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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC01629

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 23 juillet 2020, 18NC01629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser, à titre principal, la somme de 107 437,06 euros et, à titre subsidiaire, celle de 83 614,56 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 15 mars 2012.

Par un jugement n° 1701090 du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à

verser à Mme C... la somme de 6 480 euros et a rejeté le surplus de ses conclus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser, à titre principal, la somme de 107 437,06 euros et, à titre subsidiaire, celle de 83 614,56 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 15 mars 2012.

Par un jugement n° 1701090 du 5 avril 2018, le tribunal administratif de Nancy a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à verser à Mme C... la somme de 6 480 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2018, et un mémoire complémentaire enregistré le 11 décembre 2019, Mme F... C..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1701090 du tribunal administratif de Nancy du 5 avril 2018 ;

2°) de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser, à titre principal, la somme de 87 437,06 euros, à titre subsidiaire, celle de 83 814,56 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 15 mars 2012.

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité pour faute du centre hospitalier régional universitaire de Nancy est engagée, dès lors que, au cours de l'intervention chirurgicale du 15 mars 2012, son artère fémorale a été sectionnée et que la complication vasculaire, qui en est résultée, a été prise en charge et traitée tardivement ;

- elle est fondée à réclamer une indemnisation de ses préjudices patrimoniaux temporaires et permanents à hauteur de 57 552,06 euros, soit 6 525 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux temporaires, 4 368 euros au titre de l'assistance par tierce personne, 3 888,06 euros au titre de la perte de gains professionnels, 300 euros au titre des frais de logement adapté et 42 471 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- ses préjudices extrapatrimoniaux temporaires et permanents s'élèvent, quant à eux, à un montant total de 29 885 euros, subsidiairement de 26 262,50 euros, soit 4 485 euros, subsidiairement à 862,50 euros, au titre de son déficit fonctionnel temporaire, 5 000 euros au titre des souffrances endurées, 600 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire, 4 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, 800 euros au titre de son préjudice esthétique permanent, 5 000 euros au titre de son préjudice d'agrément et 10 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2018, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête de Mme C....

Il soutient que les prétentions indemnitaires de la requérante sont non fondées ou excessives.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me A..., conclut à la confirmation du jugement de première instance et à sa mise hors de cause.

Il soutient que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies.

Régulièrement mise en cause, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne n'a pas défendu dans la présente instance.

Par un courrier du 11 mai 2020, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les préjudices résultant du syndrome hémorragique dont Mme C... a été victime le 15 mars 2012 sont susceptibles d'être indemnisés par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

Enregistrées le 11 mai 2020, des observations en réponse au courrier du 11 mai 2020 ont été présentées pour Mme C... par Me E....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public,

- et les observations de Me E... pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Souffrant d'une dysplasie des deux hanches, compliquée d'une coxarthrose évoluée douloureuse, Mme F... C... a subi deux interventions chirurgicales, les 4 octobre 2011 et 15 mars 2012, en vue de la pose successive de prothèses totales de la hanche droite, puis de la hanche gauche. Le lendemain de la seconde intervention, dans l'après-midi, une reprise opératoire s'est avérée nécessaire pour juguler une hémorragie de la plaie artérielle fémorale gauche constatée par scanner le matin même. Saisie par l'intéressée le 13 octobre 2014, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Lorraine, au vu du rapport du 16 septembre 2015 concernant l'expertise médicale qu'elle avait sollicitée, a conclu, le 15 décembre 2015, à la responsabilité pour faute du centre hospitalier régional universitaire de Nancy. Ayant rejeté une offre d'indemnisation de 12 308 euros proposée le 10 mai 2016 par l'assureur de l'établissement et après avoir formé par courrier du 27 janvier 2017, reçu le 3 février suivant, une demande d'indemnisation demeurée sans réponse, la requérante a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser, à titre principal, la somme totale de 107 437,06 euros et, à titre subsidiaire, celle de 83 614,56 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 15 mars 2012. Elle relève appel du jugement n° 1701090 du 5 avril 2018, qui limite le montant de la réparation à 6 480 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

2. Aux termes du second paragraphe de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ".

3. Il est constant que, dans les heures qui ont suivi l'intervention chirurgicale du 15 mars 2012, réalisée au centre hospitalier régional universitaire de Nancy en vue de la pose d'une prothèse de la hanche gauche, Mme C... a été victime d'un syndrome hémorragique causé par la section de son artère fémorale gauche. Contrairement aux allégations de la requérante, il ne résulte pas de l'instruction que cette complication vasculaire, qui, selon les experts, correspond à un aléa de l'ordre de 0,5 %, serait la conséquence d'un manquement aux règles de l'art, ni qu'elle résulterait d'une maladresse fautive. Il résulte du rapport d'expertise du 16 septembre 2015 que le déficit fonctionnel permanent de Mme C... résultant du syndrome hémorragique qui a suivi l'intervention et de sa prise en charge tardive a été évaluée à 3 % et est donc en tout état de cause inférieur au seuil de 24 % fixé à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. S'il est vrai que Mme C..., à la suite de son intervention, n'a été en mesure de reprendre son activité professionnelle que le 16 avril 2013, au terme d'un délai de huit mois supérieur à celui habituellement constaté en cas de pose d'une prothèse de hanche, il ne ressort pas des termes du rapport d'expertise du 16 septembre 2015 que le syndrome hémorragique dont l'intéressée a été victime aurait provoqué un surplus d'arrêt de travail d'au moins six mois. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale seraient remplies. Par suite, il y a lieu de mettre l'ONIAM hors de cause.

