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30/06/2020 | FRANCE | N°18NC01261

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 30 juin 2020, 18NC01261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 4 avril 2016 par laquelle le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son contrat de travail en qualité de secrétaire à l'aide sociale à l'enfance, d'enjoindre au département de la Meurthe-et-Moselle de procéder à sa titularisation à compter du 5 mai 2016 et de condamner le département de la Meurthe-et-Moselle à lui verser les salaires qu'elle aurait dû

percevoir à compter du 5 mai 2016.

Par un jugement n° 1601638 du 5 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 4 avril 2016 par laquelle le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son contrat de travail en qualité de secrétaire à l'aide sociale à l'enfance, d'enjoindre au département de la Meurthe-et-Moselle de procéder à sa titularisation à compter du 5 mai 2016 et de condamner le département de la Meurthe-et-Moselle à lui verser les salaires qu'elle aurait dû percevoir à compter du 5 mai 2016.

Par un jugement n° 1601638 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 avril 2018 et 20 novembre 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler la décision du 4 avril 2016 par laquelle le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son contrat de travail en qualité de secrétaire à l'aide sociale à l'enfance ;

3°) d'annuler la décision refusant de la titulariser à compter du 6 mai 2016 ;

4°) d'enjoindre au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle de la titulariser à compter du 6 mai 2016 et de procéder à la reconstitution rétroactive de sa carrière ;

5°) de mettre à la charge du département de Meurthe-et-Moselle la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le contrat de travail du 14 janvier 2015, destiné à évaluer ses compétences professionnelles, doit être regardé comme une poursuite de son stage ;

- elle a, en réalité, bénéficié d'un renouvellement de son contrat de travail en application du II de l'article 8 du décret du 10 décembre 1996 ;

- le motif de non-renouvellement de son contrat de travail tiré de l'absence de poste vacant est illégal ;

- son contrat de travail ne pouvait être conclu sur le fondement de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- son stage a été effectué dans des conditions irrégulières la privant de garanties ;

- elle doit être regardée comme ayant été titularisée à compter du 6 mai 2016 ;

- le refus de renouvellement de son contrat de travail et le refus de titularisation sont illégaux au regard des dispositions relatives aux travailleurs handicapés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2018, le département de Meurthe-et-Moselle, représenté par le cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Mme B... n'a jamais eu la qualité de stagiaire de la fonction publique territoriale, que ce soit lors de son contrat de travail initial ou de ses contrats de travail ultérieurs ;

- il n'a pas entendu renouveler le contrat initial de Mme B... sur le fondement du II de l'article 8 du décret du 10 décembre 1996 ;

- la décision du 4 avril 2016 ne peut être regardée comme un refus de titularisation ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 20 février 2018.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions présentées par Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2016 refusant sa titularisation, qui sont nouvelles en appel, sont irrecevables.

Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2020, Mme B... fait valoir qu'elle demandait à ce qu'il soit enjoint à l'administration de la titulariser en première instance et que ses conclusions ne sont ainsi pas nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique pris pour l'application de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., présidente assesseur,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat de travail du 15 mai 2012, Mme B..., dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue à compter du 7 juin 2011, a été recrutée à compter du 1er mai 2012 comme rédacteur territorial, cadre d'emploi de catégorie B, pour exercer les fonctions d'assistante territoriale à l'insertion au sein de la direction territoriale de Briey. Ce contrat a été conclu en application de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale relatif notamment au recrutement de travailleurs handicapés. Mme B... a cependant été placée en congé de maladie à compter du 18 janvier 2013. Son contrat de travail a fait l'objet de 19 avenants successifs jusqu'au 18 janvier 2015. Le 14 janvier 2015, le département de Meurthe-et-Moselle a conclu avec Mme B... un nouveau contrat de travail à durée déterminée d'une durée d'un an, du 19 janvier 2015 au 18 janvier 2016, sur le fondement du 1° de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors en vigueur. Dans le cadre de ce contrat, Mme B... a été recrutée en qualité d'adjoint administratif de 2ème classe, cadre d'emploi de catégorie C, pour exercer les fonctions de secrétaire à l'aide sociale à l'enfance. Le 13 janvier 2016, un nouveau contrat de travail à durée déterminée a été conclu, cette fois sur le fondement de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984, avec une durée de validité du 19 janvier au 5 mai 2016. Par une décision du 4 avril 2016, Mme B... a été informée de la décision du président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle de ne pas renouveler son contrat de travail à l'échéance de celui-ci, le 5 mai 2016. Par un jugement du 5 décembre 2017, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, à ce qu'il soit enjoint au département de Meurthe-et-Moselle de procéder à sa titularisation à compter du 5 mai 2016 et de lui verser les salaires qu'elle aurait dû percevoir à compter de cette même date.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la date du 13 janvier 2016, date du dernier contrat de travail de Mme B... : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et pour répondre à des besoins temporaires, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d'agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé annuel, d'un congé de maladie, de grave ou de longue maladie, d'un congé de longue durée, d'un congé de maternité ou pour adoption, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, d'un congé de solidarité familiale ou de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux ou de leur participation à des activités dans le cadre des réserves opérationnelle, de sécurité civile ou sanitaire ou en raison de tout autre congé régulièrement octroyé en application des dispositions réglementaires applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale (...) ". Selon l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction applicable au 14 janvier 2015 : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à : / 1° Un accroissement temporaire d'activité, pour une durée maximale de douze mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de dix-huit mois consécutifs (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la date du 15 mai 2012, date du premier contrat de travail de Mme B... : " (...) Les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail peuvent être recrutées en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C pendant une période correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier du cadre d'emplois dans lequel elles ont vocation à être titularisées (...). Le contrat est renouvelable, pour une durée qui ne peut excéder la durée initiale du contrat. A l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve qu'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction (...) ". Selon l'article L. 323-3 du code du travail, devenu l'article L. 5212-13 du même code : " Bénéficient de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 323-1 : / 1° Les travailleurs reconnus handicapés par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles (...) ". L'article 8 du décret du 10 décembre 1996 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique pris pour l'application de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale énonce que : " A l'issue du contrat, l'appréciation de l'aptitude professionnelle de l'agent par l'autorité territoriale est effectuée au vu du dossier de l'intéressé et après un entretien de celui-ci. / I. - Si l'agent est déclaré apte à exercer les fonctions, l'autorité territoriale procède à sa titularisation. / Lors de la titularisation, la période accomplie en tant qu'agent contractuel est prise en compte dans les conditions prévues pour une période équivalente de stage par le statut particulier. / Lors de la titularisation, l'agent est affecté dans l'emploi pour lequel il a été recruté comme agent non titulaire. / II. - Si l'agent, sans s'être révélé inapte à exercer ses fonctions, n'a pas fait la preuve de capacités professionnelles suffisantes, l'autorité territoriale prononce le renouvellement du contrat pour la même durée que le contrat initial, après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois au sein duquel l'agent a vocation à être titularisé. / Une évaluation des compétences de l'intéressé est effectuée de façon à favoriser son intégration professionnelle. / Si l'appréciation de l'aptitude de l'agent ne permet pas d'envisager qu'il puisse faire preuve de capacités professionnelles suffisantes dans le cadre d'emplois dans lequel il a vocation à être titularisé, le renouvellement du contrat peut être prononcé, après avis de la commission administrative paritaire compétente, en vue d'une titularisation éventuelle dans un cadre d'emplois de niveau hiérarchique inférieur. / III. - Si l'appréciation de l'aptitude de l'agent ne permet pas d'envisager qu'il puisse faire preuve de capacités professionnelles suffisantes, le contrat n'est pas renouvelé, après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois concerné. L'intéressé peut bénéficier des allocations d'assurance chômage en application de l'article L. 351-12 du code du travail. ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " La situation de l'agent dont le contrat a fait l'objet d'un renouvellement dans les conditions posées par le II de l'article 8 du présent décret est examinée à nouveau à l'issue de cette période : / - si, à la suite de la procédure prévue au premier alinéa de l'article 8, il a été déclaré apte à exercer les fonctions, l'agent est titularisé dans les conditions posées au I dudit article ; / - si l'agent n'est pas déclaré apte à exercer les fonctions, il n'est pas titularisé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois concerné. Son contrat n'est pas renouvelé. L'intéressé peut bénéficier des allocations d'assurance chômage mentionnées au III de l'article 8. ".

4. En deuxième lieu, Mme B... a été initialement recrutée par le département de Meurthe-et-Moselle selon les dispositions prévues pour les travailleurs handicapés par l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans un cadre d'emploi de rédacteur territorial de catégorie B. Cependant, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'évaluation avant titularisation du 15 mars 2013 que Mme B... n'a pas été regardée comme étant apte à exercer des fonctions relevant d'un cadre d'emploi de catégorie B, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas. Le contrat de travail du 15 mai 2012, reconduit en raison du congé de maladie de Mme B... jusqu'au 18 janvier 2015, n'a, en conséquence, pas été renouvelé, ce dont Mme B... a été informée par un courrier du président du conseil général de Meurthe-et-Moselle du 9 janvier 2015.

