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22/09/2020 | FRANCE | N°19NC02382

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 19NC02382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée.

Par un jugement n° 1900010 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enr

egistrés le 24 juillet 2019 et le 13 septembre 2019, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée.

Par un jugement n° 1900010 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet 2019 et le 13 septembre 2019, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 2 avril 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 septembre 2018 du préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer, à titre principal, un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant notification de la décision à intervenir et, dans l'attente de la remise effective de ce titre, de lui délivrer un récépissé avec droit au travail, dans un délai de huit jours suivant notification de la décision ;

4°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision à intervenir et, à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que la condition relative à la communauté de vie n'est exigée que pour la délivrance d'une carte de résident ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les violences de son époux sont établies ;

- le préfet ne s'est pas fondé sur la fraude pour prendre la décision attaquée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 août 2019 et le 25 septembre 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., épouse E..., ressortissante algérienne, née le 9 novembre 1984, a épousé le 13 décembre 2016 en Algérie, pays dont elle possède la nationalité, un ressortissant français. Elle est entrée en France le 13 septembre 2017. Le 29 septembre 2017, elle a sollicité la délivrance du certificat de résidence prévu par les stipulations du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 20 septembre 2018, le préfet du Doubs a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme E... fait appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...). / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ". Ces stipulations ne font pas obstacle à ce que le préfet, s'il est établi de façon certaine que le mariage d'un ressortissant étranger avec un conjoint de nationalité française a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour, fasse échec à cette fraude.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... est entrée régulièrement en France le 13 septembre 2017. Elle a quitté le domicile conjugal le 22 septembre 2017 puis est retournée en Algérie le 1er novembre 2017. Elle est revenue en France le 12 décembre 2017 et a repris la vie commune avec son conjoint. Elle a, à nouveau, quitté le domicile conjugal dès le 16 décembre 2017 et a déposé le lendemain une plainte à l'encontre de son mari en faisant état de violences de la part de celui-ci, ayant entraîné une incapacité temporaire totale de trois jours. Cette plainte a été classée sans suite. Une procédure de divorce a été introduite. Une enquête conduite par les services de la police nationale a révélé notamment la courte durée de la communauté de vie entre les époux et précisé les conditions dans lesquelles leur mariage a été contracté. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir que Mme E... se serait mariée dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour. Dès lors, c'est à tort que, pour lui refuser la délivrance du certificat de résidence prévue par le 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet s'est fondé sur le motif tiré du caractère frauduleux de ce mariage.

4. Par ailleurs, si, à la date du refus de séjour, les époux E... ne menaient pas de vie commune, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées n'est pas subordonnée à l'existence d'une communauté de vie entre les époux.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé et, par voie de conséquence, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme E... d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " valable un an. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, de délivrer ce titre à Mme E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

7. Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocate peut, par suite, se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocate de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1900010 du tribunal administratif de Besançon du 2 avril 2019 et l'arrêté du préfet du Doubs du 20 septembre 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme E... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " valable un an dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., épouse E..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N°19NC02382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02382
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-09-22;19nc02382 ?
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