Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2017 par lequel le préfet de la Marne a déclaré cessibles les parcelles lui appartenant cadastrées section IO n° 7 et n° 8 sur le territoire de la commune de Reims.
Par un jugement no 1702444 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2018, 29 mai et le 28 juin 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 18 octobre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine du Grand Reims la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de description, dans la notice explicative incorporée au dossier d'enquête publique, de l'insertion du projet dans son environnement ;
- ils ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de procès-verbal d'arpentage ;
- l'arrêté a été incomplètement notifié ;
- compte tenu des modalités de notification, il était impossible aux destinataires de connaître avec exactitude la consistance des biens concernés par l'arrêté de cessibilité ;
- l'arrêté de cessibilité ne comporte pas les mentions requises par l'article 5 du décret du 4 janvier 1955 en ce qui concerne le domicile, la date et le lieu de naissance des indivisaires, ainsi que leur profession ;
- il n'a pas été précédé d'un procès-verbal d'arpentage alors que seule une partie de la parcelle cadastrée secteur IO n° 7 fait l'objet de l'expropriation ;
- la déclaration d'utilité publique est illégale en tant que la notice explicative jointe au dossier d'enquête publique n'indiquait ni les différents partis d'aménagements envisagés, ni l'examen de l'impact environnemental, ni les modalités d'occupation des parcelles concernées ;
- elle est également illégale en tant que l'opération ne présente pas de caractère d'utilité publique compte tenu de l'existence de solutions ne nécessitant pas de recourir à l'expropriation ;
- l'illégalité de la déclaration d'utilité publique entache d'illégalité l'arrêté de cessibilité, par la voie de l'exception ;
- l'arrêté de cessibilité est illégal en tant qu'il a été édicté postérieurement à la caducité de la déclaration d'utilité publique, l'arrêté du 9 février 2017 n'ayant pu proroger celui du 6 février 2012, sauf pour le premier à revêtir un caractère rétroactif et, partant, illégal ;
- la communauté urbaine du Grand Reims ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui permettent de porter à dix années la durée d'une déclaration d'utilité publique pour les projets inscrits aux documents d'urbanisme ;
- le ministre de la transition écologique et solidaire ne peut utilement soutenir que l'arrêté du 9 février 2017 doit être regardé comme une nouvelle déclaration d'utilité publique, dès lors qu'il n'établit pas que les circonstances de fait n'auraient pas évolué depuis 2012, notamment en ce qui concerne le coût financier du projet.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 janvier 2019 et le 15 juillet 2019, la communauté urbaine du Grand Reims, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'absence d'indication des variantes dans le dossier d'enquête publique est inopérant ;
- la déclaration d'utilité publique n'était pas caduque à la date d'édiction de l'arrêté en litige, dès lors, d'une part, que le délai de caducité court à compter de la publication de la déclaration d'utilité publique et, d'autre part, que la durée maximale de la caducité de l'opération était fixée à dix années s'agissant d'une opération ayant fait l'objet d'un emplacement réservé au plan d'occupation des sols de la ville de Reims ;
- le moyen selon lequel l'arrêté du 9 février 2017 ne peut être regardé comme une nouvelle déclaration d'utilité publique compte tenu du changement des circonstances de fait est dépourvu de précisions permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 31 mai 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet aux écritures produites en première instance par le préfet de la Marne et soutient en outre que :
- l'arrêté du 9 février 2017 doit être regardé comme une nouvelle déclaration d'utilité publique ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les consorts B... et Paradis sont propriétaires indivis de plusieurs parcelles situées avenue de Paris à Reims et cadastrées section IO n° 7 et 8. La commune de Reims, aux droits de laquelle est venue la communauté urbaine du Grand Reims, ayant souhaité prolonger la rue de la Concorde dans sa partie sud, le préfet de la Marne a, par un arrêté du 6 février 2012, déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition des parcelles en cause. Par un arrêté du 18 octobre 2017, le préfet a ensuite déclaré cessibles ces parcelles, au profit de la communauté urbaine du Grand Reims. Par un jugement du 7 juin 2018, dont il relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la requête de M. B... aux fins d'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2017
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Aux termes de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur : " Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet, par arrêté, déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire. Ces propriétés sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 5 de ce décret ou de l'alinéa 1er de l'article 6 du même décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret d'application n° 55-1350 du 14 octobre 1955. Toutefois, il peut n'être établi qu'un seul document d'arpentage pour l'ensemble des parcelles contiguës comprises dans une même feuille de plan cadastral ; il n'est plus alors exigé de document d'arpentage soit à l'occasion de cessions amiables postérieures à l'arrêté de cessibilité ou à tous actes en tenant lieu, soit à l'occasion de l'ordonnance d'expropriation ". En outre, aux termes de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). Le lieu-dit est remplacé par l'indication de la rue et du numéro pour les immeubles situés dans les parties agglomérées des communes urbaines. / Lorsqu'il réalise ou constate une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte ou la décision doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division, sauf en cas de lotissement effectué dans le cadre de la législation sur les lotissements ou s'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre n'est pas rénové. La constitution sur une fraction de parcelle d'un droit d'usufruit, d'un droit de superficie ou d'un bail emphytéotique est considérée comme un changement de limite de propriété. / Lorsque, sans réaliser ou constater une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, il ne concerne qu'une ou plusieurs fractions d'un immeuble, l'acte ou la décision judiciaire doit comporter à la fois la désignation desdites fractions et celle de l'ensemble de l'immeuble. La désignation de la fraction est faite conformément à un état descriptif de division, ou, éventuellement, à un état modificatif, établi dans les conditions fixées par décret, et préalablement publié ; elle doit mentionner le numéro du lot dans lequel la fraction est comprise, et, sous réserve des exceptions prévues audit décret, la quote-part dans la propriété du sol afférente à ce lot. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables lorsque l'acte ou la décision concerne soit une servitude, soit un droit d'usage ou d'habitation, soit un bail de plus de douze années. Elles sont également sans application lorsque l'acte ou la décision entraîne la suppression de la division de l'immeuble. / Les mêmes indications doivent obligatoirement figurer dans tout bordereau, extrait, expédition ou copie, déposé en vue de l'exécution de la formalité. / S'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre a été rénové, et faisant l'objet d'une mutation par décès, d'un acte ou d'une décision judiciaire translatif, déclaratif ou constitutif d'un droit réel susceptible d'hypothèque, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral ayant moins de six mois de date au jour de la remise au service chargé de la publicité foncière, et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre. Cet extrait ou ces documents doivent être remis au service chargé de la publicité foncière à l'appui de la réquisition de la formalité. ".
3. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que lorsqu'un arrêté déclare cessibles une fraction seulement des parcelles appartenant à un propriétaire, ce qui implique d'en modifier les limites cadastrales, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que l'arrêté de cessibilité désigne avec exactitude les parcelles concernées conformément à leur numérotation issue de ce document. Le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui constitue alors une garantie pour les propriétaires concernés par la procédure d'expropriation, entache d'irrégularité l'arrêté de cessibilité.
4. En l'espèce, il ressort de l'état parcellaire annexé à l'arrêté de cessibilité en litige que la procédure d'expropriation portait sur la totalité de la parcelle cadastrée section IO n° 8 ainsi que sur une partie de la parcelle cadastrée section IO n° 7. Si l'état parcellaire annexé à l'arrêté de cessibilité désigne les deux fractions issues de la parcelle n° IO 7 concernées par la procédure d'expropriation, ainsi que leur nouvelle numérotation et leur contenance, cette mention ne saurait suffire à identifier précisément les terrains cessibles alors qu'il n'est pas établi qu'un document d'arpentage aurait été préalablement réalisé.
5. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté contesté est entaché d'une irrégularité qui, eu égard à la garantie que constitue le respect des formalités énoncées à l'article 7 du décret du 4 janvier 1955, est de nature à en entraîner l'annulation.
En ce qui concerne la légalité interne :
6. Aux termes du II de l'article L. 11-5 du code de l'expropriation, dans sa version applicable : " L'acte déclarant l'utilité publique précise le délai pendant lequel l'expropriation devra être réalisée. Ce délai ne peut, si la déclaration d'utilité publique est prononcée par arrêté, être supérieur à cinq ans. Toutefois, ce délai est porté à dix ans pour les opérations prévues aux projets d'aménagement approuvés, aux plans d'urbanisme approuvés et aux plans d'occupation des sols approuvés. / Lorsque le délai accordé pour réaliser l'expropriation n'est pas supérieur à cinq ans, un acte pris dans la même forme que l'acte déclarant l'utilité publique peut, sans nouvelle enquête, proroger une fois les effets de la déclaration d'utilité publique pour une durée au plus égale. / Toute autre prorogation ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'Etat ". Il résulte de ces dispositions que la prorogation du délai de validité de la déclaration d'utilité publique ne peut être légalement décidée que si le délai initialement prévu n'est pas expiré.
7. En l'espèce, l'article 3 de l'arrêté du 6 février 2012 portant déclaration d'utilité publique prévoit que " la présente déclaration d'utilité publique sera considérée comme nulle et non avenue si l'expropriation n'est pas intervenue dans un délai de cinq ans à compter de ce jour ". A cet égard, dès lors que le préfet de la Marne a fixé à cinq ans le délai pendant lequel l'expropriation devait être réalisée, la communauté urbaine du Grand Reims ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées fixant à dix ans le délai maximum de validité de la déclaration d'utilité publique en ce qui concerne les opérations prévues aux plans d'urbanisme approuvés.
8. Il s'ensuit que la déclaration d'utilité publique était devenue caduque à la date du 7 février 2012 et que l'arrêté du 9 février 2017 n'a pu légalement avoir pour effet d'en proroger les effets.
9. Par ailleurs, si le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales fait valoir subsidiairement que, faute d'avoir prorogé la déclaration d'utilité publique initiale, l'arrêté du 9 février 2017 doit être regardé comme le support d'une nouvelle déclaration d'utilité publique ayant la même portée que la déclaration initiale, il n'établit pas, par les pièces versées au dossier, que les circonstances de fait n'auraient pas évolué depuis l'édiction de la déclaration d'utilité publique initiale. Dans ces conditions, l'arrêté du 9 février 2017 ne peut être regardé comme prononçant une nouvelle déclaration d'utilité publique.
10. Il s'ensuit que l'arrêté de cessibilité intervenu postérieurement à l'expiration du délai de validité de la déclaration d'utilité publique avec laquelle il forme une opération complexe, est privé de base légale et doit être annulé.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 18 octobre 2017.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que la communauté urbaine de Reims demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge conjointe de l'Etat et de la communauté urbaine du Grand Reims le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Marne du 18 octobre 2017 est annulé.
Article 3 : L'Etat et la communauté urbaine du Grand Reims verseront conjointement à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la communauté urbaine du grand Reims.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
N° 18NC02197 2