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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC01873

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 23 juillet 2020, 18NC01873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la restitution des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti à raison des revenus du patrimoine perçus au cours des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1602224 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement fait droit à la demande en restitution formulée par le requérant.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet

2018, le Ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la restitution des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti à raison des revenus du patrimoine perçus au cours des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1602224 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement fait droit à la demande en restitution formulée par le requérant.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2018, le Ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement fait droit à la demande de M. A... ;

2°) de remettre à la charge de M. A... les impositions déchargées par le jugement.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen de défense soulevé par l'administration tiré de ce que le principe d'unicité de législation sociale, posé par le règlement de coordination des systèmes de sécurité sociale ne saurait faire obstacle à ce que des impositions soient affectées au financement de prestations dont l'attribution n'est pas conditionnée à une affiliation à la sécurité sociale en France ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que les prélèvements sociaux en litige affectés à la première section du fonds de solidarité vieillesse (FSV) présentent un lien direct avec les prestations vieillesse et ont dès lors un lien suffisamment direct et spécifique avec le financement d'un régime de sécurité sociale ; ces prélèvements n'entrent pas dans le champ d'application de la jurisprudence " de Ruyter " ;

- les prélèvements sociaux affectés à la caisse d'amortissement de dette sociale (CADES) n'entrent pas dans le champ d'application de la jurisprudence " de Ruyter ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2018, M. C... A... conclut au rejet de la requête et en tant que de besoin, avant dire droit, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question préjudicielle suivante :

" Le droit de l'Union doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des dispositions législatives, telles que l'article 24 de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, en vertu desquelles les personnes non affiliées à la sécurité sociale en France sont assujetties aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, alors même que ces prélèvements sont affectés, à compter de l'année 2016, au fonds de solidarité vieillesse, à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et à la caisse d'amortissement de la dette sociale ".

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne ;

- le statut des fonctionnaires et agents de l'Union européenne ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 mai 2017 de Lobkowicz c/ Ministre des Finances et des Comptes publics (C-690/15) ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., fonctionnaire à la Cour de justice de l'Union européenne et domicilié fiscalement en France, a demandé à l'administration fiscale le remboursement de la contribution sociale généralisée (CSG), de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), du prélèvement social au taux de 4,5 %, de la contribution additionnelle au prélèvement social au taux de 0,3 % et du prélèvement de solidarité au taux de 2 % à raison des revenus fonciers qu'il avait perçus en 2013, 2014 et 2015. Par décision du 4 octobre 2016, le directeur départemental des finances publiques de la Haute-Marne a rejeté sa réclamation. Par un jugement rendu le 29 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions du requérant tendant à la décharge des prélèvements sociaux sur ses revenus du patrimoine au titre des années 2013 et 2014, en raison du dégrèvement prononcé en cours d'instance par l'administration fiscale au titre de ces années. Il a prononcé la décharge de la CSG, de la CRDS, du prélèvement de solidarité et de la part de 3,35% du prélèvement social, affectés au fonds de solidarité vieillesse (FSV) et à la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) à raison de ses revenus fonciers au titre de l'année 2015, imposés par la voie d'un rôle mis en recouvrement le 31 juillet 2016. Il a rejeté le surplus des conclusions de la requête tendant à la décharge de la fraction du produit du prélèvement social affectée à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) à hauteur de 1,15 % ainsi que celle de la contribution additionnelle au prélèvement social au taux de 0,3 %. Le ministre de l'action et des comptes publics demande l'annulation de l'article 2 du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge de ces contributions et prélèvements sociaux précités à raison de ses revenus fonciers au titre de l'année 2015.

Sur la régularité du jugement :

