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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC01354

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 18NC01354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Jean Collery à lui verser la somme de 216 076 euros en réparation des préjudices moraux et financiers résultant de l'absence de régularisation de sa situation administrative, assortie des intérêts légaux à compter du 24 février 2016 avec capitalisation annuelle de ceux-ci.

Par un jugement no 1600858 du 5 mars 2018, le tribunal administr

atif de Châlons-en-Champagne a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Jean Collery à lui verser la somme de 216 076 euros en réparation des préjudices moraux et financiers résultant de l'absence de régularisation de sa situation administrative, assortie des intérêts légaux à compter du 24 février 2016 avec capitalisation annuelle de ceux-ci.

Par un jugement no 1600858 du 5 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 mai 2018, le 4 janvier 2019, et le 21 janvier 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2018 ;

2°) de condamner l'EHPAD Jean Collery à lui verser une somme de 236 077 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'EHPAD Jean Collery la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable, le tribunal ne s'étant pas prononcé sur les conséquences indemnitaires de son éviction irrégulière ;

- les créances indemnitaires ne sont pas prescrites, le délai ayant été interrompu par le courrier du 11 février 2013 par lequel elle demandait sa réintégration ;

- en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a subi, l'EHPAD Jean Collery a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- l'absence de régularisation de sa situation administrative par l'EHPAD, à la suite des jugements du 28 juin 2013 et 15 juin 2016, constitue une faute engageant sa responsabilité ;

- le lien de causalité entre la faute et le dommage est établi, les avis d'arrêt de travail n'ayant été envoyés que pour la maintenir en situation régulière ;

- cette faute lui a causé un préjudice financier constitué de la perte de ses salaires au titre de la période de janvier 2010 au 21 octobre 2014, date de son admission à la retraite, de la perte de sa prime de service pour les années 2011 à 2014, de la déduction non justifiée d'une somme de 3 239 euros sur son compte épargne-temps et de la minoration de ses droits à la retraite ;

- elle lui a également causé un préjudice moral certain en la privant de sa liberté de travailler pendant quatre ans du fait de l'impossibilité tant de réintégrer ses fonctions au sein de l'EHPAD que d'exercer un autre emploi dans la fonction publique ;

- subsidiairement, si la cour estime qu'elle a commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de l'EHPAD, ce dernier devra être condamné à prendre en charge 70 % des conséquences dommageables.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 septembre 2018, le 15 janvier 2019, et le 1er février 2019, l'EHPAD Jean Collery, représenté par Me de la Roche, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable compte tenu de l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif, dans son jugement n° 1401099 du 15 juin 2016, devenu définitif, ayant rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A... tendant au versement de sa rémunération depuis le 9 janvier 2014, qui s'oppose à ce qu'elle réclame une quelconque indemnité au titre de la période du 9 janvier au 21 octobre 2014 ;

- l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif, dans son jugement n° 1100743 du 28 juin 2013, ayant rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A... tendant au versement d'une somme au titre des salaires non perçus et du préjudice moral résultant de l'illégalité des décisions la plaçant en disponibilité d'office du 9 janvier au 31 mai 2011, s'oppose également à ce qu'elle réclame sur cette période une indemnité au titre de la même cause juridique ;

- Mme A... n'ayant pas contesté la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service dans un délai de deux mois, elle n'est plus recevable à demander à être indemnisée à ce titre ;

- les créances antérieures au 24 février 2012 sont prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 ;

- le lien direct entre la maladie de Mme A... et le service n'est pas établi ;

- l'absence de service fait sur la période de janvier 2010 à octobre 2014 ne résulte pas d'une faute commise par l'EHPAD ou d'une éviction irrégulière mais du propre fait de

Mme A... qui a transmis des arrêts maladie sur toute la période considérée de manière continue ;

- il n'est pas établi que le reclassement de Mme A... était également impossible en l'absence de poste vacant ;

