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30/06/2020 | FRANCE | N°19NC02947

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 30 juin 2020, 19NC02947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 mars 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 1701800 du 10 août 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n°17NC02668 du 4 mai 201

8, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 mars 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 1701800 du 10 août 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n°17NC02668 du 4 mai 2018, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête formée par Mme E... contre ce jugement.

Par une décision n° 424139 du 4 octobre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy et a renvoyé l'affaire devant celle-ci.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 novembre 2017, 19 mars 2018, 4 février et 9 juin 2020, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 10 août 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros toutes taxes comprises à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 8 mars 2017 est entaché d'une incompétence de l'auteur de l'acte en l'absence de délégation de signature ;

- il n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la présence indispensable de Mme E... aux côtés de ses parents n'est pas établie ;

- les autres moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante marocaine née le 12 février 1981, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 13 janvier 2013. Par un arrêté du 8 mars 2017, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Par un jugement du 10 août 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme E... tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une ordonnance du 4 mai 2018, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 10 août 2017 du tribunal administratif de Strasbourg. Par une décision du 4 octobre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'ordonnance du premier vice-président de la cour administrative d'appel de Nancy et a renvoyé l'affaire devant celle-ci.

Sur les moyens dirigés contre l'arrêté du 8 mars 2017 dans son ensemble :

2. En premier lieu, le moyen d'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté par adoption des motifs du point 2 du jugement du 10 août 2017 du tribunal administratif de Strasbourg.

3. En second lieu, l'arrêté du 8 mars 2017, après avoir rappelé que Mme E... est entrée irrégulièrement en France en janvier 2013 et s'y est maintenue irrégulièrement, relève qu'elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour pour aider sa mère qui a des problèmes de santé. Il précise les motifs pour lesquels il rejette la demande d'admission au séjour à titre exceptionnel présentée par la requérante ainsi que celle présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève notamment que Mme E... n'apporte pas la preuve qu'elle serait la seule personne en mesure d'aider sa mère. L'arrêté du 8 mars 2017 énonce également que le refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, l'arrêté litigieux, qui précise les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et prend notamment en compte la situation particulière de Mme E... et de ses parents, est suffisamment motivé.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux du Dr. Meyer des 29 janvier 2016 et 14 mars 2017, que la mère de Mme E..., Mme F... E..., née le 5 mars 1949, présente un diabète insulino-dépendant de type 2, une insuffisance rénale chronique terminale, des dorso-lombalgies ainsi que de l'hypertension artérielle. Un certificat médical du 21 mars 2017 du Dr. Ismer, contemporain de l'arrêté litigieux, précise qu'elle a un traitement par hémodialyse trois fois par semaine à raison de quatre heures de traitement pour chacune de ces séances. En outre, la mère de la requérante reçoit trois injections d'insuline par jour. Elle a également été victime d'un infarctus en juillet 2016 traité par angioplastie et implantation d'un stent. Elle marche difficilement. Il est ainsi établi que son état de santé nécessite qu'elle soit aidée pour les soins dont elle a besoin quotidiennement pour son diabète et plusieurs fois par semaine pour les dialyses.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le père de Mme E... est atteint de la maladie d'Alzheimer, diagnostiquée en novembre 2012, et qu'il ne peut s'occuper de son épouse. Cependant, le frère de la requérante, M. A... E..., né en 1990, réside avec ses parents. A la date de l'arrêté litigieux, il travaillait une vingtaine d'heures par semaine et n'a trouvé un emploi sous contrat à durée indéterminée à temps plein qu'en novembre 2017.

7. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date du 8 mars 2017, Mme F... E... aurait eu besoin de l'assistance d'une tierce personne pour la vie quotidienne, la nécessité d'une telle aide n'étant établie que pour les soins assurés par les infirmiers à domicile trois fois par jour et par un centre de soins pour les dialyses. De même n'est-il pas établi que la présence de la requérante, qui ne conduit pas, aurait été indispensable pour accompagner sa mère lors des dialyses. Seules des attestations postérieures à l'arrêté du 8 mars 2017 relèvent que la présence de la requérante est indispensable pour aider sa mère dans ses gestes quotidiens et en particulier la toilette, les courses, les repas et le ménage ainsi que pour les soins dont elle a besoin. De même, la dégradation de l'état de santé de la mère de la requérante, postérieurement à l'arrêté litigieux, ne saurait être utilement invoquée pour contester sa légalité. Enfin, il n'est pas établi que le frère de la requérante, employé à temps plein seulement postérieurement à l'arrêté litigieux, n'aurait pas été en mesure d'aider ses parents, notamment pour les courses, les repas et le ménage.

8. Par suite, alors même que Mme E... aide ses parents et que sa présence à leurs côtés est de nature à les réconforter, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme F... E... avait besoin de l'assistance d'une tierce personne pour la vie quotidienne que la requérante aurait été seule en mesure d'assurer. Ainsi qu'il a été dit, les soins dont elle a besoin étaient, à la date du 8 mars 2017, assurés par des professionnels de santé. Par suite, Mme E... ne fait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant qu'un titre de séjour lui fut délivré en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté du 8 mars 2017 à laquelle sa légalité doit être appréciée, Mme E... résidait en France depuis un peu plus de quatre ans. De plus, elle est célibataire et n'a pas d'enfant à charge. En outre, ainsi qu'il a été dit, elle ne justifie pas qu'à la date de l'arrêté litigieux, sa présence auprès de ses parents aurait été indispensable. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle est dépourvue de toute attache privée ou familiale au Maroc, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans. De plus, alors même qu'elle a suivi des cours de français, elle ne justifie ainsi d'aucune insertion particulière dans la société française. Par suite, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée au but en vue desquels elle a été édictée. Pour les mêmes motifs, elle ne méconnaît pas davantage le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En dernier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour les motifs exposés aux points 7, 8 et 10 du présent arrêt.

12. Les conclusions présentées par Mme E... tendant à l'annulation du refus de lui délivrer un titre de séjour doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, ainsi qu'il est dit au point précédent, le refus de délivrer un titre de séjour à Mme E... n'est pas entaché d'illégalité. Le moyen, soulevé par voie d'exception, tiré de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, en conséquence, être écarté.

14. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les motifs exposés au point 10.

15. En dernier lieu, le moyen d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté par les motifs exposés au point 11 du présent arrêt.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 19NC02947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02947
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-30;19nc02947 ?
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