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02/07/2020 | FRANCE | N°18NC01768

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 02 juillet 2020, 18NC01768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Financière Dallamano a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des retenues à la source appliquées aux revenus réputés distribués qui lui ont été assignées au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1605122 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2018, l'EURL Financièr

e Dallamano, représentée par Me Albrecht, demande à la cour :

- d'annuler le jugement du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Financière Dallamano a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des retenues à la source appliquées aux revenus réputés distribués qui lui ont été assignées au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1605122 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2018, l'EURL Financière Dallamano, représentée par Me Albrecht, demande à la cour :

- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 avril 2018 ;

- de prononcer la décharge des impositions contestées ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a considéré que les prêts octroyés à ses deux filiales italiennes constituaient des actes anormaux de gestion ; ils ont été motivés par la nécessité de préserver les investissements déjà réalisés ; la renonciation aux majorations des intérêts s'explique par ailleurs par les difficultés financières rencontrées par les sociétés ; en conséquence en l'absence de distributions, la retenue à la source n'était pas exigible.

Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL financière Dallamano ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Financière Dallamano est une société holding qui détient des participations dans plusieurs sociétés du groupe informel Dallamano non intégré fiscalement. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 octobre 2012. A la suite de ce contrôle, l'administration a considéré que des prêts accordés par l'EURL à deux de ses filiales, les sociétés Alsafil et Group Dallamano, constituaient des actes anormaux de gestion et, par proposition de rectification du 22 juillet 2013, établie selon la procédure contradictoire, lui a notifié les rehaussements correspondants en matière d'impôt sur les sociétés, assortis de la majoration pour manquement délibéré. Les rehaussements correspondant ont également été regardés par le service comme des revenus distribués accordés aux sociétés Alsafil SPA et Dallamano Group SRL et imposables en application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts. Ces distributions ont été en conséquence soumises à la retenue à la source, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, au taux de 15 % stipulé par l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989. La société requérante relève appel du jugement du 24 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Aux termes de l'article 1129 bis du même code : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ". Les stipulations de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 ont pour effet d'arrêter le taux de cette retenue à la source à 15 % au lieu du taux de 25 % prévu par les dispositions de l'article 187 du code général des impôts.

3. Il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Les prêts sans intérêts ou assortis d'un taux minoré ainsi que l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers, ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt. Cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avances est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages consentis par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise apporte une telle justification, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que cette contrepartie est dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que sa rémunération est excessive.

4. Il résulte de l'instruction que l'EURL Financière Dallamano a, d'une part, consenti deux prêts d'un million d'euros chacun les 14 novembre 2008 et 30 juillet 2010 à sa filiale la société Alsafil, qui fabrique et commercialise des fils synthétiques et dont elle détient 14,33 % des parts au terme d'une prise de participation d'un million d'euros. Elle a d'autre part consenti le 31 juillet 2008 un prêt de 170 000 euros à une autre filiale, la société Dallamano Group SRL, qui a pour activité la promotion immobilière et dont elle détient 10 % au terme d'une participation de 10 000 euros. Les contrats d'avances à ses deux filiales stipulaient que les emprunteurs s'engageaient à rembourser les sommes ainsi prêtées sur une durée de sept ans par fractions égales et bénéficiaient d'un différé de remboursement pour la première année. Ils prévoyaient par ailleurs un taux d'intérêt de 3,7 %, ainsi qu'une majoration d'office de 3 % de ce taux en cas de non règlement d'une échéance.

5. Il est constant que ces prêts d'un montant significatif étaient assortis d'un taux d'intérêt qui était plus favorable que le taux de marché alors applicable. En outre, il résulte de l'instruction, comme l'a révélé la vérification de comptabilité de la société requérante, que l'EURL Financière Dallamano a renoncé à réclamer le paiement de la majoration du taux d'intérêt prévu par le contrat alors même qu'elle n'avait perçu aucun remboursement de son prêt par la société Group Dallamano SRL et qu'elle n'avait été remboursée par la société Alsafil qu'à hauteur de 290 000 euros concernant le premier prêt octroyé.

6. Si l'EURL Financière Dallamano explique les montants des prêts octroyés et les conditions avantageuses ayant assorti ces avances par les difficultés financières rencontrées par ses filiales, les documents comptables épars produits, au demeurant en langue italienne et non traduits, ne suffisent pas à en justifier. Elle ne démontre pas davantage l'importance de ses liens commerciaux avec ces deux sociétés, ni la nécessité de leur accorder des aides représentant respectivement des montants supérieurs du double pour la société Alsafil, et dix-sept fois supérieur pour la société Group Dallamano, à celui de ses participations dans ses sociétés, au regard de son propre intérêt commercial. La société requérante, qui n'établit ni même n'allègue avoir accompli des démarches en vue de son remboursement par ses filiales et a renoncé, ainsi qu'il vient d'être dit, à la majoration des intérêts en cas d'impayés, doit être regardée comme s'étant volontairement privée de recettes. Faute pour la société requérante de justifier de l'existence d'une contrepartie aux avantages ainsi accordés, l'administration apporte ainsi la preuve d'actes anormaux de gestion. C'est, dès lors, à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les prêts à taux minoré consentis à ces sociétés et l'abandon des pénalités contractuelles qu'elles avaient encourues, étaient étrangers à une gestion commerciale normale et a imposé, sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, les distributions accordées auxdites sociétés et appréhendées par elles.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Financière Dallamano n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 avril 2018 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Financière Dallamano est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Financière Dallamano et au ministre de l'action et des comptes publics.

4

N° 18NC01768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01768
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE MULHOUSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-07-02;18nc01768 ?
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