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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC03438

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 23 juillet 2020, 18NC03438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 28 novembre 2017 par lesquels le préfet de la Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802174, 1802185 du 26 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaire

s, enregistrés les 20 décembre 2018 et 20 juin 2019, M. B... A... et Mme D... A..., représentés p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 28 novembre 2017 par lesquels le préfet de la Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802174, 1802185 du 26 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrés les 20 décembre 2018 et 20 juin 2019, M. B... A... et Mme D... A..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 28 novembre 2017 par lesquels le préfet de la Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 28 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail et, à titre subsidiaire, d'ordonner le réexamen de leur situation et de leur délivrer dans l'attente de l'instruction une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés sont insuffisamment motivés et sont dépourvus d'examen particulier de leur situation ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les arrêtés méconnaissent le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 22 novembre 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., nés respectivement en 1977 et en 1990 et de nationalité albanaise, seraient entrés irrégulièrement en France le 20 octobre 2016 selon leurs déclarations. Ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 janvier 2017 confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 19 mai 2017. Le 30 janvier 2017, M. et Mme A... ont déposé une demande de titre de séjour en se prévalant de l'état de santé de leur fils E.... Par arrêtés du 28 novembre 2017, le préfet de la Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 26 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 28 novembre 2017.

2. En premier lieu, les arrêtés litigieux visent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application, en particulier celles du 11° de l'article L. 313-11 et 3° du I de l'article L. 511-1 de ce code. Ils mentionnent que les époux A... ne justifient pas être entrés régulièrement sur le territoire français et que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leurs demandes d'asile, rejets confirmés par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 19 mai 2017. Enfin, le préfet de la Moselle rappelle les éléments d'instruction de leurs demandes de titre de séjour en raison de l'état de santé de leur fils. Ces éléments de droit et de fait suffisent, à eux seuls, pour fonder le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français qui leur ont été opposés. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit ainsi être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré du défaut d'examen particulier, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le préfet n'aurait pas rappelé l'ensemble des circonstances caractérisant la situation personnelle des requérants.

3. En deuxième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. (...) ".

4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. et Mme A... un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison des soins nécessités par l'état de santé de leur fils E..., le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 novembre 2017. Selon cet avis, l'état de santé de leur enfant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins en Albanie, leur fils peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces produites par les requérants et notamment le certificat médical du service d'hématologie biologique du centre hospitalier universitaire de Nancy du 5 février 2008, que leur fils, né en 2009, souffre d'une maladie hémorragique constitutionnelle d'origine génétique, diagnostiquée à l'âge de huit mois. Le médecin indique qu'en cas d'évènement hémorragique ou d'intervention chirurgicale, des injections de concentré de FVIII sont nécessaires pour arrêter le saignement ou pour prévenir des complications hémorragiques. Pour justifier de l'absence de traitement approprié en Albanie, les requérants produisent une attestation de l'association albanaise de l'hémophilie du 8 février 2018 précisant que le traitement anti-hémophilique de leur fils n'a pas été réalisé de façon régulière. Ils se prévalent également d'un certificat médical de leur médecin traitant du 19 juin 2017 qui indique qu'en cas de saignement important, le facteur VIII doit être administré à leur fils et " serait peu disponible en Albanie " selon le praticien. Ces attestations peu circonstanciées quant à l'indisponibilité du traitement ne permettent pas d'attester le défaut de soins appropriés pour le fils de M. et Mme A... en cas de retour en Albanie. En outre, les intéressés produisent pour la première fois en appel une attestation du 20 mars 2019 du service pédiatrique d'onco-hématologie du centre hospitalier universitaire de Tirana en Albanie qui précise que le fils de M. et Mme A... a été diagnostiqué par le service en juin 2010 à l'âge de six mois et que " l'enfant a été traité avec le facteur VIII qui n'est pas disponible pour le traitement de l'enfant ". Ces documents ne permettent pas d'établir l'absence de traitement disponible en Albanie en cas d'évènement hémorragique dès lors que le diagnostic de la maladie a pu être posé par le centre hospitalier universitaire de Tirana et que le fils des requérants a pu être traité comme cela ressort de l'attestation du 20 mars 2019, démontrant ainsi la capacité de prise en charge en Albanie. Si ce certificat indique que le facteur VIII n'est pas disponible pour le traitement de l'enfant, il n'en demeure pas moins qu'il est précisé que le fils des requérants a pu être soigné par injection du facteur VIII. Dans ces conditions, M. et Mme A... n'apportent pas d'élément suffisamment probant permettant de remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 novembre 2017. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En vertu de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les refus de séjour en litige seraient intervenus en méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant au sens des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention de New-York dès lors que ces décisions n'ont ni pour objet, ni pour effet de priver leur fils de la présence de ses parents. Quant à la méconnaissance de ces stipulations en raison de l'état de santé du fils des requérants et de la possibilité que l'enfant à naître du couple risque d'être atteint de la même maladie, le moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5.

8. D'autre part, les requérants se prévalent de leur intégration en France, de la présence en France de la soeur de Mme A..., de leur départ d'Albanie depuis 2009 et de l'état de santé de leur fils. Il ressort cependant des pièces du dossier que les requérants ne sont en France que depuis un an à la date des décisions attaquées. En se bornant à produire des attestations de tiers et à se prévaloir de leur participation à des cours de français, les requérants ne justifient pas d'une intégration particulière en France. Il est constant que la soeur de la requérante n'est pas en situation régulière à la date des décisions attaquées. M. et Mme A... n'établissent pas au demeurant les liens qu'ils entretiendraient avec elle. Si l'état de santé de leur fils nécessite un traitement médical, il n'est pas établi, comme il a été dit au point 5, qu'il ne puisse pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En outre, les requérants produisent une attestation non datée de l'assurance sociale d'Albanie qui vise une décision du 6 août 2016 octroyant un revenu d'invalidité à leur fils du 1er septembre 2016 au 1er septembre 2019. Les intéressés n'ont ainsi pas rompu tout lien avec leur pays d'origine.

9. Dans ces conditions, en leur opposant les arrêtés contestés, le préfet de la Moselle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le refus de séjour n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle des intéressés.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 18NC03438


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03438
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc03438 ?
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