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23/07/2020 | FRANCE | N°19NC02245

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 19NC02245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 30 avril 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert auprès des autorités italiennes et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui remettre un formulaire de demande d'asile, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir en lui délivrant dans l'

intervalle une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 190387...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 30 avril 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a décidé son transfert auprès des autorités italiennes et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui remettre un formulaire de demande d'asile, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir en lui délivrant dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1903877 du 3 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 19NC02245 le 15 juillet 2019, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juin 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du préfet du Bas-Rhin du 30 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui remettre un formulaire de demande d'asile ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, en lui délivrant dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a été méconnu, en l'absence d'information concernant l'identité du responsable du traitement de ses empreintes ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, car le visa de l'article 18-1 du règlement 604/2013 ne permet pas de déterminer sur quel fondement la demande de reprise en charge a été faite ;

- le préfet ne justifie pas que les autorités italiennes ont bien été saisies par les autorités françaises dans les délais imposés par le règlement 604/2013 Dublin III ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu des défaillances systémiques du système italien d'accueil des demandeurs d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 27 juin 2019.

Par un courrier en date du 3 mars 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fins d'annulation de la décision de transfert attaquée, dès lors que la France devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale à l'expiration du délai de six mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013.

Un mémoire en réponse au moyen relevé d'office a été enregistré le 9 mars 2020 pour M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant nigérian né le 27 mars 1996, est entré sur le territoire français le 27 mars 2019, pour y solliciter le statut de réfugié. La consultation du fichier Eurodac ayant permis de constater que les empreintes de l'intéressé avaient été relevées en Italie le 28 octobre 2016, la préfecture du Bas-Rhin a saisi, le 10 avril 2019, les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge ce qu'elles ont accepté le 23 avril suivant. Par une décision du 3 juin 2019, le préfet du Bas-Rhin a décidé de remettre l'intéressé aux autorités italiennes. M. A... fait appel du jugement du 3 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la décision de transfert :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 30 avril 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a ordonné la remise de M. A... aux autorités italiennes est intervenu moins de six mois après la décision en date du 23 avril 2019 par laquelle l'Italie a donné son accord pour sa réadmission. Ce délai a été interrompu par la demande d'annulation introduite par l'intéressé contre cet arrêté devant le tribunal administratif de Strasbourg le 21 mai 2019. Un nouveau délai de six mois a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juin 2019 rejetant la demande d'annulation de la décision contestée. Le préfet du Bas-Rhin ne faisant état d'aucune prolongation de ce délai, il doit être regardé comme expiré depuis le 3 décembre 2019. Dans ces conditions, en application des dispositions précitées de l'article 29.2 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'Italie a été libérée de son obligation de reprise en charge de M. A... et de l'examen de sa demande d'asile à compter de cette même date. Il suit de là que les conclusions du requérant tendant à l'annulation du jugement du 3 juin 2019 rejetant sa demande d'annulation de la décision du 30 avril 2019 décidant sa remise aux autorités italiennes, ainsi que ses conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté et ses conclusions aux fins d'injonction sont devenues sans objet.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A... et tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... A... dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juin 2019, et contre l'arrêté du 30 avril 2019, ainsi que sur ses conclusions aux fins d'injonction.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02245
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;19nc02245 ?
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