La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2020 | FRANCE | N°18NC01242

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 02 juillet 2020, 18NC01242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA (société anonyme) LCM a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2008, 2009 et 2010, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises établie au titre de l'année 2010, des suppléments de taxe d'apprentissage, de contribution complémentaire à la taxe d'apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue qui lui ont

été réclamés au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA (société anonyme) LCM a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2008, 2009 et 2010, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises établie au titre de l'année 2010, des suppléments de taxe d'apprentissage, de contribution complémentaire à la taxe d'apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue qui lui ont été réclamés au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondant à ces impositions.

Par un jugement n° 1304431, 1304432 et 1304433 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 avril et 30 octobre 2018, la société anonyme (SA) LCM, représentée par Me Ferner, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la mise en œuvre d'une visite domiciliaire sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'était pas justifiée ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration a effectué une vérification de comptabilité sur le fondement de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales à une adresse en France où il n'existe pas d'établissement stable de la société luxembourgeoise ;

- l'administration fiscale a méconnu les règles de la territorialité du contrôle dès lors qu'à travers le contrôle de l'établissement stable, elle a en réalité contrôlé la société de droit luxembourgeois ;

- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues faute pour l'administration d'avoir indiqué l'origine et la teneur des informations qui l'ont conduite à considérer que la société n'avait pas de locaux à Dudelange au Luxembourg ;

- l'administration s'est implicitement placée sur le terrain de l'abus de droit sans respecter la procédure et les garanties prévues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- l'envoi de tous les actes de la procédure de vérification à un prétendu établissement stable en France méconnaît les articles L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- pour les mêmes motifs, l'avis de mise en recouvrement se référant à la proposition de rectification notifiée à un prétendu établissement stable en France est irrégulier en application de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

- en faisant mention dans l'avis de mise en recouvrement des actes de procédures irréguliers au regard des dispositions des articles L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales, le service a méconnu les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

- la SA LCM ne dispose pas d'un établissement stable en France, ce qui fait obstacle à ce qu'elle soit assujettie aux impositions en litige, un tel assujettissement portant de surcroit atteinte au principe de liberté d'établissement consacré par l'article 43 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par SA LCM ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention entre la France et le Grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, en date du 1er avril 1958, modifiée par avenant signé le 24 novembre 2006 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lambing,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) LCM, société de droit luxembourgeois immatriculée le 17 novembre 2004, dont le siège social est établi dans ce pays au 55, rue de la Libération à Dudelange, qui a pour activité le négoce, la fourniture de matériaux de construction et tous travaux du bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2008, 2009 et 2010. Par propositions de rectification des 19 décembre 2011 et 11 juin 2012, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de taxation d'office des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008, 2009 et 2010 et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'année 2010, des rappels de taxe d'apprentissage et de formation professionnelle au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes à ces impositions. La SA LCM relève appel du jugement du 20 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions.

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt en France :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la contribution sur cet impôt :

2. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. ". D'autre part, en vertu des stipulations des articles 2 et 4 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958, les revenus des entreprises commerciales ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable, entendu comme une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité, un représentant ou un employé agissant dans un des territoires pour le compte d'une entreprise de l'autre territoire n'étant considéré comme tel que s'il dispose de pouvoirs généraux qu'il exerce habituellement lui permettant de négocier et de conclure des contrats au nom de l'entreprise.

