Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 13 mars 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1900903 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation particulière ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le formulaire CERFA qu'il présentait ne constituait pas une simple promesse d'embauche mais un contrat de travail ;
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il a inexactement apprécié sa situation ;
- il a écarté à tort comme surabondant le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet qui lui a opposé l'absence d'emploi figurant sur la liste des métiers en tension ;
- le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a inexactement appliqué les dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de fait, dès lors qu'il ne se borne pas à produire une simple promesse d'embauche mais un contrat de travail ;
- sa demande aurait dû être transmise à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la production d'un visa de long séjour et d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes n'est pas exigée lorsqu'une demande d'admission exceptionnelle au séjour est présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en lui opposant la circonstance que l'emploi envisagé n'était pas au nombre des métiers sous tension, alors qu'une telle condition n'est pas exigée par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce motif, qui ne présente pas un caractère surabondant, entache d'illégalité le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'interdiction de retour n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La procédure a été communiquée au préfet de l'Aube qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations (ensemble deux annexes) et du protocole en matière de développement solidaire (ensemble trois annexes) entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., présidente,
- et les observations de Me G..., substituant Me A..., pour M. D....
Une note en délibéré, présentée pour M. D..., a été enregistrée le 1er juillet 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant tunisien né le 13 octobre 1984, est entré en France le 14 janvier 2011 sous couvert d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 13 mars 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 9 juillet 2019, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En première instance, M. D... soulevait le moyen tiré de ce que le préfet de l'Aube aurait dû l'inviter à compléter sa demande en application de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. Cependant, le préfet de l'Aube n'a pas rejeté la demande d'admission au séjour de M. D... au titre d'une activité salariée au motif qu'elle aurait été incomplète. Il s'est en effet borné à constater que M. D... ne satisfaisait pas aux stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Par suite, en ne répondant pas à ce moyen qui ne pouvait être utilement invoqué pour contester la légalité de la décision portant refus de titre de séjour, le jugement attaqué, qui vise et analyse ce moyen, n'est pas entaché d'omission à statuer.
4. Par ailleurs, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui n'était pas tenu de répondre aux arguments de M. D..., écarte le moyen tiré de ce qu'il doit être regardé comme ayant présenté un contrat de travail visé par les autorités compétentes par le point 7 de son jugement. Par suite, contrairement à ce que soutient M. D..., le jugement attaqué n'est pas entaché d'insuffisance de motivation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 13 mars 2019, qui rappelle les conditions de l'entrée et du séjour en France de M. D... ainsi que sa situation professionnelle, privée et familiale, que le préfet de l'Aube a procédé à un examen suffisant de la demande de M. D..., alors même qu'il l'a instruite par voie postale et qu'il aurait procédé à une appréciation erronée de la demande d'autorisation de travail présentée par le requérant à l'appui de sa demande de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation individuelle de M. D... doit être écarté.
6. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Selon les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
7. M. D... est entré en France en janvier 2011, à l'âge de 26 ans. Il est célibataire et n'a pas d'enfant à charge. Il ne conteste pas avoir des attaches familiales en Tunisie où résident notamment ses parents. S'il invoque l'atteinte disproportionnée à sa vie privée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait tissé des liens professionnels ou amicaux anciens, stables et d'une intensité particulière en France, alors au surplus qu'il n'établit sa présence en France que depuis l'année 2012. En se bornant à relever qu'il a exercé une activité professionnelle de dix-huit mois sur la période du 2 novembre 2013 au 30 novembre 2015 et qu'il justifie d'une promesse d'embauche et d'une demande d'autorisation de travail pour un ressortissant étranger, il n'établit pas que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette mesure a été édictée. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
9. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe notamment les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien. Toutefois, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
10. D'une part, M. D..., ressortissant tunisien, qui ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au soutien de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre d'une activité salariée, ne saurait, en conséquence, soutenir que le préfet de l'Aube n'a pas examiné sa demande d'admission exceptionnelle dans l'ordre des critères d'instruction prévus par ces dispositions consistant à examiner d'abord si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" et ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable.
11. D'autre part, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour opposé à M. D... méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être utilement invoqué en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en application de ces dispositions, le préfet ne pouvait exiger la production d'un visa de long séjour et d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes ne peut qu'être écarté.
12. En outre, il ressort des mentions de l'arrêté contesté, que le préfet de l'Aube a apprécié l'opportunité d'une mesure de régularisation au vu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. D.... En relevant notamment qu'il ne justifiait de sa présence en France que depuis l'année 2012, qu'il disposait d'attaches familiales en Tunisie, qu'il s'était maintenu en situation irrégulière en France depuis le 13 septembre 2011, date à laquelle il avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et qu'une promesse d'embauche ne constituait pas un motif exceptionnel d'admission au séjour, le préfet de l'Aube, qui a fait usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, n'a pas entaché sa décision de refus de titre de séjour d'erreur manifeste d'appréciation.
