La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2020 | FRANCE | N°19NC01450

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 02 juillet 2020, 19NC01450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 août 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1805410 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enreg

istrés le 17 mai 2019 et le 4 février 2020, M. A..., représenté par Me Mehl, demande à la cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 août 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1805410 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 mai 2019 et le 4 février 2020, M. A..., représenté par Me Mehl, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 janvier 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 août 2018 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- elle n'est pas suffisamment motivée en droit au regard des exigences des articles L.211-1 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'elle ne mentionne le 7°) du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a entaché sa décision d'erreur de fait en retenant que sa date de naissance n'était pas celle mentionnée dans les documents officiels du Bangladesh ;

- le préfet a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il doit bénéficier de la présomption de l'article 47 du code civil dès lors que le défaut d'authenticité des documents émanant de l'ambassade du Bangladesh en France n'est établi par aucun élément probant ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu d'une part, qu'il avait fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits commis en " bande organisée " et d'autre part, que son identité et son âge avaient été vérifiés auprès des autorités anglaises alors qu'il est originaire du Bangladesh ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne tenant pas compte de la durée de son séjour en France ainsi que de sa situation scolaire et professionnelle actuelle qui démontre sa réelle volonté d'intégration ;

- la peine d'emprisonnement ferme prononcée à son encontre a fait l'objet d'un aménagement sous la forme d'une conversion en jours-amendes qu'il a réglés, ce qui témoigne de sa volonté de respecter les décisions prises par les autorités judiciaires françaises.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'un retour dans son pays d'origine porterait une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale prévu par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 25 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Stenger, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais, est entré en France le 12 septembre 2012. Se déclarant mineur, il a été confié au service d'aide sociale à l'enfance. Il a sollicité le 13 mars 2014 son admission au séjour en se prévalant des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 août 2018, le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourrait être renvoyé d'office. M. A... relève appel du jugement du 8 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, comme l'ont relevé les premiers juges, l'arrêté contesté mentionne les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 313-15, L. 511-1, I, 3°) et L. 511-1, II. Il fait état des conditions d'entrée et de séjour du requérant et indique sa situation administrative ainsi que la condamnation pénale dont il a fait l'objet. Dans ces conditions, la décision contestée comporte, de manière suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de motivation du refus de titre de séjour doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " .

4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". En vertu de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".

5. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, que comme l'a constaté le préfet dans l'arrêté contesté, par une ordonnance de renvoi rendue le 18 juillet 2017, le juge judiciaire a relevé que le requérant avait reconnu détenir des documents falsifiés qui lui avaient permis d'obtenir indûment une prise en charge par le service d'aide sociale à l'enfance du conseil départemental de Bas-Rhin, évaluée par le tribunal correctionnel de Strasbourg à 87 000 euros dans le jugement du 16 février 2018. Il a par ailleurs reconnu que sa date de naissance était le 1er janvier 1984 et non le 13 mai 1996. Il a également admis avoir mis à disposition et utilisé son ordinateur afin d'aider des compatriotes en situation irrégulière sur le territoire français et avoir remis des tampons, qu'il avait lui-même utilisés, à un complice pour ses activités de faussaire dans le cadre d'une filière clandestine dite des " Kinders " dans le département du Bas-Rhin. Dans ces conditions, M. A... ne contredit pas ces constatations du juge pénal par les documents qu'il produits à l'instance et qui ne présentent pas, eu égard à ce qui vient d'être dit, une garantie d'authenticité. Il s'ensuit que c'est sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur de droit que le préfet du Bas-Rhin a estimé que l'intéressé, qui était majeur lorsqu'il est entré en France et déjà âgé de 32 ans à la date de sa demande de titre de séjour et dont la présence constitue une menace pour l'ordre public, ne pouvait se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, M. A... se prévaut de ses efforts d'intégration dans la société française en faisant valoir, d'une part, qu'il a obtenu des diplômes d'étude de la langue française, un certificat d'aptitude professionnelle spécialité " restaurant " et un baccalauréat professionnel dans la même spécialité et, d'autre part, qu'il occupe un emploi dans un restaurant en exécution d'un contrat à durée indéterminée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a aucune attache en France. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard au comportement ci-dessus analysé de l'intéressé qui a été sanctionné par une peine d'emprisonnement ferme pour des faits de falsification de documents d'identité, le préfet du Bas-Rhin, en refusant de l'admettre au séjour, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision au regard de la situation personnelle de l'intéressé. La circonstance que la peine d'emprisonnement ferme prononcée à son encontre a fait l'objet d'un aménagement sous la forme d'une conversion en jours-amendes qu'il a réglés est sans influence sur la légalité de la décision contestée.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant du pays de renvoi :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 qu'en fixant comme pays de renvoi le Bangladesh, pays dont M. A... a la nationalité, le préfet du Bas-Rhin n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour le même motif, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences au regard de la situation personnelle de l'intéressé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

13. L'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A... une somme en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

N° 19NC01450 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01450
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : MEHL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-02;19nc01450 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award