2. Le ministre soutient que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a omis de statuer sur le moyen de défense tiré de ce que le principe d'unicité de législation sociale, posé par le règlement n°883/2004 de coordination des systèmes de sécurité sociale ne saurait faire obstacle à ce que des impositions soient affectées au financement de prestations dont l'attribution n'est pas conditionnée à une affiliation à la sécurité sociale en France. Toutefois, et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que dans le mémoire en défense du 9 mars 2017 qu'elle a adressé au tribunal, l'administration fiscale n'a pas soulevé un tel moyen. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts : " La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. ". Aux termes de l'article 1600-0-G du même code : " I. Les personnes physiques désignées à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale sont assujetties à une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L. 136-6 du même code. (...)/II. La contribution est mise en recouvrement et exigible en même temps, le cas échéant, que la contribution sociale instituée par l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. Il n'est pas procédé au recouvrement lorsque le montant total par article de rôle est inférieur à 61 euros. ". Aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : / a) Des revenus fonciers ; (...) ". Aux termes de l'article L. 136-8 du même code, alors en vigueur : " I.-Le taux des contributions sociales est fixé : (...)/ 8,2 % pour les contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 ; (...)/IV bis.- Le produit des contributions mentionnées au 2° du I est versé : /1° Au fonds mentionné à l'article L. 135-1, pour la part correspondant à un taux de 7,6 % ; / 2° A la Caisse d'amortissement de la dette sociale, pour la part correspondant à un taux de 0,60 %.". Aux termes de l'article L. 135-1 du même code modifié par le I de l'article 24 de la loi du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 : " Il est créé un fonds dont la mission est de prendre en charge les avantages d'assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale, tels qu'ils sont définis par l'article L. 135-2. / Ce fonds, dénommé : fonds de solidarité vieillesse, est un établissement public de l'Etat à caractère administratif (...) ". Aux termes de l'article L. 135-2 du même code dans sa rédaction issue de la même loi : " Les dépenses prises en charge par le Fonds de solidarité vieillesse sont retracées dans trois sections distinctes : I. La première section retrace : 1° Le financement des allocations mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 643-1, au chapitre V du titre Ier du livre VIII et à l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse ; 2° Les sommes représentatives de la prise en compte par le régime général, le régime des salariés agricoles et les régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales, dans la durée d'assurance : a) Des périodes mentionnées aux 1°, 3° et 8° de l'article L. 351-3 ; b) Des périodes pendant lesquelles les assurés ont bénéficié des allocations mentionnées aux articles L. 1233-68, L. 5422-1, L. 5423-1, L. 5423-7 et L. 5423-8du code du travail, des allocations spéciales mentionnées au 2° de l'article L. 5123-2 du même code et de la rémunération mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 1233-72 dudit code ; c) Des périodes pendant lesquelles l'assuré a bénéficié, en cas d'absence complète d'activité, d'un revenu de remplacement de la part de son entreprise en application d'un accord professionnel national mentionné à l'article L. 5123-6 du code du travail ; 3° Les sommes correspondant à la prise en compte par le régime général, le régime des salariés agricoles et les régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales des réductions de la durée d'assurance ou de périodes reconnues équivalentes, définies à l'article L. 351-7-1 du présent code ; 4° Les dépenses mentionnées au I de l'article 49 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ; 5° Les sommes représentatives de la prise en compte par les régimes d'assurance vieillesse de base des périodes de volontariat du service national de leurs assurés ; 6° Les dépenses attachées au service de l'allocation spéciale pour les personnes âgées prévue à l'article 28 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte et, selon des modalités de calcul fixées par décret, les sommes représentatives de la prise en compte au titre de la durée d'assurance, par le régime de retraite de base obligatoire de sécurité sociale mentionné à l'article 5 de cette ordonnance, des périodes définies à l'article 8 de ladite ordonnance ; 7° Les sommes représentatives de la prise en compte par les régimes d'assurance vieillesse de base, dans le salaire de base mentionné à l'article L. 351-1, des indemnités journalières mentionnées au même article ; 8° Les sommes correspondant à la prise en charge mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 6243-3 du code du travail ; 9° Le remboursement à la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon des dépenses correspondant à l'application au régime d'assurance vieillesse de cette collectivité, dans les conditions prévues par la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d'assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, des avantages non contributifs mentionnés aux 1° à 5°, 7° et 8° du présent I ; 10° Le financement d'avantages non contributifs instaurés au bénéfice des retraités de l'ensemble des régimes, lorsque les dispositions les instituant le prévoient. Les sommes mentionnées aux 2°, 5° et 7° sont calculées sur une base forfaitaire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (....) ". Aux termes de l'article L. 135-3 du même code : " Les recettes du fonds affectées au financement des dépenses mentionnées au I de l'article L.135-2 sont constituées par : 1° Une fraction, fixée au IV bis de l'article L.136-8, du produit des contributions mentionnées aux articles L. 136-6 et L.136-7; 2° Une fraction, fixée à l'article L.245-16, du produit des prélèvements sociaux mentionnés aux articles L.245-14 et L. 245-15; 3° Le produit du prélèvement mentionné à l'article 1600-0S du code général des impôts ". Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les ressources de la Caisse d'amortissement de la dette sociale sont constituées par : /1° Le produit des contributions instituées par le chapitre II. Ce produit est versé à la caisse, dans des conditions fixées par décret, par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, s'agissant du produit correspondant à la contribution mentionnée à l'article 14, et par l'Etat, s'agissant du produit correspondant aux contributions mentionnées aux articles 15 à 18 ; /2° Une fraction du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale. Cette fraction est fixée aux IV et IV bis de l'article L. 136-8 du même code ; (...) ". Enfin, le X de l'article 24 de la loi du 21 décembre 2015 précise que le changement d'affectation s'applique : " (...) aux produits recouvrés par la voie des rôles émis à compter du 1er janvier 2016 ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'à compter du 1er janvier 2016, le produit de la CSG est désormais affecté, à hauteur de 7,6 % au Fonds de solidarité vieillesse et de 0,6 % à la caisse d'amortissement de la dette sociale, la totalité de celui de la CRDS, soit 0,5 % étant affecté à la caisse d'amortissement de la dette sociale, celui du prélèvement social prévue à l'article L. 245-14 et suivants du code de la sécurité sociale, à hauteur de 3,35 % au fonds de solidarité vieillesse et la totalité du prélèvement de solidarité, soit 2 %, au fonds de solidarité vieillesse. Tel est le cas du requérant dont les revenus du patrimoine de l'année 2015 ont été imposés par la voie d'un rôle mis en recouvrement le 31 juillet 2016.

