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09/07/2020 | FRANCE | N°19NC03530

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 09 juillet 2020, 19NC03530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 1903578 du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :<

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Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2019, M. A... E... C..., représenté par Me B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 1903578 du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2019, M. A... E... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903578 du tribunal administratif de Strasbourg du 8 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 21 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'un vice de procédure, faute pour le préfet du Bas-Rhin d'avoir démontré que le médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- la décision méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Un mémoire, enregistré le 18 juin 2020, a été présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E... C... est un ressortissant ghanéen, né le 11 juillet 1979. Il a déclaré être entré en France le 2 septembre 2011. Le 9 février 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 novembre 2018, le préfet du Bas-Rhin, par un arrêté en date du 21 mars 2019, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. C... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2019. Il relève appel du jugement n°1903578 du 8 juillet 2019, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces que le médecin ayant établi le 6 juillet 2018 le rapport médical visé aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont l'identité est mentionnée tant sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 novembre 2018 lui-même que sur son bordereau de transmission du même jour aux services de la préfecture, ne fait partie des trois médecins signataires de cet avis et doit, en conséquence, être regardé comme n'ayant pas siégé au sein de leur collège. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut être accueilli.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. "

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'admettre au séjour M. C... en qualité d'étranger malade, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 novembre 2018. Or il ressort de cet avis que l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine. Si le requérant fait valoir qu'il présente un syndrome dépressif réactionnel et un état psychotique chronique, causé par le départ de son épouse et de ses trois enfants lorsqu'il résidait encore au Ghana, les pièces qu'il verse au dossier et, plus particulièrement, les certificats médicaux des 1er et 25 avril, 31 mai et 29 juillet 2019, qui sont au demeurant tous postérieurs à la décision en litige, ne sont pas de nature, eu égard aux termes dans lesquels ces documents sont rédigés, à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le préfet du Bas-Rhin quant aux conséquences résultant d'un défaut de prise en charge médicale et quant à la capacité de l'étranger à voyager sans risque à destination de son pays d'origine. En outre, contrairement aux allégations de l'intéressé, le certificat médical confidentiel du 22 février 2018, adressé au médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en charge de l'établissement du rapport médical, décrit précisément sa pathologie psychiatrique, faisant notamment état d'un traumatisme très violent impactant son psychisme, d'un repli sur soi confinant à l'autisme, d'une crainte du monde environnant proche de l'agoraphobie, d'insomnies, de cauchemars et d'idées suicidaires. Par suite, et alors qu'il n'est pas démontré qu'un retour au Ghana serait de nature à aggraver l'état de santé du requérant et que celui-ci indique lui-même avoir été hospitalisé dans un service psychiatrique dans son pays d'origine à la suite d'une tentative de suicide, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite et alors que le préfet du Bas-Rhin n'a pas examiné d'office si l'intéressé pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté comme inopérant.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si M. C... fait valoir qu'il serait présent sur le territoire français depuis le 2 septembre 2011, il ne justifie d'aucune attache familiale ou même personnelle en France et n'apporte aucun élément permettant d'apprécier son intégration professionnelle ou sociale. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment ses trois enfants mineurs, ses parents et un frère. La circonstance qu'il serait soutenu par une communauté religieuse depuis son arrivée en France ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, ces deux moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

10. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Par suite, ce dernier moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 21 mars 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent elles aussi être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

N° 19NC03530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03530
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP KLING ET BARBY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-09;19nc03530 ?
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