- en l'absence de faute commise par l'EHPAD en lien avec les préjudices invoqués par la requérante, celle-ci ne peut prétendre à leur indemnisation ;

- à titre subsidiaire, aucune indemnité au titre de la perte de salaire, de la prime de service ou des droits à la retraite n'est due pour la période de janvier 2010 à mai 2011 dès lors que Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire, par une décision non contestée, devenue définitive, qui fait obstacle au versement de l'intégralité de son traitement pour cette période ;

- le préjudice invoqué par la requérante ne présente aucun caractère certain.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me de la Roche, représentant l'EHPAD Jean Collery.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., attachée principale d'administration hospitalière, employée par l'EHPAD Jean Collery d'Aÿ-Champagne, a été placée, à compter du 14 janvier 2010, en congé de maladie ordinaire jusqu'au 13 janvier 2011. Par une décision du 6 mai 2013, le directeur de l'EHPAD Jean Collery a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A.... Celle-ci avait, entretemps, été placée en disponibilité d'office par une décision du 14 mars 2011, à compter du 9 janvier 2011 et cette position a été prolongée jusqu'au 31 mai 2011 par une décision du 25 mai 2011. Par un jugement du 28 juin 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces deux décisions et en exécution de ce jugement, l'EHPAD Jean Collery a invité Mme A... à formuler une demande de reclassement, qu'elle a présentée le 28 août 2013. Cette demande a été rejetée par une décision du 25 mars 2014 qui a décidé de la radier des cadres à compter du 9 janvier 2014. Cette décision a également été annulée par un jugement du 15 juin 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et par une décision du 21 décembre 2016, devenue définitive, la directrice de l'EHPAD Jean Collery a réintégré Mme A... à compter du 9 janvier 2014 et jusqu'à sa mise à la retraite pour inaptitude, prenant effet le 21 octobre 2014.

2. Mme A... a alors demandé l'indemnisation par l'EHPAD Jean Collery du préjudice financier et moral qu'elle estime avoir subi à raison de l'absence de régularisation de sa situation administrative depuis le 14 janvier 2010 et elle relève appel du jugement du 5 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la fin de de non-recevoir :

3. La circonstance que la décision du 6 mai 2013 refusant de reconnaître l'imputabilité de la maladie de Mme A... au service soit devenue définitive est sans incidence sur la recevabilité de la demande qui tend non pas à l'annulation de cette décision mais à la réparation des préjudices qui résulteraient de son illégalité fautive. La fin de non-recevoir opposée par l'EHPAD Jean Collery doit, par suite, être écartée.

En ce qui concerne l'exception de chose jugée :

4. D'une part, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté, par un jugement du 28 juin 2013, les conclusions indemnitaires alors présentées par Mme A... sur le fondement de l'illégalité fautive du refus d'utilisation des jours de congés épargnés sur son compte épargne-temps pendant sa période de disponibilité d'office alors que les demandes formulées dans le cadre de la présente instance ont pour fondement l'illégalité fautive des décisions refusant de reconnaître l'imputabilité de la maladie au service, la plaçant en disponibilité d'office puis la radiant des cadres, ainsi que sur l'absence de reclassement et de réintégration à la suite des jugements du 28 juin 2013 et du 15 juin 2016. Les faits générateurs de ces demandes étant différents, l'exception de chose jugée soulevée à cet égard par l'EHPAD Jean Collery doit être écartée.

5. D'autre part, par un jugement du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusions de Mme A... tendant à ce qu'il fût enjoint à l'EHPAD Jean Collery de la réintégrer rétroactivement à compter du 9 janvier 2014 et de lui verser la rémunération correspondante. Compte tenu de l'objet de la demande, de nature indemnitaire, l'EHPAD Jean Collery n'est pas davantage fondé à opposer l'exception de chose jugée s'agissant de ce jugement.

