Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement no 1908153 du 12 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2019, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 12 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la compétence de son signataire n'est pas établie ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il n'a pas été invité à présenter des observations en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations et de l'administration alors que le préfet n'a pas statué sur une demande et qu'il n'y avait pas d'urgence ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait, méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation concernant les conséquences de l'arrêt d'un traitement sur son état de santé ;
- il ne pourra pas bénéficier des soins nécessaires à son état de santé en Algérie ; quatre des médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles en Algérie et en l'absence de couverture maladie, il ne pourra pas accéder aux médicaments nécessaires ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne pourra pas accéder aux soins nécessaires à son état de santé ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu des risques pour sa santé ;
- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public du fait d'un vol pour lequel il a été condamné ;
- la décision contestée méconnaît l'article L. 1110-1 du code de la santé publique.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- la décision contestée doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision contestée doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu des risques pour sa santé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision contestée doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 14 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mars 2020 à 12 heures.
Le préfet du Bas-Rhin a produit un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2020.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né en 1989, est entré irrégulièrement en France et a sollicité, le 16 avril 2017, un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un jugement du 26 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. A... a été condamné à une peine d'emprisonnement de dix mois par un jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg du 29 avril 2019 pour des faits de vol en réunion, récidive et refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique. Par un arrêté du 28 octobre 2019, le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... fait appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 12 novembre 2019 qui a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 22 octobre 2019, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 23 octobre 2019, le préfet du Bas-Rhin a donné délégation, en cas d'absence ou d'empêchement du secrétaire général, à Mme Nadia Idiri, secrétaire générale adjointe de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions en matière de police des étrangers. Il n'est pas établi que le secrétaire général de la préfecture n'aurait pas été absent ou empêché le jour de la signature de l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'incompétence de sa signataire doit être écarté comme manquant en fait.
3. La décision contestée comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A....
5. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
6. M. A... fait valoir que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise à l'issue d'une procédure contradictoire en méconnaissance des dispositions précitées. Toutefois, il ressort des dispositions des articles L. 512-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'administration signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire.
7. M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien dès lors que la décision en litige ne lui refuse pas la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.
8. M. A... ne peut pas utilement soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur de fait concernant son état de santé dès lors que cette décision ne mentionne, concernant cet état de santé, aucun autre élément que l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans le cadre d'une précédente demande de titre de séjour.
9. M. A..., qui n'établit pas sa présence en France avant 2017, est célibataire et sans enfant. S'il est suivi pour des troubles psychiatriques, cette circonstance n'est pas de nature à établir que son éloignement du territoire français porterait atteinte à sa vie privée et familiale. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. M. A... fait valoir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il bénéficie d'un suivi psychiatrique et d'un traitement médicamenteux dont l'interruption aura pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pourra pas accéder au traitement nécessaire à son état de santé dans son pays d'origine. Toutefois, les pièces médicales produites par l'intéressé, qui se bornent à mentionner son suivi médical, son traitement médicamenteux et à indiquer, sans plus de précision, qu'un arrêt de son traitement aura pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ne sont pas de nature à établir qu'en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation alors que, ainsi que l'a rappelé la décision en litige, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans son avis du 31 janvier 2018, a estimé que si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge, son défaut ne devrait pas avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité.
11. M. A... ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu des risques pour sa santé, dès lors que la décision en litige n'a pas pour objet de fixer le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)/ 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) /7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
13. M. A... soutient que le préfet ne pouvait pas prendre l'arrêté contesté sur le fondement du 7°) du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public. Toutefois, il ressort des motifs même de l'arrêté en litige que la mesure d'éloignement n'est pas fondée sur la menace à l'ordre public que représenterait l'intéressé mais sur son entrée et son maintien irréguliers sur le territoire national. Par suite, M. A..., qui ne conteste pas entrer dans le champ d'application du 1°) du I de l'article L. 511-1 précité, ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français le moyen tiré de ce qu'il ne constituerait pas une menace à l'ordre public. Ce moyen doit ainsi être écarté.
14. Si M. A... soutient que la décision contestée méconnait son droit fondamental à la santé garanti par l'article L. 1110-1 du code de la santé publique, il a été indiqué au point 10 que l'intéressé n'établissait pas, par les pièces qu'il a produites, qu'un défaut de traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Par suite, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'a pas établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'a pas établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
17. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
18. Il ressort des pièces du dossier que la présence en France de M. A... est établie au mieux depuis 2017, qu'il n'a pas justifié d'attaches sur le territoire français et qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné par le tribunal correctionnel de Strasbourg le 1er mars 2017 à une peine de trois mois d'emprisonnement pour des faits de vol avec dégradation commis le 28 février 2017. Par un second jugement du 29 avril 2019, le tribunal correctionnel de Strasbourg l'a également condamné à une peine de dix mois d'emprisonnement pour des faits de vol en réunion en état de récidive et refus de de soumettre aux vérifications tendant à établir son état alcoolique. Ainsi au regard de la gravité et du caractère répété des agissements de l'intéressé, M. A... doit être regardé comme constituant une menace à l'ordre public. Dans ces conditions, en prononçant à l'encontre du requérant une interdiction de retour d'une durée de deux ans, le préfet du Bas-Rhin n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.
19. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 9 et 10.
20. M. A... ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la décision en litige n'a pas pour objet de fixer le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
21. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'a pas établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
22. Si M. A... soutient qu'il ne pourra pas bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine dès lors qu'il souffre d'une névrose traumatique relative à des faits vécus dans son pays d'origine lorsqu'il était dans l'armée, il ressort des pièces du dossier que son frère et son père souffrent également de pathologies psychiatriques. Ainsi, le lien entre son état de santé et des évènements vécus dans son pays d'origine n'est pas établi. En outre, ainsi qu'il a été indiqué au point 10, l'intéressé n'établit pas que l'absence de traitement aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction et d'astreinte et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour M. C... A... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
N° 19NC03639 2