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02/07/2020 | FRANCE | N°19NC00396

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 02 juillet 2020, 19NC00396


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1805701 du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du 3 juillet 2018 et a enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A...

dans un délai de deux mois à compter du jugement.

Procédure devant la cour :

I. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1805701 du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du 3 juillet 2018 et a enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter du jugement.

Procédure devant la cour :

I. ) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 février 2019 et 10 juin 2020, sous le N°19NC00396, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour d'annuler ce jugement du 30 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 3 juillet 2018 par lequel il a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter du jugement.

Il soutient que :

- la procédure devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration est régulière, le médecin instructeur n'ayant pas siégé au sein du collège des médecins ;

- M. A... ne souffre pas d'une pathologie dont le défaut de soins entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et il peut voyager ;

- M. A... ne justifie pas d'une intégration en France et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 15 et 16 mai 2019, M. B... A..., représenté par Me Mehl, conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de la procédure de première instance et de 1 200 euros au titre de la procédure en appel, à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Bas-Rhin ne sont pas fondés.

II. ) Par une requête, enregistrée le 12 février 2019, sous le N°19NC00398, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement n° 1805701 du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2019.

Il soulève les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui de la requête n°19NC00396.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2019, M. B... A..., représenté par Me Mehl, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Bas-Rhin ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 10 juin 2020, le préfet du Bas-Rhin déclare se désister purement et simplement de la requête à fin de sursis à l'exécution du jugement contesté.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mai 2019.

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19NC00396 et n° 19NC00398 concernent la situation d'un même étranger et sont dirigées contre un même jugement. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. A..., né en 1996 de nationalité ukrainienne, serait entré irrégulièrement en France le 19 octobre 2014 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 juillet 2015 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 janvier 2016. Par arrêté du 23 août 2016, M. A... a bénéficié d'un titre de séjour d'un an pour raisons de santé. Par arrêté du 3 juillet 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement du 30 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du 3 juillet 2018 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter du jugement.

Sur le sursis à exécution du jugement de première instance :

3. Le préfet du Bas-Rhin déclare se désister de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement de première instance. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Strasbourg :

4. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...). La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

5. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

6. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté litigieux au motif que le préfet du Bas-Rhin n'a produit aucun élément de nature à établir que le médecin instructeur n'aurait pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, cette carence privant M. A... d'une garantie.

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin produit pour la première fois en appel le bordereau de transmission de l'avis du 15 mars 2018 émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration où figure le nom du médecin ayant rédigé le rapport prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Eu égard aux noms des trois médecins portés sur l'avis du 15 mars 2018, le préfet justifie ainsi que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui s'est prononcé sur l'état de santé de M. A.... Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 312-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, comme il a été dit au point 4, dès lors qu'aucune disposition n'impose que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration comporte la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, M. A... ne peut utilement soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie faute d'avoir communication, au stade de l'examen de sa demande, de l'identité du médecin ayant rédigé le rapport. Par suite, il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 3 juillet 2018.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg et la cour.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

9. En premier lieu, la décision en litige a été signée par Mme Nadia Idiri, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Bas-Rhin, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet du Bas-Rhin du 18 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 20 octobre 2017, d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Selon l'article 2 de cet arrêté, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Yves Seguy, secrétaire général de la préfecture, la délégation dont il dispose en vertu de l'article 1er est exercée en premier rang par Mme Nadia Idiri, sous-préfète, secrétaire générale adjointe. Par suite, alors qu'il n'est pas établi que M. Seguy, secrétaire général de la préfecture, n'aurait pas été absent ou empêché, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.

10. En deuxième lieu, M. A... soutient qu'en ne communiquant pas le rapport établi dans le cadre de la procédure de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il ne lui a pas été permis de vérifier qu'il contenait les éléments prescrits par les articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte cependant de ces dispositions que le rapport est transmis uniquement au collège des médecins. Aucune disposition ne prévoit la communication de ce rapport à l'intéressé, qui au demeurant n'établit pas en avoir demandé la communication auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie et que la procédure était irrégulière sur ce point.

11. En troisième lieu, M. A... soutient que l'arrêté est illégal faute de préciser la durée prévisible des soins. Il ressort de l'avis du 15 mars 2018 émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si les médecins ont considéré que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, ils ont indiqué que le défaut de ces soins ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par conséquent, en l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour M. A... d'un défaut de prise en charge de la pathologie dont il souffre, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'avait pas à se prononcer expressément sur la durée prévisible de son traitement.

12. En quatrième lieu, M. A... ne justifie pas de l'évolution des données médicales durant l'écoulement du délai de quatre mois entre l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et l'arrêté du préfet, ainsi que de leurs conséquences sur le sens de la décision prise par le préfet. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

13. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. (...) ".

14. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

15. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 mars 2018. Selon cet avis, l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Si l'intéressé fait valoir qu'il a des problèmes de santé, il se borne à produire un certificat médical du 16 juillet 2017, établi par un psychiatre, qui indique sans plus de précision que la prise en charge ne peut se faire dans son pays d'origine et ne peut être interrompue. Eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, un tel document ne suffit pas à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée l'autorité préfectorale sur les conséquences résultant d'un défaut de prise en charge médicale et sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

16. En deuxième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".

17. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est en France depuis quatre ans à la date de l'arrêté attaqué. La durée de sa présence sur le territoire français s'explique en partie par les démarches vaines qu'il avait entreprises pour obtenir le statut de réfugié. S'il se prévaut d'un emploi de technicien d'exploitation, il n'établit cependant pas avoir tissé des liens sociaux forts en France. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son arrivée récente en France. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 14 et 16, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. A....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

19. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

20. En second lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ces stipulations s'adressant non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.

Sur la décision fixant le pays de destination :

21. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

22. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, et en l'absence d'autres éléments invoqués par le requérant, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 3 juillet 2018 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter du jugement.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de l'action du préfet du Bas-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement de première instance.

Article 2 : Le jugement n° 1805701 du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2019 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC00396, 19NC00398


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : MEHL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 02/07/2020
Date de l'import : 19/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NC00396
Numéro NOR : CETATEXT000044200666 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-02;19nc00396 ?
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