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Nancy :

4. Aux termes du premier alinéa du premier paragraphe de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne résulte pas de l'instruction que l'hémorragie causée par la section de l'artère fémorale gauche de Mme C... serait la conséquence d'un manquement aux règles de l'art, ni qu'elle résulterait d'une maladresse fautive. Il résulte en revanche de l'instruction et il n'est pas contesté que cette complication vasculaire était, compte tenu des symptômes présentés par la patiente, identifiable dès sa survenue, le jour même de l'opération, et que le retard mis dans son diagnostic et son traitement, lesquels n'ont été réalisés que le lendemain, constitue une faute qui engage la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Nancy.

En ce qui concerne le montant de la réparation :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

6. Mme C... sollicite une indemnisation de ses préjudices patrimoniaux temporaires et permanents à hauteur de 57 552,06 euros, soit 1 407 euros au titre des frais de transport pour les soins de kinésithérapie, 1 822 euros pour l'achat d'un lit et d'un matelas adaptés, 3 296 euros au titre des frais de remboursement d'emprunt, 6 525 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux temporaires, 4 368 euros au titre de l'assistance par tierce personne, 3 888,06 euros au titre de la perte de gains professionnels, 300 euros au titre des frais de logement adapté et 42 471 euros au titre de l'incidence professionnelle. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise du 16 septembre 2015 que ces différents postes de préjudices ne présentent pas de lien avec la faute commise par le centre hospitalier régional universitaire dans la prise en charge tardive de la complication vasculaire de la requérante, mais se rattachent aux conséquences de la pose de prothèse totale de la hanche gauche, compliquée par la survenue d'un syndrome hémorragique. Cette appréciation n'étant pas remise en cause par les éléments du dossier, il y a lieu de confirmer le refus des premiers juges d'indemniser la requérante au titre de ses préjudices patrimoniaux temporaires et permanents.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

7. En premier lieu, il résulte du rapport d'expertise que la complication vasculaire et sa prise en charge tardive sont à l'origine chez Mme C... d'un déficit fonctionnel temporaire de 100 % d'une durée de quinze jours et d'un déficit fonctionnel temporaire de 50 % d'une durée d'un mois. Dans ces conditions, en allouant à la requérante une somme totale de 480 euros, les premiers juges ont fait une juste appréciation de la part de ce préjudice résultant directement de la faute commise par le centre hospitalier régional universitaire de Nancy.

8. En deuxième lieu, la requérante ne conteste pas la somme de 600 euros que le tribunal administratif de Nancy lui a allouée en réparation de son préjudice esthétique temporaire.

9. En troisième lieu, les experts ont évalué à 1,5 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par Mme C... avant la date de consolidation, du fait de la complication vasculaire et du retard dans sa prise en charge. Dans ces conditions, les premiers juges, qui ont accordé à l'intéressée une somme globale de 1 500 euros, incluant la réparation du préjudice moral lié à la prise de conscience par la patiente de l'engagement de son pronostic vital, n'ont pas insuffisamment apprécié, à cet égard, l'étendue des dommages causés par le comportement fautif du centre hospitalier régional universitaire de Nancy.

10. En quatrième lieu, il résulte du rapport d'expertise du 16 septembre 2015, qui fixe la date de consolidation au 12 septembre 2013, que le déficit fonctionnel permanent de Mme C... résultant du syndrome hémorragique qui a suivi l'intervention du 15 mars 2012 et de sa prise en charge tardive a été évaluée à 3 %. La requérante étant alors âgée de quarante-sept ans, la part de ce déficit imputable à la faute commise par le centre hospitalier régional universitaire de Nancy a été suffisamment réparée par le versement à Mme C... d'une somme de 3 400 euros.

11. En cinquième lieu, du fait de la complication vasculaire et de la faute commise par le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, Mme C... a subi un préjudice esthétique permanent, évalué par les experts à 0,5 sur une échelle de 7. Au regard du comportement fautif de l'établissement, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en accordant à l'intéressée la somme de 500 euros.

12. En sixième et dernier lieu, si Mme C... allègue qu'elle ne peut plus désormais faire des promenades, ni continuer à pratiquer le vélo et la danse, le préjudice d'agrément, dont elle demande réparation à hauteur de 5 000 euros, se rattache, non pas à la faute commise par le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, mais aux conséquences de l'intervention chirurgicale du 15 mars 2012 et du syndrome hémorragique qui a suivi. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les prétentions indemnitaires de l'intéressée à ce titre.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a seulement condamné le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser la somme de 6 480 euros. Par voie de conséquence, le surplus de ses conclusions à fin d'indemnisation et ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C..., au centre hospitalier régional universitaire de Nancy, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne.

N° 18NC01629 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01629
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : GAUCHER DIEUDONNE NIANGO SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc01629 ?
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