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23/07/2020 | FRANCE | N°18NC01038

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 juillet 2020, 18NC01038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 27 juin 2016 par laquelle le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Marne a révisé les modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et établissements publics de coopération intercommunale et de mettre à la charge du SDIS de la Marne la somme de 2 000 euros au tit

re de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 27 juin 2016 par laquelle le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Marne a révisé les modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et établissements publics de coopération intercommunale et de mettre à la charge du SDIS de la Marne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601758 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée, sous le n° 18NC01038, le 29 mars 2018, et un mémoire, enregistré le 17 septembre 2018, la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne, représentée par la SELAS Devarenne associés Grand-Est, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 janvier 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 27 juin 2016 par laquelle le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Marne a révisé les modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et établissements publics de coopération intercommunale ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun débat n'a été organisé en amont de la délibération contestée sur la répartition des contributions entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale du département, en méconnaissance de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales ;

- il n'a pas été tenu compte, pour le calcul du montant global de la contribution, de la présence de sapeurs-pompiers volontaires parmi les effectifs des communes composant la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne ;

- à défaut de délibération prise dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 1424-35, précité, la contribution de chaque commune et de chaque établissement public de coopération intercommunale est calculée, dans des conditions fixées par décret, en fonction de l'importance de sa population, de son potentiel fiscal par habitant ainsi que de la part de sa contribution dans le total des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale constatée dans le dernier compte administratif connu ;

- les critères définis par le conseil d'administration méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques ;

- la lecture de la délibération ne permet pas d'apprécier si l'ensemble des prescriptions de l'article R. 1424-16 du code général des collectivités territoriales et de l'article 2 du règlement intérieur du SDIS ont été respectées ;

- le SDIS ne justifie pas que la commune de Dizy répondrait au critère d'un délai moyen opérationnel départemental de 9,2 minutes maximum et il ne peut être envisagé de faire supporter à cette commune, et donc à la communauté de communes, des frais afférents à des centres de secours principaux qui n'interviennent pas dans le secteur de Dizy, cette commune étant rattachée au centre de secours principal d'Epernay ;

- le SDIS ne justifie pas des coefficients appliqués aux communes d'Ambonnay, Avenay Val d'Or, Aÿ, Bisseuil, Bouzy, Champillon, Dizy, Germaine, Hautvillers, Louvois, Mareuil-sur-Aÿ, Mutigny, Nanteuil-la-Forêt, Saint-Imoges, Fontaine-sur-Aÿ, Tauxières-Mutry et Tours-sur-Marne, qui supportent également des frais afférents à des centres de secours principaux qui n'interviennent pas dans leur secteur ;

- aucun justificatif n'est apporté s'agissant de la troisième clef de répartition correspondant au potentiel financier communal.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet 2018 et 15 avril 2019, le SDIS de la Marne, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 27 juin 2016, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Marne a fixé de nouvelles modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et établissements public de coopération intercommunale au financement du service d'incendie et de secours. La communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne relève appel du jugement du 30 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la légalité de la délibération du 27 juin 2016 :