5. La Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 10 mai 2017, Wenceslas de Lobkowicz contre Ministère des finances et des comptes public, n° 690/15, a indiqué au point 41 que l'article 14 du protocole (n° 7) sur les privilèges et immunités de l'Union européenne, en ce qu'il attribue aux institutions de l'Union la compétence pour fixer le régime de sécurité sociale de leurs fonctionnaires, doit être considéré comme impliquant la soustraction à la compétence des États membres de l'obligation d'affiliation des fonctionnaires de l'Union à un régime national de sécurité sociale et de l'obligation, pour ces fonctionnaires, de contribuer au financement d'un tel régime. La cour a également indiqué au point 45 que l'article 14 du protocole (n° 7) sur les privilèges et immunités de l'Union européenne, annexé aux traités et les dispositions du statut en matière de sécurité sociale des fonctionnaires de l'Union remplissaient, à l'égard de ces derniers, une fonction analogue à celle de l'article 11 du règlement n° 883/2004, consistant à prohiber l'obligation pour les fonctionnaires de l'Union de contribuer à différents régimes en matière de sécurité sociale. Elle a en conséquence dit pour droit que l'article 14 du protocole sur les privilèges et immunités de l'Union européenne ainsi que les dispositions du statut des fonctionnaires de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale prévoyant que les revenus fonciers perçus dans un Etat membre par un fonctionnaire de l'Union européenne, qui a son domicile fiscal dans cet Etat membre, soient assujettis à des contributions et à des prélèvements sociaux qui sont affectés au financement du régime de sécurité sociale de ce même Etat membre.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A..., en sa qualité de fonctionnaire à la Cour de justice de l'Union européenne, est affilié au régime commun de l'assurance maladie des institutions de l'Union européenne, en vertu des dispositions de l'article 72 du titre V, chapitre 2 du statut des fonctionnaires et agents de l'Union européenne. Il n'est donc pas soumis à une législation nationale en matière de sécurité sociale ainsi que l'exige le paragraphe 1 de l'article 2 du règlement précité du 29 avril 2004 reprenant l'article 2 paragraphe 1 du règlement n°1408/71, au sujet duquel dans un arrêt " Ferlini " du 3 octobre 2000 (affaire C-411/98) la Cour de justice de l'Union européenne a considéré, au point 41, que " les fonctionnaires des Communautés européennes et les membres de leur famille qui sont affiliés au RCAM ne sauraient être qualifiés de travailleurs au sens du règlement n_ 1408/71. En effet, ils ne sont pas soumis à une législation nationale en matière de sécurité sociale, comme l'exige l'article 2, paragraphe 1, du règlement n°1408/7 ".

7. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics ne peut utilement se prévaloir des termes de ce règlement. En revanche, il convient pour apprécier la situation du requérant de se rapporter à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne pour déterminer si les prélèvements sociaux auxquels l'intéressé demeure soumis sont affectés spécifiquement au financement d'un régime de sécurité sociale au sens du droit de l'Union.

En ce qui concerne les contributions et prélèvements sociaux affectés au fonds de solidarité vieillesse :

8. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé que relève de l'assistance sociale une prestation qui retient le besoin comme critère d'éligibilité sans considération de périodes de travail, de cotisation ou d'affiliation à un régime de sécurité sociale mais qu'une prestation se rapproche néanmoins de la sécurité sociale dès lors qu'ayant abandonné l'appréciation individuelle, caractéristique de l'assistance, elle confère aux bénéficiaires une position légalement définie (28 mai 1974 Callemeyn c/ Belgique, aff. C-187/73 point 7). Elle a également jugé que dans la mesure où une législation confère un droit à des prestations supplémentaires destinées à majorer le montant de pensions relevant de la sécurité sociale, en dehors de toute appréciation des besoins et situations individuels qui est caractéristique de l'assistance, elle relève d'un régime de sécurité sociale et que le fait qu'une même loi peut également viser des avantages pouvant être qualifiés d'assistance ne saurait altérer, au regard du droit communautaire, le caractère intrinsèque de sécurité sociale d'une prestation liée à une pension de vieillesse ou de réversion (24 février 1987 CRAM Rhône-Alpes / Giletti aff. 379/85 point 11).

9. La première section du fonds de solidarité vieillesse a principalement pour objet de prendre en charge d'une part l'allocation de solidarité des personnes âgées, d'autre part des cotisations forfaitaires au titre de la validation de trimestres d'assurance vieillesse pour des périodes au titre desquelles aucune cotisation d'assurance vieillesse n'a été versée par les intéressés. S'il est vrai, ainsi que le relève l'administration, que l'attribution de ces prestations fait abstraction de toute exigence relative à des périodes d'activité professionnelle, de cotisation ou de périodes d'affiliation à un régime de sécurité sociale et que ces prestations peuvent s'apparenter à une mesure d'assistance, il n'en demeure pas moins qu'elles visent aussi à venir en remplacement ou en complément d'une prestation de sécurité sociale et présentent ainsi un lien avec les prestations vieillesse. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que les contributions et prélèvements sociaux affectés au fonds de solidarité vieillesse dans les conditions prévues par l'article 24 de la loi précitée du 21 décembre 2016, n'ont pas un lien suffisamment direct et spécifique avec le financement d'un régime de sécurité sociale.

En ce qui concerne les contributions affectées à la caisse d'amortissement de la dette sociale :

10. Si l'administration fait valoir que les contributions affectées à la caisse d'amortissement de la dette sociale concernent le remboursement d'une dette liée au versement de prestations d'assistance sociale, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que tel n'est pas le cas. Ces prélèvements conservent un lien spécifique avec l'objectif d'apurer les déficits du régime de la sécurité sociale. En outre, ainsi que l'a rappelé la Cour de justice de l'Union européenne, ni la circonstance que le produit de ces contributions soit versé à la caisse d'amortissement de la dette sociale et non à des organismes de sécurité sociale ni le fait que le recouvrement de la CSG et de la CRDS soit effectué par voie de rôle comme en matière d'impôt sur le revenu et non pas directement par les organismes chargés de recouvrer les cotisations sociales, ne sont de nature à remettre en cause le fait que la part de la CSG concernée et la CRDS sont affectées de manière suffisamment directe et spécifique au financement du régime de sécurité sociale français (15 février 2000 Commission des Communautés européennes aff. C-34/98 point 38). Par suite, en assujettissant M. A... à la CSG et à la CRDS à raison de ses revenus fonciers, l'administration a méconnu le droit de l'Union dès lors que ces contributions et prélèvements sociaux sont affectés spécifiquement au financement du régime de sécurité sociale français dont il n'est pas bénéficiaire.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des contributions et prélèvements sociaux précités à raison des revenus fonciers de M. A... au titre de l'année 2015.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 18NC01873


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01873
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-01-01 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Légalité et conventionnalité des dispositions fiscales.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc01873 ?
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