dépôt de sa demande de regroupement familial, M. D... était âgé de plus de 65 ans et marié à Mme A... B... depuis 2001, soit depuis une durée au moins égale à dix ans. Il n'est pas contesté que, présent en France depuis 1968, il justifiait à cette même date de vingt-cinq ans de résidence régulière en France. Dès lors, en application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 411-5, la condition de ressources prévue par ces mêmes dispositions n'était pas applicable à la demande de regroupement familial qu'il avait formée au bénéfice, notamment, de son épouse. M. D... est par suite fondé à soutenir qu'en rejetant la demande de regroupement familial au motif de l'insuffisance des ressources de son foyer, le préfet de la Marne a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Selon l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'âge du conjoint et des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande ".
6. Si l'exécution du présent arrêt, qui annule les décisions attaquées pour erreur de droit, implique nécessairement que le préfet de la Marne statue à nouveau, au vu des motifs de cet arrêt, sur la demande de regroupement familial présentée par M. D... au bénéfice de son épouse et de leurs deux enfants, elle n'implique pas nécessairement qu'il délivre l'autorisation sollicitée. Les conclusions du requérant tendant à ce que le préfet délivre cette autorisation ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir, au titre de la première instance et de l'appel, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Choffrut, conseil de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, partie principalement perdante aux instances, le versement à cet avocat d'une somme de 1 200 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions du préfet de la Marne du 29 janvier 2018 et du 17 avril 2018 sont annulées.
Article 2 : L'Etat versera à Me Choffrut une somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. M'H... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 19NC01040