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23/07/2020 | FRANCE | N°19NC03257

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 23 juillet 2020, 19NC03257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, re

nouvelable une fois.

Par un jugement n° 1907293 du 11 octobre 2019, la magistrate...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.

Par un jugement n° 1907293 du 11 octobre 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2019, M. A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 1907293 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 11 octobre 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 26 septembre 2019 ou, à défaut, de le suspendre.

Il soutient que :

- l'arrêté du 26 septembre 2019 méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté en litige méconnaît également les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par courriers du 25 mai 2020, la Cour a informé les parties, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. C... tendant à la suspension de l'arrêté préfectoral du 26 septembre 2019, qui sont nouvelles en appel.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit ;

1. M. A... C... est un ressortissant de la République du Kosovo, né le 23 janvier 1989. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 17 septembre 2018, accompagné de sa compagne et de leurs sept enfants. Le 5 octobre 2018, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 28 mars 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 12 juin 2019. Sollicité par l'intéressé le 19 juillet 2019, le réexamen de cette demande d'asile a également donné lieu, le 31 juillet 2019, à une décision d'irrecevabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Le 26 septembre 2019, le requérant a fait l'objet d'un contrôle d'identité par les services de la police aux frontières de Forbach. M. C... n'ayant pas été en mesure de présenter un document d'identité ou de voyage l'autorisant à circuler ou à séjourner en France, le préfet de la Moselle, par un arrêté du même jour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an et l'assigné à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. Le requérant a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2019. Il relève appel du jugement n° 1907293 du 11 octobre 2019, qui rejette sa demande.

Sur les conclusions à fin d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enregistrement de sa requête le 8 novembre 2019, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020. Par suite, ses conclusions à fin d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ont perdu leur objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la recevabilité des conclusions à fin de suspension présentées par M. C... :

3. A supposer que M. C... ait entendu se prévaloir des dispositions du second alinéa de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant que ses conclusions à fin de suspension, présentées pour la première fois en appel, doivent être regardées comme des conclusions nouvelles et qu'elles doivent, par suite, être rejetées pour irrecevabilité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C..., qui ne produit aucun élément sur les pathologies dont il souffre, remplit les conditions pour bénéficier des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait utilement se prévaloir, pour contester au regard de ces dispositions la légalité de la mesure d'éloignement le concernant, de l'état de santé de sa compagne et de trois de ses sept enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme e des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier et, plus particulièrement, des éléments médicaux versés par le requérant que l'état de santé de sa compagne et de trois de ses enfants ferait obstacle à leur voyage à destination du Kosovo, ni que les intéressés seraient dans l'impossibilité de bénéficier effectivement dans leur pays d'origine d'un traitement approprié à leurs pathologies. De même, le préfet de la Moselle fait valoir, sans être sérieusement contredit, que, du fait de l'incomplétude du dossier, aucune demande d'admission au séjour pour motif médical n'avait été enregistrée à la date d'édiction de l'arrêté en litige. La circonstance qu'une telle demande, présentée par la compagne de M. C... le 11 octobre 2019, est actuellement en cours d'instruction est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité des décisions contestées. Par ailleurs, M. C..., qui n'est présent sur le territoire français que depuis le 17 septembre 2018, ne justifie pas de son intégration dans la société française et n'établit pas davantage, ni même n'allègue être isolé dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté en litige n'ayant ni pour objet, ni pour effet de séparer le requérant des autres membres de sa famille, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

9. M. C..., qui s'est borné à indiquer, lors de son audition par les services de police le 26 septembre 2019, qu'il a fui le Kosovo pour avoir été frappé et jeté dans une poubelle sans qu'il en connaisse la raison, n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il risquerait d'être exposé à des traitements prohibés par les stipulations en cause en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite et alors que ses demandes d'asile et de réexamen ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 septembre 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. C... à fin d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de sa requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

N°19NC03257 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03257
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : DELVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;19nc03257 ?
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