13. En quatrième lieu, l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié ".
14. D'une part, à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, M. D... produit une promesse d'embauche de M. C..., gérant de l'enseigne " Vival " à Troyes, qui s'engageait à l'employer en qualité de vendeur à compter du 1er décembre 2018 ainsi qu'une demande du 10 octobre 2018 d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un ressortissant étranger résidant en France. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que cette demande d'autorisation de travail a été visée par les autorités compétentes et qu'ainsi M. D... devrait être regardé comme étant titulaire d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes au sens et pour l'application de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Par suite, en estimant que M. D... se bornait à présenter une promesse d'embauche et non un contrat de travail visé par les autorités compétentes, le préfet de l'Aube n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait.
15. D'autre part, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations.
Le délai mentionné à l'article L. 114-3 au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la réception des pièces et informations requises (...) ".
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aube a rejeté la demande d'admission au séjour de M. D... au titre d'une activité salariée au motif qu'elle aurait été incomplète. Il s'est en effet borné à constater que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'étaient pas satisfaites. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, qui est inopérant pour contester la légalité de l'arrêté litigieux, doit être écarté.
17. En outre, il ne résulte pas des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 que le préfet de l'Aube était tenu de saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la demande de M. D..., dès qu'il appartenait à ce dernier de présenter un contrat de travail visé par les autorités compétentes à l'appui de sa demande.
18. Par ailleurs, ainsi qu'il est dit au point 12, le préfet de l'Aube, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée, a fait usage de son pouvoir d'appréciation en examinant si M. D... était à même de se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié à titre exceptionnel.
19. Il résulte de ce qui précède que M. D... ne remplit pas les conditions lui permettant d'exercer une activité professionnelle en application des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988.
20. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) ".
21. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le préfet de l'Aube a examiné l'adéquation entre la qualification et l'expérience de M. D... et les caractéristiques de l'emploi auquel il postulait. Il a en effet relevé que M. D... justifiait d'une expérience de dix-huit mois en qualité de vendeur en France, dont onze à temps partiel et qu'il n'avait pas travaillé depuis le mois de novembre 2015, soit depuis trois ans. Il mentionne également que le métier de vendeur ne fait pas partie de la liste des métiers sous tension.
22. D'autre part, ainsi qu'il est dit au point 10 du présent arrêt, M. D..., ressortissant tunisien, ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au soutien de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre d'une activité salariée. Par suite, il ne saurait utilement soulever le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait pas lui opposer la situation de l'emploi pour refuser sa demande de titre de séjour en application de ces dispositions.
23. En outre, M. D... ne conteste pas que la situation de l'emploi pouvait lui être opposée pour l'application de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. En tout état de cause, il résulte des stipulations de l'article 2.3.3 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations du 28 avril 2008 que : " Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. Cette liste peut être modifiée par échange de lettres entre les deux Parties. ". Or, le métier de vendeur ne figure pas à l'annexe I de ce protocole et relève, par suite, des métiers auxquels la situation de l'emploi peut être opposée.
24. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 5221-20 du code du travail et de l'erreur de droit du préfet de l'Aube à avoir opposé la situation de l'emploi à la demande de M. D... doivent être écartés.
25. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. D... doit être écarté pour les motifs exposés aux points 7 et 12 du présent arrêt.
26. Les conclusions de M. D... tendant à l'annulation du refus de lui délivrer un titre de séjour doivent, en conséquence, être rejetées.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
27. En premier lieu, ainsi qu'il est dit au point précédent, le refus de délivrer un titre de séjour à M. D... n'est pas entaché d'illégalité. Le moyen, soulevé par voie d'exception, tiré de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit, par suite, être écarté.
28. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les motifs exposés aux points 7 et 12 du présent arrêt.
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
29. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...) ".
30. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
31. En premier lieu, pour édicter une interdiction de retour d'une durée de deux ans à l'encontre de M. D... tout en lui accordant un délai de départ volontaire, le préfet de l'Aube a relevé que M. D... n'avait jamais été en situation régulière depuis son entrée en France en 2011, qu'une obligation de quitter le territoire français sans délai avait été prise à son encontre le 13 septembre 2011 sans qu'il n'exécute cette mesure d'éloignement, qu'il était célibataire et sans enfant à charge et que l'interdiction de retour ne méconnaissait pas les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée au regard des critères prévus aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
32. En second lieu, ainsi qu'il est dit aux points 7 et 12 du présent arrêt, M. D..., célibataire et qui n'a pas d'enfant à charge, ne justifie d'aucune insertion particulière en France. Il s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français depuis 2011 et n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français sans délai du 13 septembre 2011. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard notamment de sa présence en France depuis 2011, de son insertion et du caractère ancien de l'obligation de quitter le territoire français du 13 septembre 2011 doit être écarté.
33. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.
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N° 19NC02560