2. Aux termes de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales : " (...) Les modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour la gestion des services d'incendie et de secours au financement du service départemental d'incendie et de secours sont fixées par le conseil d'administration de celui-ci. Le conseil d'administration peut, à cet effet, prendre en compte au profit des communes et des établissements publics de coopération intercommunale la présence dans leur effectif d'agents publics titulaires ou non titulaires ayant la qualité de sapeur-pompier volontaire, la disponibilité qui leur est accordée pendant le temps de travail ou les mesures sociales prises en faveur du volontariat. Le conseil d'administration peut, en outre, prendre en compte la situation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale situés dans les zones rurales ou comptant moins de 5 000 habitants (...) Par dérogation au quatrième alinéa du présent article, les contributions au budget du service départemental d'incendie et de secours des communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre créé après le 3 mai 1996 peuvent faire l'objet d'un transfert à cet établissement, dans les conditions prévues à l'article L. 5211-17. Dans ce cas, la contribution de cet établissement public de coopération intercommunale est déterminée en prenant en compte l'addition des contributions des communes concernées pour l'exercice précédant le transfert de ces contributions à l'établissement public de coopération intercommunale. / La présence d'agents publics titulaires ou non titulaires ayant la qualité de sapeur-pompier volontaire parmi les effectifs des communes membres de cet établissement peut être prise en compte pour le calcul du montant global de la contribution qu'il verse (...) Dans les six mois suivant le renouvellement des conseils d'administration prévu à l'article 126 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 précitée, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours organise un débat portant sur la répartition des contributions entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale du département. / Si aucune délibération n'est prise dans les conditions prévues au troisième alinéa, la contribution de chaque commune et de chaque établissement public de coopération intercommunale est calculée, dans des conditions fixées par décret, en fonction de l'importance de sa population, de son potentiel fiscal par habitant ainsi que de la part de sa contribution dans le total des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale constatée dans le dernier compte administratif connu ".

En ce qui concerne la légalité externe :

3. En premier lieu, si les dispositions précitées imposent aux conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours d'organiser, dans les six mois suivant leur renouvellement, un débat portant sur la répartition des contributions entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale du département, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'adoption de la délibération du 27 juin 2016, fixant les modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et établissement publics de coopération intercommunale au financement du service départemental d'incendie et de secours, n'aurait été précédée d'aucun débat au sein du conseil d'administration, alors qu'il n'est pas contesté, au demeurant, qu'un échange sur ce point avait eu lieu dès la séance du conseil d'administration du 9 octobre 2015 et avait été suivi de cinq réunions d'un groupe de travail composé d'élus du conseil d'administration de novembre 2015 à juin 2016 ainsi que d'une réunion de présentation aux présidents d'établissement publics de coopération intercommunale le 23 juin 2016. Par suite, le moyen tiré de ce que le débat prévu par les dispositions précitées de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales n'aurait pas été organisé avant que le conseil d'administration du SDIS de la Marne n'arrête la répartition des contributions entre communes et établissements publics de coopération intercommunale du département, doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir que la lecture de la délibération du 27 juin 2016 ne permet pas d'apprécier si l'ensemble des règles de procédure régissant les séances du conseil d'administration du SDIS, telles que prévues par l'article R. 1424-16 du code général des collectivités territoriales et l'article 2 du règlement intérieur du SDIS de la Marne, ont été respectées, sans préciser sur quels points et pour quels motifs ces textes auraient été méconnus, la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne ne met pas la cour à même d'apprécier la portée du moyen qu'elle invoque.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales prévoient que, pour la fixation des modalités de calcul et de répartition des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale au financement du service départemental d'incendie et de secours, les conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours ont la faculté, et non l'obligation, de prendre en compte au profit des communes et des établissements publics de coopération intercommunale la présence dans leur effectif d'agents publics titulaires ou non titulaires ayant la qualité de sapeur-pompier volontaire. Par suite, en ne prenant pas en compte la présence de sapeurs-pompiers volontaires parmi les effectifs des communes qui composent la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne, le conseil d'administration du SDIS de la Marne n'a pas entaché d'illégalité sa délibération du 27 juin 2016.