3. Il résulte de l'instruction que la société LCM, qui exerce une activité de négoce, fourniture de matériaux de construction et réalisation de tous travaux du bâtiment, avait son siège social à Dudelange au Luxembourg où elle était immatriculée depuis le 17 novembre 2004. Il ressort en particulier des éléments saisis par l'administration lors de la procédure de visite domiciliaire mise en œuvre le 30 septembre 2011, que le siège social de la société LCM était situé à une adresse de domiciliation dans les locaux de la société GL Consulting, du 1er mars 2004 au 21 juin 2008, puis à compter de cette date, dans les locaux de la société International consulting agency. Ces deux sociétés, représentées par le même gérant et qui ont notamment pour activité la constitution et la domiciliation de sociétés, ont facturé à la société LCM la location d'un " bureau paysager ". L'administration a établi que la société International consulting agency disposait de tout pouvoir pour recevoir les courriers de la SA LCM adressés au Luxembourg. En outre, la société GL Consulting effectuait des prestations de tenue de comptabilité et d'administration de la société. Le vérificateur a constaté que Mlle A..., associée à hauteur de 10 % de la SA LCM, qui assurait pour elle les tâches de saisies comptables sur la base du plan comptable français, échangeait régulièrement par courriel ou par télécopie avec la société GL Consulting. Il ressort notamment d'une télécopie du 3 décembre 2010 que Mlle A... informait cette société de la venue au Luxembourg du gérant de la SA LCM afin de lui déposer les pièces comptables de novembre 2010. L'administration établit ainsi que Mlle A... effectuait ses fonctions non depuis le Luxembourg mais depuis les locaux situés à Forbach, partagés avec les sociétés Teman et MP Bâtiment dont M. A... est également le gérant et l'associé majoritaire. En outre, lors de la visite domiciliaire, de nombreux fichiers informatiques et dossiers physiques concernant l'activité de la SA LCM ont été trouvés dans ces locaux de Forbach. Si la société requérante argue qu'il ne s'agit que de copies, les originaux étant stockés au siège au Luxembourg selon elle, eu égard au nombre important de documents présents dans ces locaux, ses seules allégations ne sauraient remettre en cause les constatations faites par le service. Par suite, la direction de la société doit être regardée comme étant exercée depuis les locaux situés à Forbach et non depuis le bureau loué à Dudelange. Il a été également constaté au cours de la procédure de visite et de saisie que le chef de chantier de la SA LCM disposait d'un bureau et d'un ordinateur dans les locaux de Forbach. Enfin, il résulte des contrats de prestations de service conclus le 29 juin 2007 avec les sociétés Teman et MP Bâtiment que la société requérante effectuait des travaux de plaquistes, pose de plafonds, et plâtrerie au bénéfice de ces sociétés. Cette activité, nécessitant du matériel spécifique, supposait, comme le fait valoir le ministre, un lieu de stockage plus conséquent qu'un simple bureau paysager. Enfin, la SA LCM disposait au Luxembourg d'une ligne téléphonique partagée avec d'autres sociétés. Un courrier de la société International consulting agency, figurant en annexe de la proposition de rectification du 19 décembre 2011, indique que l'ouverture de cette ligne est motivée par des raisons de confidentialité et de crédibilité quant à l'existence du siège social au Luxembourg. Si la société requérante se prévaut de l'ouverture d'une ligne téléphonique, résiliée en 2012, l'administration justifie que la facturation des consommations était quasi nulle, ne correspondant ainsi pas à une activité normale d'une entreprise. Par ailleurs, la circonstance que les salariés de la société LCM bénéficiaient de contrats de travail soumis au droit luxembourgeois ne suffit pas à démontrer que leur gestion était assurée dans le bureau loué au Luxembourg par la société requérante. Il apparait au contraire que l'ensemble des salariés est domicilié à Forbach ou dans les proches environs. Par suite, contrairement aux allégations de la société requérante, l'administration justifie que la SA LCM disposait de locaux à Forbach depuis lesquels l'activité de la société était exercée et qu'aucune présence physique régulière de salarié ou de représentant de la société n'était assurée dans le bureau loué à Dudelange. S'agissant des moyens financiers, l'administration a établi que le compte bancaire domicilié à Sarreguemines était le compte le plus mouvementé. Par ailleurs, il ressort des propositions de rectification et il n'est pas contesté que 92 % du chiffre d'affaires de la société est réalisé en France. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la société requérante doit être regardée comme ayant disposé au cours des années en cause, dans les locaux des sociétés Teman et MP Bâtiment, d'une installation fixe d'affaires dans laquelle elle a exercé son activité et doit par suite être regardée comme ayant exploité une entreprise en France au sens des dispositions de l'article 209 du code général des impôts. Il s'ensuit également qu'elle doit être regardée comme y ayant disposé d'un établissement stable au sens des stipulations du 3 de l'article 2 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958. C'est dès lors à bon droit que l'administration fiscale l'a assujettie en France à l'impôt sur les sociétés en application combinée de ces dispositions et stipulations.

