Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Netposition a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1504947 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 juin 2020, la SARL Netposition, représentée par Me Richert, de C.M.S. Francis Lefebvre avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mars 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'elle a été privée de l'effectivité de l'interlocution, en méconnaissance de la garantie prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, mentionné au quatrième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ;
- les impositions en litige qui en découlent sont en conséquence irrégulières, conformément à l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son bénéfice était imposable en France, au regard des dispositions de l'article 209 du code général des impôts, dès lors que le principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés s'applique à toutes les sociétés et que l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence d'une exploitation en France ;
- la circonstance que son siège social est immatriculé au registre du commerce et des sociétés à Strasbourg, que les comptes de la société étaient tenus par des établissements français et que sa comptabilité était assurée par un cabinet strasbourgeois est sans incidence ;
- elle ne dispose d'aucun moyen humain ou matériel en France, son activité commerciale étant réalisée depuis son établissement à Israël, où se trouvent ses moyens humains et matériels et sa direction effective ;
- les rectifications étant infondées, les majorations appliquées par l'administration le sont également.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de Me Schauber, pour la SARL Netposition.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Netposition, dont le siège social se situe 3 quai Kleber à Strasbourg, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour les exercices clos en 2009, 2010 et 2011, étendue au 31 mai 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle le service vérificateur a, par deux propositions de rectification des 20 décembre 2012 et 3 décembre 2013, réintégré dans son résultat fiscal des charges que la société avait déduites au motif que les prestations pour lesquelles elles avaient été inscrites en comptabilité présentaient un caractère fictif. La SARL Netposition a ainsi été assujettie, selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2009, 2010 et 2011. Elle relève appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le principe des impositions en litige :
2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
3. D'une part, aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 5 de la convention franco-israélienne du 31 juillet 1995 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité (...) ". Aux termes de l'article 7 de cette même convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que l'activité de la société requérante consistait à commercialiser des référencements sur les sites de recherche internet. L'adresse de domiciliation de la SARL Neposition permettait à cette dernière d'accéder à son courrier par le biais d'une adresse mail en " fr. " et de se faire transmettre ses communications téléphoniques vers un numéro de téléphone correspondant à une ligne française. Les opérations de contrôle ont par ailleurs permis d'établir que les clients de la société prenaient contact avec elle par téléphone ou par mail et avaient pour interlocuteurs des personnes joignables sur un numéro de téléphone attribué dans le Bas-Rhin. La société Regus, qui domiciliait la société requérante, devait lui transférer son courrier à une adresse strasbourgeoise, et, à compter du mois d'avril 2009, devait transférer ses appels vers trois numéros, dont celui de M. A... B..., associé de la société et salarié unique de celle-ci, vers une ligne de téléphone ouverte auprès d'un opérateur français et correspondant à un numéro de téléphone français. Il résulte également de l'instruction que les comptes de la société étaient tenus par des établissements français et que sa comptabilité était assurée par un cabinet comptable strasbourgeois. La société disposait également d'un nom de domaine en " .fr ", tandis que les factures de plusieurs de ses prestataires sont établies au siège social de la société. Selon les propres déclarations de l'intéressé, M. B... indiquait que le marché de la SARL Netposition était presque exclusivement français, ces ramifications internationales permettant de lui donner une image positive et internationale. Pour contester ces éléments, la société requérante soutient qu'elle dispose d'un établissement stable à Jérusalem. Mais, la société requérante, qui s'est elle-même immatriculée au registre du commerce et des sociétés à Strasbourg et qui a elle-même déclaré ses activités en France, n'apporte pour sa part aucun élément de nature à justifier qu'elle disposerait en Israël de moyens matériels et humains lui permettant d'exercer la moindre activité, alors que l'administration a par ailleurs relevé l'existence d'un salarié unique et de moyens matériels sommaires (sites internet, matériel de bureau, d'informatique et mobilier de bureau). En particulier, si la société requérante justifie que M. A... B..., son salarié unique, était en Israël après le 22 septembre 2011, elle n'établit ni qu'il y résidait de manière permanente, ni qu'il lui était impossible d'exercer la moindre activité depuis la France, ni enfin qu'elle disposait de plusieurs salariés en Israël, alors au demeurant que l'administration a mis en évidence que les personnels en cause étaient employés par une tierce société, Call in Web avec laquelle la société requérante a conclu une convention de prestations commerciales. Ce faisant, la SARL Netposition doit être regardée comme disposant en France, de façon permanente, d'une installation comportant le personnel et les moyens techniques nécessaires à son fonctionnement. Ces éléments font apparaître que l'essentiel des actes de gestion courante de la SARL Netposition était réalisé depuis le siège de la société, lequel, ainsi qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 7 de la convention franco-israelienne, constitue un établissement stable.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédure fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et
L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Le paragraphe 5 du chapitre III de la charte, dans sa version applicable à la vérification de comptabilité en litige, prévoit que : " En cas de désaccord avec le vérificateur, vous pouvez saisir l'inspecteur départemental ou principal. Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur départemental ou principal. Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ". Ces dispositions assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis, le cas échéant, dans un second temps, avec un fonctionnaire de l'administration fiscale de rang plus élevé. Ces garanties doivent pouvoir être exercées dans des conditions ne conduisant pas à ce qu'elles soient privées d'effectivité.
7. Il résulte de l'instruction que la société requérante, qui a contesté les conclusions des propositions de rectification, a obtenu une réponse à ses observations le 22 mai 2014, avant de bénéficier d'un entretien avec l'inspecteur principal le 13 juin 2014, puis d'un entretien avec l'interlocuteur départemental le 18 septembre 2014. Contrairement à ce qu'elle soutient, il ne résulte pas de l'instruction que l'interlocuteur départemental aurait entendu poursuivre cet entretien après la production, par la société requérante, de nouveaux documents. Au contraire, dès le 18 septembre 2014, l'interlocuteur départemental a fait connaître sa position sur le litige opposant la SARL Netposition à l'administration fiscale. Dans ces conditions, la circonstance que l'interlocuteur départemental ne lui ait pas accordé de délai supplémentaire pour produire ces nouveaux documents est par elle-même sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.
8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Netposition n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SARL Netposition.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Netposition est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Netposition et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 18NC01515