6. En deuxième lieu, la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne soutient que la délibération du 27 juin 2016 méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques, en faisant valoir qu'elle a pris l'engagement d'assurer la maîtrise d'ouvrage et le portage financier du projet de construction du nouveau centre de secours départementalisé à Tours-sur-Marne et a financé le premier appel du centre de secours départementalisé d'Epernay. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce dernier centre de secours n'est pas au nombre des biens ayant été transférés au SDIS de la Marne. Il en résulte qu'en application de l'article L. 1424-12 du code général des collectivités territoriales, ce dernier n'était pas compétent pour construire, acquérir ou louer les biens nécessaires au fonctionnement de ce centre, qu'il n'avait pas, en conséquence, à assurer la charge financière afférente à ces opérations et que la participation alléguée au financement du premier appel de ce centre n'avait pas davantage à être prise en compte dans les modalités de calcul et de répartition de la contribution des communes et établissements publics intercommunaux au financement du service départemental d'incendie et de secours. En outre, la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne n'apporte pas les précisions utiles permettant d'apprécier si son engagement d'assurer la maîtrise d'ouvrage et le portage financier du projet de construction du nouveau centre de secours départementalisé à Tours-sur-Marne impliquait la prise en compte des dépenses correspondantes dans le calcul des contributions des communes et établissements publics concernés au financement du service d'incendie et de secours, ni si l'absence de cette prise en compte conduisait à lui faire supporter une contribution manifestement hors de proportion avec la différence de situation entre elle-même et les autres communes ou établissements publics de coopération intercommunale du département. Dans ces conditions, la répartition à laquelle a procédé la délibération contestée ne peut être regardée comme ayant méconnu, à cet égard, le principe d'égalité devant les charges publiques.

7. En troisième lieu, la contribution financière due par les communes ou établissements publics de coopération intercommunale n'est pas le paiement du prix d'un service dont les communes seraient les usagers, mais une charge qui leur incombe pour le bon fonctionnement d'un service public dont ils ont la responsabilité en vertu de la loi. Dès lors, la mutualisation des dépenses afférentes au fonctionnement des divers centres de secours du département ne saurait être regardée comme illégale du seul fait qu'elle conduit des communes ou établissements publics de coopération intercommunale à participer au financement de centres de secours auxquels ils ne sont pas rattachés et des interventions desquelles ils bénéficient pas. Par suite, la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne n'est pas fondée à soutenir que la délibération du 27 juin 2016 aurait illégalement prévu de mettre à sa charge une part de mutualisation des dépenses de garde postée des centres de secours principaux.

8. En quatrième lieu, en se bornant à soutenir que le service départemental d'incendie et de secours de la Marne ne justifie ni de ce que la commune de Dizy répondrait au critère d'un délai moyen opérationnel départemental de 9,2 minutes, ni des coefficients de modulation liés aux délais effectifs d'intervention appliqués aux 17 communes qui la composent, ni enfin des chiffres appliqués à celles-ci au titre du critère du potentiel financier communal, sans apporter de commencement de justification quant à l'existence de possibles inexactitudes ou erreurs dans l'établissement de ces données au regard des modalités de calcul définies par la délibération du 27 juin 2016, la communauté de communes de la Grande vallée de la Marne ne met pas la cour en mesure d'apprécier la portée des moyens qu'elle invoque.

9. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit, l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales prévoit qu'à défaut de délibération prise dans les conditions prévues au troisième alinéa de cet article, la contribution de chaque commune et de chaque établissement public de coopération intercommunale est calculée, dans des conditions fixées par décret, en fonction de l'importance de sa population, de son potentiel fiscal par habitant ainsi que de la part de sa contribution dans le total des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale constatée dans le dernier compte administratif connu. Toutefois, il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne trouvent à s'appliquer qu'en cas de défaillance du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours à fixer les modalités de calcul et de répartition de cette contribution. La communauté de commune de la Grande Vallée de la Marne ne saurait donc utilement invoquer ces dispositions à l'encontre de la délibération du 27 juin 2016, dont l'objet est de fixer ces modalités.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de commune de la Grande Vallée de la Marne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 27 juin 2016

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du SDIS de la Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 1 500 euros au SDIS de la Marne, au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne est rejetée.

Article 2 : La communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne versera au service départemental d'incendie et de secours de la Marne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié sera notifié à la communauté de communes de la Grande vallée de la Marne et au service départemental d'incendie et de secours de la Marne.

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N° 18NC01038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01038
Date de la décision : 23/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Égalité devant le service public.

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Services publics locaux - Dispositions particulières - Services d'incendie et secours.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP CHOFFRUT-BRENER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-23;18nc01038 ?
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