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02/07/2020 | FRANCE | N°19NC03020

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 02 juillet 2020, 19NC03020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900226 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 2

2 octobre 2019 et le 22 janvier 2020, M. A..., représenté par la SELARL Abdelli et Alves, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900226 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 22 octobre 2019 et le 22 janvier 2020, M. A..., représenté par la SELARL Abdelli et Alves, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2019 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des dispositions de l'article 47 du code civil et L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il s'est abstenu de saisir les autorités étrangères sur le caractère frauduleux des actes d'état civil produits ;

- c'est à tort que pour contester la validité des documents d'état civil produits, les services préfectoraux se sont fondés sur un unique courriel de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée et Sierra Léone, non signé et dont le rédacteur n'est pas identifié et qui conclut au caractère apocryphe des documents ; ce courriel est dépourvu de caractère probant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il bénéficie d'un contrat jeune majeur, qu'il dispose du soutien de ses éducateurs et qu'il est parfaitement intégré.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

- est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 17 septembre 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, qui a déclaré être né le 1er novembre 2000, est entré irrégulièrement en France le 18 mai 2017. Le 12 juin 2017, il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Doubs en raison de sa minorité déclarée. Le 23 octobre 2018, il a bénéficié d'un contrat jeune majeur. Le 24 septembre 2018, il a sollicité son admission au séjour auprès du préfet du Doubs sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 novembre 2018, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A... relève appel du jugement du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " .

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". En vertu de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

5. Il est constant que le préfet du Doubs n'a pas procédé auprès des autorités guinéennes, dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code civil et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux vérifications des documents d'état civil produits par M. A..., constitués à la date de la décision attaquée d'une part, d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° 1386 établi le 26 septembre 2017 par la cour d'appel de Conakry qui l'identifie au nom de A... Mamoudou, né le 1er novembre 2000 à N'Zérékoré ainsi que sa transcription du 28 septembre 2017 et d'autre part, une carte d'identité consulaire délivrée le 16 janvier 2018 par l'ambassade de la République de Guinée à Paris, indiquant également qu'il est né le 1er novembre 2000 à N'Zérékoré. Ces documents ne contenaient aucune mention permettant de les regarder comme étant manifestement frauduleux, nonobstant les omissions relevées sur le jugement supplétif précité, telles que l'absence de mention des dates de naissance des parents, qui ne sont pas de nature à révéler par elles-mêmes le caractère apocryphe de ces actes. Par suite, eu égard à l'ensemble de ces éléments, le préfet du Doubs, en s'estimant dispensé de l'obligation de saisir les autorités guinéennes pour vérifier l'authenticité de ces documents, a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur de droit alors même qu'il a saisi la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone, laquelle a précisé dans un courriel du 12 octobre 2019, non signé, que le jugement supplétif précité, tenant lieu d'acte de naissance fourni par l'intéressé et sa transcription, sont apocryphes. Par conséquent, il y a lieu d'annuler pour erreur de droit la décision de refus de séjour, ainsi que par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi.

6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'annulation pour erreur de droit prononcée ci-dessus du refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'implique pas, eu égard aux autres conditions posées par cet article, la délivrance, à la date à laquelle la cour statue, d'un tel titre. Il y a lieu, dans ces conditions, d'enjoindre seulement au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et les dépens :

8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SELARL Abdelli et Alves, avocat de M. A... C... la somme de 1 500 euros au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 1900226 du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2018 du préfet du Doubs portant refus de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de destination est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs, de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A... présentée sur le fondement de l'article sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. A... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Doubs.

N° 19NC03020 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03020
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : ABDELLI - ALVES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-02;19nc03020 ?
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