Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui verser la somme de 43 000 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux résultant d'un accident de service survenu le 13 février 2012 et des frais médicaux afférents.
Par un jugement no 1601748 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à verser à M. A... une somme de 3 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 avril 2018 et le 4 février 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du Châlons-en-Champagne du 13 février 2018 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 54 900 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux et des frais médicaux, assortie des intérêts à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute de comporter les signatures requises ;
- la carence de l'administration à prendre des mesures de nature à protéger sa sécurité et sa santé est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- ses frais médicaux n'ont pas été pris en charge ;
- il a été placé, à compter du 20 février 2012, en congé de longue maladie, puis de longue durée pour une pathologie, reconnue imputable au service, ayant conduit à son inaptitude définitive à reprendre ses fonctions de brigadier au sein de l'établissement pénitentiaire de Villenauxe-la-Grande ;
- l'Etat est responsable même sans faute des préjudices extrapatrimoniaux qu'il a subis du fait de l'accident de service ;
- sa pathologie lui a occasionné un déficit fonctionnel temporaire ;
- il a enduré des souffrances physiques et psychiques et subi un préjudice moral ;
- il appartient au juge d'ordonner une expertise avant-dire droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°82-453 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est agent titulaire de l'administration pénitentiaire, affecté en dernier lieu au centre de détention de Villenauxe-la-Grande en qualité de brigadier. A la suite d'un accident survenu le 13 février 2012, reconnu imputable au service, M. A... a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 20 février 2012 puis en congé de longue maladie et en congé de longue durée. Sur sa demande, il a été admis à la retraite à compter du 11 octobre 2015. Après le rejet de la demande préalable qu'il avait formée le 30 mai 2016, il a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui, par un jugement du 13 février 2018, n'a condamné l'Etat à lui verser qu'une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et des souffrances endurées consécutivement à l'accident de service survenu le 13 février 2012. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande et porte le montant des indemnités demandées à la somme de 51 900 euros en réparation des préjudices extrapatrimoniaux outre une somme de 3 000 euros en remboursement des frais médicaux exposés.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent.
Sur le droit à réparation des suites de l'accident de service :
4. En vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, rappelées ci-dessus, qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. En revanche, ces dispositions ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat :
5. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". En outre, aux termes de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Selon l'article 3 du même texte : " Dans les administrations et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ".
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... n'a informé sa hiérarchie de l'altercation survenue en service le 13 février 2012 que le 18 février suivant, date de son courrier relatant ces faits ainsi que la fouille de son vestiaire par un de ses supérieurs et il n'est pas contesté que le directeur du centre de détention de Villenauxe-la-Grande a diffusé dès le 20 février 2012 une lettre circulaire intimant aux agents de prévenir et faire cesser toute situation de harcèlement.
7. Par ailleurs, il ne résulte ni de la note de service du 18 septembre 2009 portant réorganisation du travail ni d'aucune autre pièce du dossier que pendant la période précédant le placement de M. A... en congé de maladie, la charge de travail de ce dernier se serait accrue d'une manière excessive au regard des dispositions précitées visant à assurer la protection de la santé et de l'intégrité physique des agents.
8. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions de prise en charge, par l'administration, d'un accident antérieur survenu le 13 novembre 2011, également reconnu comme imputable au service, seraient constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne saurait prétendre à la réparation intégrale des préjudices qu'il impute à l'accident de service selon les conditions du droit commun de la responsabilité pour faute.
En ce qui concerne l'application du régime légal de réparation :
10. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
11. En l'espèce, M. A... ne démontre pas qu'il aurait été amené à exposer des frais et honoraires médicaux directement entraînés par la maladie ou l'accident et qui n'auraient pas été pris en charge. En particulier, ni la nature précise des actes médicaux effectués, ni le montant des honoraires et frais médicaux restés à la charge du demandeur, ni même le lien entre ces actes et l'accident de service survenu le 13 février 2012 ne sont établis par les pièces du dossier. Par suite, M. A... n'est pas fondé à demander à être indemnisé de ces frais, qu'il évalue forfaitairement à la somme de 3 000 euros.
En ce qui concerne le droit à réparation des préjudices non pris en compte par le régime légal :
12. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi par le docteur Maczyta le 3 juin 2015, que M. A... présente une névrose à composante dépressive de nature chronique et peu évolutive. Compte tenu du taux d'incapacité de 15 % retenu par ce rapport, et qui n'est pas contesté en défense, et de l'absence de consolidation de l'état de M. A... à la date du présent arrêt, il y a lieu d'estimer le préjudice correspondant au déficit fonctionnel temporaire subi entre le 13 février 2012 et la date du présent arrêt à la somme de 4 500 euros.
13. En deuxième lieu, compte tenu de la durée de la pathologie psychiatrique et de sa conséquence sur la perte d'activité, il y a lieu de porter l'indemnisation allouée à M. A... au titre de son préjudice moral à la somme de 3 000 euros.
14. En dernier lieu, en se bornant à faire valoir qu'il a été déclaré définitivement inapte à toute fonction et qu'il est régulièrement suivi par un médecin psychiatre, M. A... n'établit pas qu'ainsi qu'il le soutient, l'existence de souffrances imputables à son placement en congé de maladie et à sa mise à la retraite et de nature à lui ouvrir droit à réparation.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner, avant-dire droit, une expertise, que M. A... est seulement fondé à demander que l'indemnité que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à lui verser soit portée à la somme de 7 500 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
17. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 3 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. A... par le jugement du 13 février 2018 est portée à 7 500 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1601748 du 13 février 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
N° 18NC01213 2