En ce qui concerne la responsabilité de l'EHPAD Jean Collery :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° à des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ".

7. D'une part, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service. Il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service. Dans tous les cas, il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

8. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme A... a été placée en congé de maladie à compter du 14 janvier 2010 au titre d'un syndrome dépressif sévère. En revanche, le rapport du médecin psychiatre qui a examiné Mme A... le 12 décembre 2012 et relate les allégations de cette dernière, sans y apporter d'autre élément, ne permet d'établir ni la réalité de la tentative de suicide alléguée, qui serait survenue le soir du 13 janvier 2010 au domicile de l'intéressée, ni le lien direct entre cet évènement supposé et le service. En outre, l'avis favorable à la reconnaissance de l'accident de service, émis par le comité médical départemental lors de sa séance du 17 janvier 2013, n'est pas de nature à démontrer le lien direct entre les faits allégués et le service.

9. D'autre part, le droit, prévu par les dispositions précitées, d'un fonctionnaire hospitalier en congé de maladie à conserver l'intégralité de son traitement en cas de maladie provenant d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.

10. En l'espèce, ni les témoignages produits, qui n'évoquent pas précisément la situation de Mme A..., ni le courrier de l'agence régionale de santé du 4 novembre 2011, qui porte sur la situation générale de l'EHPAD Jean Collery, ne permettent de tenir pour établies les allégations de la requérante concernant le retrait de ses fonctions, l'instruction qui lui aurait été donnée de réaliser des tâches de secrétariat sans rapport avec son grade ou encore les mauvaises relations qu'elle aurait entretenues avec sa hiérarchie. Par suite, il n'est pas établi que le syndrome dépressif sévère dont se prévaut Mme A... serait en lien direct avec ses conditions de travail.

11. En deuxième lieu, il ressort des termes du jugement du 28 juin 2013 que les décisions de l'EHPAD Jean Collery des 7 mars et 25 mai 2011 plaçant et maintenant Mme A... en position de disponibilité d'office ont été annulées aux motifs que les avis du comité médical des 3 mars et 12 mai 2011 ne s'étaient pas prononcés sur la capacité de Mme A... à occuper un autre emploi et que cette dernière n'avait pas été invitée à présenter une demande de reclassement, dans les conditions prévues à l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986. L'EHPAD Jean Collery a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

12. Contrairement à ce que soutient l'EHPAD Jean Collery, la circonstance que Mme A... ait continué, sur le fondement des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, d'adresser à son employeur des avis d'arrêt de travail, ne le dispensait pas de son obligation de mettre en oeuvre la procédure de reclassement prévue par les dispositions de l'article 71 de la même loi et n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

13. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'en exécution de l'injonction prononcée par le jugement du 28 juin 2013, l'EHPAD Jean Collery a, dès le 12 août 2013, invité Mme A... à formuler une demande de reclassement et qu'après avoir constaté l'impossibilité de reclasser l'intéressée dans le poste réclamé dès le 1er octobre 2013, il l'a radiée des cadres le 25 mars 2014. L'EHPAD Jean Collery qui doit ainsi être regardé comme ayant entièrement exécuté ce jugement, n'a, contrairement à ce que soutient Mme A..., commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

14. En quatrième lieu, l'illégalité de la décision du 25 mars 2014, qui a été annulée par le jugement du 15 juin 2016, est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'EHPAD Jean Collery.

15. En dernier lieu, il résulte de l'instruction qu'en exécution de ce jugement du 15 juin 2016, l'EHPAD Jean Collery a, par une décision du 21 décembre 2016, réintégré Mme A... dans ses fonctions à compter du 9 janvier 2014 et jusqu'au 21 octobre 2014, date de son admission à la retraite. Il doit être, par suite, regardé comme ayant entièrement exécuté ce jugement et n'a commis, à cet égard, aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 14 que l'EHPAD Jean Collery n'a engagé sa responsabilité qu'à raison de l'illégalité fautive des décisions des 7 mars 2011, 25 mai 2011 et 25 mars 2014.