En ce qui concerne la taxe d'apprentissage et la contribution pour la formation professionnelle continue :

4. Aux termes de l'article 224 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit, net des dépenses admises en exonération en application des articles 226 bis, 227 et 227 bis, est versé au Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage mentionné à l'article L. 6241-3 du code du travail. / 2. Cette taxe est due : (...) 2° Par les sociétés, associations et organismes passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 (...) ". Aux termes de l'article 1599 quinquies A du même code dans sa version applicable au litige : " I.- Il est institué une contribution au développement de l'apprentissage dont le produit est reversé aux fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue mentionnés à l'article L. 4332-1 du code général des collectivités territoriales. / Cette contribution est due par les personnes ou entreprises redevables de la taxe d'apprentissage en application de l'article 224. (...) ".

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que c'est à bon droit que l'administration a assujetti la SA LCM à la taxe d'apprentissage et à la contribution pour la formation professionnelle continue au titre des années 2009 et 2010.

En ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

6. Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. - Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. (...) ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, la SA LCM n'est pas fondée à contester son assujettissement à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'année 2010.

En ce qui concerne le principe de liberté d'établissement :

8. Aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre./ La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ".

9. Les dispositions ci-dessus reproduites ne s'opposent pas à ce qu'un Etat soumette aux impôts directs en vigueur selon sa législation les bénéfices que l'établissement stable d'une société établie dans un autre Etat membre y réalise à condition que cette imposition ne soit pas discriminatoire par rapport au traitement fiscal réservé aux entreprises et sociétés ayant leur siège dans cet Etat ou aux filiales de sociétés établies dans cet autre Etat membre. Par suite, en assujettissant la société LCM aux mêmes impôts commerciaux que ceux appliqués à une entreprise établie en France à raison des bénéfices que son établissement stable a réalisés sur le territoire, l'administration ne l'a pas soumise à un traitement discriminatoire de nature à caractériser une atteinte au principe de liberté d'établissement consacré par les dispositions de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la présente procédure : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. / Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite. (...) / V. (...) Le premier président de la cour d'appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Les parties ne sont pas tenues de constituer avoué. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions d'une part, qu'une société, dûment informée par l'administration du recours ouvert devant la juridiction judiciaire, ne peut utilement critiquer devant le juge de l'impôt l'objectif et le déroulement des visites ayant donné lieu à une autorisation de l'autorité judiciaire et menées sous son contrôle, d'autre part, que la décision de recourir à la procédure de visite et de saisie prévue par les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne peut être utilement contestée devant le juge de l'impôt. Ainsi, le moyen tiré de ce que le recours à ces dispositions aurait reposé sur un détournement de procédure est inopérant.

12. La SA LCM soutient que la mise en œuvre de la procédure de visite et de saisie ordonnée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Sarreguemines par ordonnance du 29 septembre 2011 n'était pas justifiée. Il résulte de ce qui a été dit au point 11, qu'en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales précitées, et notamment en son II, que seule l'autorité judiciaire est compétente pour vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise par l'administration fiscale est bien fondée. Il s'ensuit que le moyen présenté par la SA LCM tendant à ce que le juge de l'impôt contrôle les conditions de mise en œuvre de la procédure de visite et de saisie est inopérant.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ".

14. Eu égard à ce qui a été dit au point 3, la SA LCM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a engagé une procédure de vérification de comptabilité de son établissement stable situé à Forbach. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition sur ce point doit être écarté.

15. En troisième lieu, la société requérante soutient que l'administration fiscale a méconnu les règles de la territorialité du contrôle dès lors qu'à travers le contrôle de l'établissement stable, elle a en réalité contrôlé la société de droit luxembourgeois. Il résulte de l'instruction que le service s'est borné à déterminer les résultats réellement imposables de l'établissement stable à travers lequel la société requérante exerçait son activité en France. Le moyen doit être par suite écarté.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications et ne se limite pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication.

