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30/06/2020 | FRANCE | N°18NC03000

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 30 juin 2020, 18NC03000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 15 mars 2017 par laquelle le directeur du centre psychothérapique de Nancy lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, ensemble le rejet de son recours gracieux du 12 juillet 2017.

Par un jugement n° 1702382 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé ces deux décisions et a enjoint au centre psychothérapique de Nancy de réexaminer la demande de M. C... dans un délai d'un mois à

compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 15 mars 2017 par laquelle le directeur du centre psychothérapique de Nancy lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, ensemble le rejet de son recours gracieux du 12 juillet 2017.

Par un jugement n° 1702382 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé ces deux décisions et a enjoint au centre psychothérapique de Nancy de réexaminer la demande de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 2018 et le 11 mars 2019, le centre psychothérapique de Nancy, représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 septembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions de la requête de première instance de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 12 juillet 2017 étaient irrecevables dès lors qu'elles n'étaient assorties d'aucun moyen ; le tribunal a commis une erreur de droit en écartant cette fin de non-recevoir ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en annulant les décisions litigieuses ;

- sa requête d'appel est motivée et par suite recevable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 février et 14 mai 2019, M. C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du centre psychothérapique de Nancy la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures produites en première instance sans soulever de moyen contre le jugement attaqué ;

- sa requête de première instance était recevable dès lors qu'elle comportait l'énoncé de moyens de légalité externe et interne ;

- il a été victime de harcèlement de la part de sa supérieure hiérarchique justifiant que la protection fonctionnelle lui soit accordée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le centre psychothérapique de Nancy.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., cadre supérieur de santé et directeur adjoint de l'institut de formation des cadres de santé, est employé par le centre psychothérapique de Nancy (CPN). Par un courrier du 22 février 2017, M. C... a informé le directeur du CPN de plusieurs faits constitutifs, selon lui, d'un harcèlement moral exercé à son encontre par sa supérieure hiérarchique, et a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une décision du 15 mars 2017, le directeur du CPN a refusé de faire droit à sa demande. M. C... a ensuite présenté un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejetée le 12 juillet 2017. Le CPN fait appel du jugement du 20 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions du 15 mars 2017 et du 12 juillet 2017.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. La requête d'appel du CPN ne se borne pas à reprendre les écritures présentées en première instance mais comporte une critique du jugement attaqué. Ainsi la fin de non-recevoir, opposée à la requête par M. C..., tirée du défaut de motivation de la requête d'appel doit être écartée.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

5. Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".

6. Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

7. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

8. M. C... soutient avoir été victime d'actes répétés, constitutifs de harcèlement moral, de la part de sa supérieure hiérarchique, directrice des soins et coordinatrice de l'institut de formation des cadres de santé (IFCS), à compter de l'année 2015, se manifestant par une éviction progressive de ses attributions, ayant engendré une dégradation de son état de santé.

9. Cependant, M. C... ne démontre pas la réalité de ses allégations en se bornant à produire les messages électroniques qu'il a lui-même rédigés à l'attention du directeur du centre psychothérapique de Nancy en octobre 2015 et mai 2016, qui, en dépit de leur caractère circonstancié, ne font état que du ressenti de l'intéressé. S'il produit également une lettre adressée le 17 mars 2016 par le représentant syndical et un message électronique de la psychologue du travail du 3 mai 2016, ces documents, qui ne comportent aucune référence à des agissements précis de harcèlement, ne font état que de la dégradation de l'état de santé de M. C... en lien avec le comportement de sa supérieure, sans plus de précisions.

10. Par ailleurs, le CPN démontre que M. C... a toujours été associé par sa supérieure hiérarchique aux missions dont l'IFCS avait la charge et qui relevaient des attributions de ce dernier, en produisant notamment les comptes-rendus des réunions mensuelles de coordination qui se sont tenues de janvier 2015 à mars 2016 et les échanges de messages électroniques. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. C..., il ressort des pièces produites que ce dernier avait la charge de l'organisation du concours pour la rentrée 2016, qu'il était membre du jury et qu'il a refusé de signer le compte-rendu du jury en raison d'un désaccord avec l'avis émis.

11. En outre, l'autorité de tutelle a décidé de fusionner l'IFCS du CPN et celui du centre hospitalier universitaire régional à compter de septembre 2016. Si M. C... fait valoir qu'il n'a pas été convié à des réunions concernant cette fusion, qui se sont déroulées au cours de l'année 2015, il ressort des pièces du dossier que seuls les directeurs des instituts concernés étaient associés à la démarche. Enfin, dès lors que l'intéressé avait manifesté son refus de postuler à un emploi dans la nouvelle structure fusionnée, la circonstance que sa supérieure ne l'a pas associé pour le recrutement du nouveau secrétariat et le transfert de la convention de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) ne révèle pas plus une volonté de cette dernière de l'évincer de ses attributions.

12. Dans ces conditions, M. C... ne justifie pas d'éléments de fait suffisants permettant de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique, excédant l'exercice normal par cette dernière de son pouvoir hiérarchique. La circonstance qu'il a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter de mai 2016, reconnu imputable au service n'est pas de nature à infirmer cette analyse. En refusant de faire droit à la demande de M. C... d'une mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, le directeur du centre psychothérapique de Nancy n'a, dès lors, pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

13. Par suite, c'est à tort que, pour annuler les décisions litigieuses, les premiers juges ont qualifié comme tels les faits invoqués par M. C... et estimé que l'intéressé justifiait, à raison de ces faits, d'un droit à la protection fonctionnelle.

14. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. C... à l'encontre de cette décision.

15. Aux termes l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Les décisions par lesquelles l'administration refuse le bénéfice de la protection fonctionnelle, prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, doivent être motivées.

16. La décision du 15 mars 2017 contestée reproduit l'intégralité de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et indique en outre que les éléments de harcèlement moral dont le requérant s'est dit victime ne sont pas établis. La décision contestée énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, et est, par suite, suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que le centre psychothérapique de Nancy est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 15 mars 2017, ensemble le rejet du recours gracieux du 12 juillet 2017.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre psychothérapique de Nancy, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. C... demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme que le centre psychothérapique de Nancy demande sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 21 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nancy ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du centre psychothérapique de Nancy est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre psychothérapique de Nancy et à M. B... C....

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N° 18NC03000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03000
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-30;18nc03000 ?
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