En ce qui concerne le préjudice :

17. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité sont ainsi indemnisables. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

18. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'alors même qu'elle était placée en disponibilité, Mme A... a continué à adresser à son employeur des avis d'arrêt de travail tandis que le médecin du travail a émis deux avis d'inaptitude le 20 avril 2011 et le 27 mai 2011. Il n'est ainsi pas établi, par la seule référence aux avis du comité médical du 4 août 2011 et de la commission de réforme du 17 janvier 2013, que l'état de santé de Mme A... lui aurait permis d'être réintégrée. En outre, Mme A... n'établit pas que l'EHPAD Jean Collery aurait été à même de lui proposer un poste en vue de son reclassement au cours de la période du 14 janvier 2011 au 9 janvier 2014. Compte tenu de ces éléments, elle n'établit pas que les décisions du 14 mars et du 25 mai 2011 l'ont privée d'une chance d'être réintégrée ou reclassée à la date du 14 janvier 2011 et, en toute hypothèse, avant le 9 janvier 2014. Par suite, le préjudice financier dont Mme A... se prévaut pour la période du 14 janvier 2011 au 9 janvier 2014 ne présente pas un caractère certain et ne saurait, dès lors, ouvrir droit à réparation.

19. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 15 ci-dessus, Mme A... a été rétroactivement réintégrée à compter du 9 janvier 2014, par une décision du 21 décembre 2016, en exécution du jugement du 15 juin 2016. Alors qu'elle n'allègue pas que son entier traitement ainsi que les primes dont elle avait une chance sérieuse de bénéficier, à l'exclusion de celles liées à des sujétions spécifiques, ne lui ont pas été versées en conséquence de cette décision, elle n'établit pas avoir subi à cet égard un préjudice correspondant à la période postérieure au 9 janvier 2014.

20. En troisième lieu, compte tenu des difficultés rencontrées par Mme A... pendant plusieurs années pour obtenir la régularisation de sa situation administrative, il y a lieu d'évaluer le préjudice moral résultant de l'illégalité fautive des décisions la plaçant en disponibilité puis la radiant des cadres à la somme de 3 000 euros.

En ce qui concerne la prescription quadriennale :

21. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Pour l'application de ces dispositions, le délai de prescription de la créance dont se prévaut un agent du fait du retard mis par l'administration à le placer dans une situation statutaire régulière court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l'acte ayant régularisé sa situation.

22. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'illégalité résultant des décisions plaçant Mme A... en disponibilité et prolongeant cette mesure n'a pu être régularisée par la décision du 25 mars 2014, qui a été ultérieurement annulée. La décision du 21 décembre 2016, par laquelle l'EHPAD Jean Collery a réintégré Mme A... à compter du 9 janvier 2014 et l'a admise à la retraite pour inaptitude physique à la date du 21 octobre 2014 est intervenue postérieurement à la demande préalable indemnitaire du 21 février 2016. Par suite, l'EHPAD Jean Collery n'est pas fondé soutenir que la créance indemnitaire dont se prévaut Mme A... serait prescrite en application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968.

En ce qui concerne les intérêts :

23. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. Par suite, Mme A... a droit aux intérêts de la somme de 3 000 euros à compter de la date de la demande préalable, le 24 février 2016.

24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande à concurrence d'un montant de 3 000 euros outre intérêts.

Sur les frais liés aux instances :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que l'EHPAD Jean Collery demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2018 est annulé.

Article 2 : L'EHPAD Jean Collery est condamné à verser à Mme A... une somme de 3 000 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2016.

Article 3 : L'EHPAD Jean Collery versera à Mme A... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Jean Collery.

N° 18NC01354 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01354
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Changement de cadres, reclassements, intégrations. Questions d'ordre général.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : DE LA ROCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc01354 ?
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