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29/09/2020 | FRANCE | N°20NC00770

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 20NC00770


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... C... et Mme J... F... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les deux arrêtés du 6 novembre 2019 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de 30 jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 1903603, 1903604 du 21 février 2020, la présidente du tribunal administratif de Nancy a admis les requérants au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le

surplus des conclusions de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... C... et Mme J... F... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les deux arrêtés du 6 novembre 2019 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de 30 jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 1903603, 1903604 du 21 février 2020, la présidente du tribunal administratif de Nancy a admis les requérants au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2020, M. I... C... et Mme J... F... représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la présidente du tribunal administratif de Nancy du 21 février 2020 ;

2°) d'annuler les deux arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 6 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour ou à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'accorder à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au bénéfice de leur conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement du 21 février 2020 est entaché d'irrégularité, dès lors que le tribunal était tenu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun à toutes les décisions :

- les deux arrêtés attaqués sont entachés d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- ils sont insuffisamment motivés ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- elles ne sont pas motivées, en méconnaissance des dispositions de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le préfet a commis une erreur de droit dans l'application des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisqu'il ne démontre pas que leur demande d'asile a été définitivement rejetée ni l'applicabilité des articles L. 743-1 et L. 743-2 du même code ;

- le tribunal aurait dû examiner leurs droits au séjour au regard des dispositions des articles L. 313-13 et L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent leur droit fondamental au maintien sur le territoire pendant toute la durée de la procédure d'asile et leur droit fondamental au recours effectif en matière d'asile garanti par les articles 18, 19 paragraphe 2 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 46 de la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation car elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de leur vie privée et familiale ;

En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire :

- elles sont fondées sur les dispositions de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, en prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours automatique ne sont pas compatibles avec les dispositions de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE ;

- les décisions leur accordant un délai de départ volontaire de seulement trente jours ne sont pas motivées ;

- le préfet a mal apprécié leur situation en ne leur accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- ils n'ont pas été mis en mesure de présenter des observations préalables sur la durée de délai de départ volontaire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41-2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

- elles méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la directive n° 2013/32/UE ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C... et Mme F..., ressortissants arméniens nés respectivement le 8 juillet 1955 à Karzakh (ex-URSS) et le 5 septembre 1957 à Khavet (ex-URSS), sont entrés en France le 27 avril 2016. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ( OFPRA) par décisions du 9 octobre 2018, notifiées le 4 décembre 2018 et par décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 14 mai 2019, notifiées le 24 mai à Mme F... et le 25 mai 2019 à M. C.... Par les arrêtés attaqués, le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Les requérants relèvent appel du jugement n° 1903603, 1903604 du 21 février 2020 par lequel la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et de sursis à statuer :

2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants auraient déposé un dossier d'aide juridictionnelle dûment complété et ce, malgré la demande de régularisation du greffe du 23 mars 2020. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions susmentionnées.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 43-1 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " Sans préjudice de l'application des dispositions relatives à l'admission provisoire, la juridiction avisée du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est tenue de surseoir à statuer dans l'attente de la décision statuant sur cette demande. / Il en est de même lorsqu'elle est saisie d'une telle demande, qu'elle transmet sans délai au bureau d'aide juridictionnelle compétent. / Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables en cas d'irrecevabilité manifeste de l'action du demandeur à l'aide, insusceptible d'être couverte en cours d'instance. ". Aux termes de l'article 62 du même décret : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. (...). / L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ". Aux termes de l'article 64 du même décret : " S'il y a lieu, la décision d'admission accompagnée, le cas échéant, des pièces produites est transmise sans délai au bureau ou à la section du bureau compétent. ". Enfin, aux termes de l'article 65 du même décret : " La décision qui refuse l'aide juridictionnelle après une admission provisoire produit les effets d'une décision de retrait. ".

