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29/09/2020 | FRANCE | N°20NC00925-20NC00927

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 20NC00925-20NC00927


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B... E... et M. F... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 3 janvier 2020 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer l'attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière et leur a interdit le retour en France pendant un an.

Par un jugement n° 2000341, 2000342 du 28 février 20

20, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B... E... et M. F... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 3 janvier 2020 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer l'attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière et leur a interdit le retour en France pendant un an.

Par un jugement n° 2000341, 2000342 du 28 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 14 avril 2020 sous le n° 20NC00925, Mme B... E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dans l'hypothèse où la décision d'aide juridictionnelle n'aurait pas été rendue à la date de l'arrêt à intervenir ;

2°) d'annuler le jugement n° 2000341 et 2000342 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 28 février 2020 en tant qu'il rejette sa demande ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 3 janvier 2020 la concernant ;

4°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'elle ne comporte pas la mention en caractère lisible du prénom, du nom et de la qualité de son signataire ;

- la décision en litige contrevient également aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 14 avril 2020 sous le n° 20NC00927, M. F... E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dans l'hypothèse où la décision d'aide juridictionnelle n'aurait pas été rendue à la date de l'arrêt à intervenir ;

2°) d'annuler le jugement n°2000341 et 2000342 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 28 février 2020 en tant qu'il rejette sa demande ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 3 janvier 2020 le concernant ;

4°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'elle ne comporte pas la mention en caractère lisible du prénom, du nom et de la qualité de son signataire ;

- la décision en litige contrevient également aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 25 juin 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 20NC00925 et 20NC00927 concernent deux membres d'une même famille d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. F... E... et Mme B... E... et sont des ressortissants russes, nés respectivement les 9 mars 1987 et 29 septembre 1988. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France, le 30 juin 2016, accompagnés de leurs trois enfants mineurs. Le 7 juillet 2016, ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 décembre 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 5 décembre 2018. Leur demande de réexamen, présentée le 8 février 2019, ayant également été rejetée par l'Office et la Cour les 16 avril et 16 octobre 2019, le préfet du Bas-Rhin, par deux arrêtés du 3 janvier 2020, a refusé de leur délivrer l'attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière et leur a interdit le retour en France pendant un an. Les requérants ont saisi chacun le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 3 janvier 2020. Ils relèvent appel du jugement n° 2000341, 2000342 du 28 février 2020, qui rejettent leurs demandes.

Sur les conclusions à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 25 juin 2020. Par suite, leurs conclusions à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle ont perdu leur objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ".

5. S'il est vrai que les décisions en litige ne comportent pas la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de leur signataire, il est constant que ces informations, ainsi que la même signature manuscrite, figuraient, en revanche, sur le document concernant l'aide financière de retour, joint à chacune de ces décisions et notifié aux requérants en même temps qu'elles. Dans ces conditions, les éléments portés à la connaissance de M. et Mme E... étaient suffisants pour leur permettre d'identifier la signataire des mesures d'éloignement prises à leur encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

6. En deuxième lieu, M. et Mme E..., qui, au demeurant, n'ont présenté aucune demande de titre de séjour sur ce fondement, ne sauraient utilement invoquer une méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour contester la légalité des décisions en litige. Par suite, un tel moyen doit être écarté comme inopérant.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. et Mme E... font valoir qu'ils sont présents sur le territoire français depuis le 30 juin 2016, que leur quatrième enfant y est né le 11 mars 2017 et que les trois autres, nés respectivement les 27 janvier 2011, 4 février 2012 et 5 décembre 2013, y sont scolarisés. Toutefois, les requérants ne justifient d'aucune autre attache familiale ou personnelle en France et n'apportent aucun élément permettant d'apprécier leur intégration sociale ou professionnelle. Ils n'établissent pas être isolés dans leur pays d'origine, où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de vingt-neuf et vingt-sept ans. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés, qui font tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, seraient dans l'impossibilité de reconstituer leur cellule familiale en Russie, ni que leurs enfants ne pourraient y poursuivre une existence et une scolarité normales. Par suite, et alors que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut être accueilli.

9. En quatrième et dernier lieu, pour les raisons qui viennent d'être exposées, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions en litige sur la situation personnelle des requérants ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

10. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet du Bas-Rhin du 3 janvier 2020. Par suite, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme E... à fin d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et de Mme E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à M. F... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

N° 20NC00925 et 20NC00927 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00925-20NC00927
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-09-29;20nc00925.20nc00927 ?
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