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30/06/2020 | FRANCE | N°19NC01640

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 30 juin 2020, 19NC01640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.

Par un jugement n° 1806201 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregist

rés le 27 mai 2019 et le 12 juin 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.

Par un jugement n° 1806201 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 mai 2019 et le 12 juin 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 février 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 juillet 2018 du préfet du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- en l'absence de production de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), la procédure de consultation médicale devra être considérée comme n'ayant pas été respectée ;

- il appartient au préfet de justifier de la compétence des médecins ayant composé le collège qui a rendu l'avis ;

- cet avis doit mentionner le nom du médecin instructeur de l'OFII qui a établi le rapport médical ;

- le refus de séjour méconnait l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;

- le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- le préfet devait lui communiquer préalablement l'avis du collège de médecins et l'inviter à présenter des observations en application de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ;

- elle méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne le principe général du droit communautaire du droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable ;

- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la mesure d'éloignement porte atteinte à son droit à mener une vie familiale normale ;

- elle porte atteinte à son droit de ne pas être soumis à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe, est entré régulièrement sur le territoire français le 10 octobre 2012 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 juillet 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 janvier 2014. Le 21 mars 2014, il a sollicité son admission au séjour pour raisons médicales. Il a alors bénéficié d'une carte de séjour temporaire valable du 8 août 2016 au 7 août 2017. Le 28 août 2017, le requérant a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 3 juillet 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé. M. B... relève appel du jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

Sur les moyens relatifs à l'état de santé du requérant :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit :(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

4. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions qui précèdent dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. En premier lieu, aucune disposition législative et réglementaire n'imposait au préfet de communiquer au requérant l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

7. En deuxième lieu, s'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le rapport médical des services de l'OFII sur l'état de santé de M. B..., produit par le requérant, a été établi le 5 octobre 2017 par le docteur Sebille, qui n'a pas siégé le 18 décembre 2017 au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle est intervenue la décision contestée doit être écarté.

9. En troisième lieu, l'avis du collège des médecins de l'OFII émis le 18 décembre 2017 comporte la mention lisible du nom des trois médecins qui en sont les auteurs et leur signature. Ils ont été régulièrement désignés pour siéger au sein du collège de médecins de l'OFII à compétence nationale, en vertu d'une décision du directeur général de l'office du 21 août 2017, régulièrement publiée sur le site internet de l'office. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la composition du collège médical du 18 décembre 2017 aurait été irrégulière et que dès lors, la procédure serait irrégulière. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

10. Enfin, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

11. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

12. Par un avis émis le 18 décembre 2017, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, également qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

13. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une bronchopneumopathie chronique obstructive avec emphysème. Contrairement à ce qu'il soutient, le médecin auteur du rapport médical n'a pas commis d'erreur en relevant, ainsi que le pneumologue l'avait indiqué dans son certificat du 18 juillet 2017, qu'il ne présentait pas d'insuffisance respiratoire. Les pièces produites par le requérant, notamment le certificat médical du 6 septembre 2017 complété par son médecin traitant et les comptes rendus de scanner, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet sur la disponibilité des soins dans son pays d'origine et la possibilité pour M. B... de voyager sans risque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur les autres moyens :

14. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant avant de prendre la décision litigieuse.

15. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. M. B..., veuf, fait valoir qu'il réside en France depuis six ans à la date de la décision contestée et se prévaut de la présence en France de sa fille, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et résidant à Clermont-Ferrand. Toutefois, son entrée sur le territoire français est récente et il ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-sept ans. Par suite, eu égard aux conditions de séjour en France du requérant, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision d'éloignement a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

17. En premier lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

18. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de rendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. En effet, à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'intéressé est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Dès lors, la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français ayant été prise concomitamment à la décision refusant son admission au séjour, la seule circonstance que le requérant n'a pas été invité à formuler des observations avant l'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'est pas de nature à permettre de le regarder comme ayant été privé de son droit à être entendu.

19. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, garantissant le respect du secret médical, qu'elles induiraient une quelconque obligation de communiquer l'avis du collège de médecins de l'OFII à l'étranger et de l'inviter à présenter ses observations avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire. L'absence de communication de l'avis de l'OFII dans le cadre de la procédure administrative ne prive pas le requérant de la possibilité de lever le secret médical et de faire valoir ses observations. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté en toutes ses branches.

20. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit s'agissant de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale par voie d'exception.

21. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

22. Il résulte de ce qui a été dit au point 13 du présent arrêt que M. B... n'établit pas remplir les conditions posées au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

23. En cinquième lieu, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui n'a pas pour objet de le renvoyer en Russie. Le moyen est inopérant et doit, par suite, être écarté.

24. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que pour la décision portant refus de titre de séjour et alors que l'appelant ne fait pas état d'autres considérations, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en obligeant M. B... à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

25. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet du 20 avril 2018 fixant le pays de destination serait illégale du fait qu'elle serait la conséquence d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français eux-mêmes illégaux.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 19NC01640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01640
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-30;19nc01640 ?
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