4. En prononçant, dans les circonstances de l'espèce, l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle de M. C... et de Mme F... et en rejetant, par voie de conséquence, les conclusions des intéressés tendant à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'à la décision du bureau d'aide juridictionnelle, la présidente du tribunal administratif de Nancy, contrairement aux allégations des requérants, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté contesté pris dans sa globalité :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les arrêtés contestés du 6 novembre 2019 ont été signés par M. B.... Par un arrêté du 2 octobre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. G... B..., directeur de la citoyenneté et de l'action locale, à l'effet de signer toutes les décisions relevant des articles L. 511-1 à L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, quand bien même le jugement évoque à tort la délégation de Mme D... au lieu et place de celle de M. B..., qui n'est pas le signataire des décisions litigieuses, cet élément est sans incidence sur la compétence de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté.

6. En deuxième lieu, les arrêtés attaqués énoncent les considérations de droit et de fait qui fondent les mesures prises à l'encontre des requérants, leur faisant obligation de quitter le territoire français, leur accordant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination. Ils visent notamment les textes applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappellent les conditions d'entrée en France des intéressés, les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rejetant leurs demandes d'asile, leur présence récente sur le territoire et la circonstance qu'ils n'ont pas établi être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile transposant les dispositions de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008: " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

8. En l'espèce, les décisions contestées, qui visent le 6° de l'article L.511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et décrivent les parcours individuels et administratifs de M. C... et de Mme F... ainsi que l'absence d'élément pouvant faire obstacle à la mesure d'éloignement prise à leur égard, comportent l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

9. Aux termes de l'article R. 723-19 du même code : " (...) III.- La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

10. Les décisions prises par la Cour nationale du droit d'asile, qui statue en dernier ressort, revêtent un caractère définitif dès leur prononcé, quand bien même elles sont susceptibles de faire l'objet d'un pourvoi en cassation. Il ressort des données issues de l'application informatique Telemofpra, mentionnée au III de l'article R. 723-19 du code précité et produites par le préfet en première instance que les décisions de la Cour nationale du droit d'asile ont été notifiées aux requérants le 24 mai pour Mme F... et le 25 mai 2019 pour M. C.... Par suite et comme l'a relevé la présidente du tribunal administratif, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il n'était pas établi que leurs demandes d'asile n'avaient pas été définitivement rejetées.

11. En troisième lieu, si les requérants entendent se prévaloir de ce que la présidente du tribunal aurait dû examiner leurs droits au séjour au regard des articles L.313-13 et L.314-11-8 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

12. D'une part, aux termes de l'article 46 de la directive n° 2013/32/UE : " 5. Sans préjudice du paragraphe 6, les Etats membres autorisent les demandeurs à rester sur le territoire jusqu'à l'expiration du délai prévu pour l'exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours. / 6. En cas de décision : a) considérant une demande comme manifestement infondée conformément à l'article 32, paragraphe 2, ou infondée après examen conformément à l'article 31, paragraphe 8, à l'exception des cas où les décisions sont fondées sur les circonstances visées à l'article 31, paragraphe 8, point h) ; (...) une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l'Etat membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l'Etat membre et lorsque dans ces cas, le droit de rester dans l'Etat membre dans l'attente de l'issue du recours n'est pas prévu par le droit national. ". Le droit à un recours effectif prévu par l'article 46 de la directive n° 2013/32/UE n'implique pas nécessairement que le demandeur ait le droit de se maintenir sur le territoire de l'État membre dans l'attente de l'issue du recours juridictionnel formé contre la décision rejetant sa demande de protection internationale mais implique seulement, lorsque cette décision a pour conséquence de mettre un terme à son droit au séjour dans l'État membre, qu'une juridiction décide s'il peut se maintenir sur le territoire de cet État. Par suite, les dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui autorisent l'étranger, dont le droit au maintien sur le territoire français a pris fin suite à une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée dans le cas où le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr, à demander au tribunal administratif de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet jusqu'à l'intervention de la décision de la cour nationale du droit d'asile sur son recours, sont compatibles avec les dispositions précitées de la directive n° 2013/32/UE.

13. D'autre part, aux termes de l'article 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne " ". Aux termes de l'article 19 paragraphe 2 de la même charte : " Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes de l'article 47 de cette même charte : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. / Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter ".

14. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 743-2 7° et L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger dont la demande d'asile a fait l'objet d'une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans les cas prévus au I de l'article L. 723-2 de ce code ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français et peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement Il s'ensuit qu'en application de ces dispositions, l'exercice d'un recours à l'encontre de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile ne présente pas de caractère suspensif et n'induit aucun droit au maintien sur le territoire français pour l'intéressé. Toutefois, en vertu de l'article L. 512-3 du même code, l'obligation de quitter le territoire français éventuellement prise à l'encontre de l'intéressé ne peut être exécutée d'office avant l'expiration du délai prévu pour exercer un recours contentieux à son encontre et 1'exercice de ce recours contentieux suspend son caractère exécutoire jusqu'à la fin de l'instance. Par ailleurs, l'intéressé peut utilement faire valoir l'ensemble de ses arguments dans le cadre d'une procédure écrite devant la Cour nationale du droit d'asile et se faire représenter à l'audience. Enfin, l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet au magistrat désigné par le président du tribunal administratif, à la demande de l'étranger, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile si l'étranger présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français portent atteinte à leur droit fondamental au maintien sur le territoire pendant toute la durée de la procédure d'asile et à leur droit fondamental au recours effectif en matière d'asile garanti par les articles 18, 19 paragraphe 2 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 46 de la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

15. En quatrième lieu, les requérants ne sauraient utilement invoquer, pour contester la légalité d'une mesure d'éloignement, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concernent les conditions de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté comme inopérant.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

17. Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont entrés en France à l'âge de 61 et 59 ans et ne comptabilisent donc que trois ans de présence sur le territoire français. Sans enfant, ils n'établissent pas avoir créé en France des liens intenses et stables et ne justifient pas de leur insertion sociale et économique dans la société française hormis des cours d'apprentissage de la langue française au sein de l'association du secours catholique. S'agissant de l'état de santé de madame, ils se bornent uniquement à produire copie d'une ordonnance d'un médecin généraliste du 26 janvier 2017 et n'apportent aucun élément sur l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France des intéressés, l'arrêté n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. La décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle des requérants.

En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de 30 jours :

19. Aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4 (...) 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants et d'autres liens familiaux et sociaux (...) ". Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas.. (...) ".

20. En premier lieu, en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel est identique à celui prévu à l'article 7 de la directive, le législateur n'a pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive. Dans ces conditions, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008. Dès lors, le moyen doit être écarté.

21. En deuxième lieu, les dispositions citées ci-dessus n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsque, comme en l'espèce, elle prend une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai. Lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, l'autorité administrative n'a donc pas à motiver spécifiquement cette décision, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie avoir informé l'autorité administrative d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens des dispositions précitées, une telle prolongation. Ainsi, et en l'absence de demande ou d'éléments présentés par M. C... et Mme F... relatifs à la prolongation du délai de trente jours, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient insuffisamment motivées doit être écarté.

22. Par ailleurs il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas examiné la possibilité d'octroyer aux requérants un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ou de prolonger le délai de départ initialement accordé.

23. En troisième lieu, il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français en assortissant cette obligation d'un délai de départ volontaire. Dès lors, les dispositions de l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peuvent être utilement invoquées par la requérante à l'encontre de la décision en litige.

24. Si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

25. La décision par laquelle le préfet accorde à l'étranger un délai de trente jours pour exécuter spontanément l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite ne saurait, eu égard à son objet et ses effets, être regardée comme ayant le caractère d'une décision défavorable que dans l'hypothèse où l'étranger avait saisi le préfet d'une demande tendant à ce que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ou fait état de circonstances tenant à sa situation personnelle de nature à justifier que lui soit accordé un tel délai, à titre exceptionnel. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants auraient fait valoir des éléments pertinents afin de justifier qu'il leur fût accordé un délai de départ volontaire. Dès lors, M. C... et Mme F... ne peuvent utilement soutenir que la décision contestée a méconnu leur droit d'être entendu préalablement à l'édiction d'une décision les affectant défavorablement, au sens du principe général du droit de l'Union européenne

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

26. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

27. M. C... et Mme F..., dont les demandes d'asile ont été rejetées tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, ne produisent aucun élément probant de nature à établir qu'ils encourraient des risques les visant personnellement en cas de retour dans leur pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées auraient été prises en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... C..., à Mme J... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 20NC00770


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00770
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-09-29;20nc00770 ?
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