17. Il résulte de l'instruction que les propositions de rectification des 19 décembre 2011 et 11 juin 2012 mentionnent la teneur et l'origine des renseignements et documents recueillis dans le cadre de la procédure de visite et de saisie effectuée le 30 septembre 2011 sur demande des autorités judiciaires qui lui ont seulement permis de corroborer les éléments constatés lors de la vérification de comptabilité de la société. Les pièces saisies auxquelles il est fait référence sont précisément identifiées dans les propositions de rectification. Par suite, la société requérante, qui au demeurant n'a pas sollicité la communication de documents, n'est pas fondée à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

18. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) ".

19. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Il résulte également de ces dispositions que, lorsque l'administration invoque des faits constitutifs d'un abus de droit pour justifier un chef de redressement, le contribuable, qui n'a pas demandé la saisine du comité de l'abus de droit fiscal, doit être regardé comme ayant été privé de la garantie tenant à la faculté de provoquer cette saisine si, avant la mise en recouvrement de l'imposition, l'administration omet de l'aviser expressément que le redressement a pour fondement les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

20. En estimant que la SA LCM avait réalisé des prestations de services à partir d'un établissement stable situé en France, l'administration s'est bornée à apprécier une situation de fait, dont elle a tiré les conséquences en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, sans remettre en cause la réalité de son siège social au Luxembourg. Dans ces conditions, l'administration fiscale, qui n'a pas implicitement cherché à réprimer un abus de droit, n'avait pas à saisir le comité consultatif prévu par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

21. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. "

22. D'une part, il résulte de l'instruction que l'avis de la vérification en litige a été notifié en main propre le 18 novembre 2011 au représentant de la SA LCM pour son établissement stable en France. Une copie de cet avis de vérification a également été adressée par recommandé le 21 novembre 2011 au siège de la société requérante à Dudelange, au Luxembourg, le pli ayant été reçu le 28 novembre 2011. Par courrier du 21 novembre 2011, le conseil de la SA LCM a demandé le report du premier entretien, ce qui a été accepté par l'administration. L'administration établit par conséquent que la société requérante a été régulièrement informée qu'une vérification de comptabilité allait être engagée. Par ailleurs, comme le soutient le ministre, la vérification de comptabilité litigieuse n'a aucunement concerné l'établissement principal de la SA LCM mais a seulement eu pour objet de contrôler l'activité exercée en France, par la société requérante, personne morale juridiquement distincte, par l'intermédiaire d'un établissement stable. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

23. D'autre part, il résulte des points précédents que la société requérante est imposable en France aux impôts commerciaux à raison de l'activité de l'établissement stable qu'elle y exploite. Ne s'étant pas acquittée de ses obligations déclaratives, elle a été régulièrement taxée d'office à l'impôt sur les sociétés ainsi qu'aux taxes ci-dessus visées. Par suite, elle ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales qui ne trouve à s'appliquer qu'en cas de procédure contradictoire de rectification.

24. En septième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 de ce livre : " l'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L 57 ou à la notification prévue à l'article L 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ". Aux termes de l'article R. 256-6 du même livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service des impôts ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l'"ampliation" prévue à l'article R. 256-3. ".

25. D'une part, le moyen de la société requérante tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement ne lui aurait pas été notifié selon les modalités définies aux articles L. 256 et R. 256-6 du livre des procédures fiscales est inopérant dans le cadre du présent contentieux qui ne porte que sur l'assiette des impositions. En tout état de cause, l'administration établit que les avis de mise en recouvrement ont été adressés par lettres recommandées au siège social de la SA LCM à Dudelange et ont été reçus le 14 décembre 2012.

26. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit aux points 25 et 26 ci-dessus que l'avis de vérification, la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable ne sont pas irréguliers. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en faisant mention de ces actes dans l'avis de mise en recouvrement du 30 novembre 2012 le service aurait méconnu les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales.

27. Il résulte de tout ce qui précède que SA LCM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de SA LCM est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SA LCM et au ministre de l'action et des comptes publics.

10

N° 18NC01242


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award