5. En troisième lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la commission administrative paritaire de catégorie B du 19 décembre 2014, du courrier du 9 janvier 2015 mentionné au point précédent et de la décision du 4 avril 2016 de non-renouvellement du contrat de travail de Mme B..., que le département de Meurthe-et-Moselle, qui ne pouvait titulariser Mme B... dans le cadre d'emploi de catégorie B pour lequel elle avait été initialement recrutée, a souhaité lui proposer une nouvelle mission sur la base d'un contrat de travail à durée déterminée. Ainsi, selon les termes du procès-verbal de la commission administrative paritaire de catégorie B du 19 décembre 2014, le département de Meurthe-et-Moselle a accepté " une prolongation du contrat de travail à durée déterminée de 12 mois " sur un poste relevant d'un cadre d'emploi de catégorie C. Ce procès-verbal relève en particulier que ce délai supplémentaire permettra à Mme B... de reprendre une activité professionnelle tout en laissant au département de Meurthe-et-Moselle le temps de rechercher un poste de catégorie C pouvant permettre de répondre aux exigences médicales présentées par Mme B..., aucun poste n'étant vacant au 19 décembre 2014. Par son courrier du 9 janvier 2015, le président du conseil général de Meurthe-et-Moselle a informé Mme B... qu'elle serait recrutée en sureffectif dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée sur un poste d'adjoint administratif de 2ème classe de catégorie C au motif " d'accroissement temporaire d'activité ".

6. D'autre part, le contrat de travail du 14 janvier 2015 entre le département de Meurthe-et-Moselle et Mme B... a été conclu, selon ses termes mêmes, sur le fondement du 1° de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors en vigueur citée au point 2 du présent arrêt. Quelle que soit son ambiguïté, le procès-verbal de la commission administrative paritaire de catégorie B du 19 décembre 2014 ne liait pas l'autorité administrative. Il ressort des termes mêmes du courrier du 9 janvier 2015 du président du conseil général du département de Meurthe-et-Moselle que Mme B... n'a pas bénéficié d'un renouvellement de son contrat de travail en application du II de l'article 8 du décret du 10 décembre 1996 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique pris pour l'application de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, mais d'un nouveau contrat de travail conclu sur le fondement du 1° de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors en vigueur. La circonstance que le département de Meurthe-et-Moselle a souhaité accompagner Mme B... dans sa prise de poste et évaluer ses compétences sur des missions d'exécution relevant de la catégorie C, ainsi que l'énonce la décision du 4 avril 2016, ne saurait permettre de requalifier son contrat de travail comme ayant été conclu en application du II de l'article 8 du décret du 10 décembre 1996. Le souhait d'évaluer les compétences de Mme B... s'inscrit en effet dans l'engagement du département de Meurthe-et-Moselle de tenter de trouver une solution pérenne pour Mme B..., en dépit de l'absence, en décembre 2014, de poste de catégorie C pouvant répondre à ses besoins médicaux, sans cependant que cet engagement s'inscrive nécessairement dans le dispositif prévu par l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984, que le procès-verbal de la commission administrative paritaire de catégorie B du 19 décembre 2014 ne mentionne d'ailleurs pas.

7. Il suit de là que les moyens tirés de ce que les contrats de travail du 14 janvier 2015 et du 13 janvier 2016 ont, en réalité, été conclus en application de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 et du II de l'article 8 du décret du 10 décembre 1996, de ce que Mme B... avait ainsi un droit à être titularisée à l'issue de son dernier contrat de travail qui doit être regardé comme une prolongation du contrat de travail du 15 mai 2012 et donc de son stage et des conditions irrégulières dans lesquelles son stage s'est déroulé ne peuvent qu'être écartés.

8. En quatrième lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail du 13 janvier 2016 a été conclu en application de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors applicable, permettant, à titre dérogatoire, de recruter des agents contractuels dans des emplois permanents des collectivités territoriales pour répondre à des besoins temporaires. Alors même que Mme B... soutient que ce contrat de travail a été conclu de " manière fictive " dans le seul but d'évaluer ses compétences sur un emploi de catégorie C, elle ne conteste pas avoir effectivement exercé les fonctions de secrétaire à l'aide sociale à l'enfance. Elle ne conteste pas davantage que cet emploi correspondait à un besoin réel du département de Meurthe-et-Moselle.

9. D'autre part, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses, si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service.

10. En l'espèce, la décision litigieuse du 4 avril 2016 précise que le contrat de travail de Mme B... ne pourra pas être renouvelé en " l'absence de poste vacant dans la zone de mobilité " qui est la sienne. Alors même qu'ainsi que le fait valoir Mme B..., le poste qu'elle occupait était vacant, le département de Meurthe-et-Moselle n'était pas tenu de renouveler son contrat de travail en application de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 correspondant à un accroissement temporaire d'activité. Il ressort, au demeurant, des termes mêmes du procès-verbal de la commission administrative paritaire de catégorie B du 19 décembre 2014 qu'aucun poste pérenne de catégorie C correspondant aux besoins de Mme B... n'était alors disponible et qu'il n'existait aucune certitude quant à une telle vacance de poste. Par suite, la décision de ne pas renouveler, à son terme, le contrat à durée déterminée de Mme B... ne repose pas sur un motif étranger à l'intérêt du service. Mme B... n'est pas fondée à soutenir, en conséquence, que le refus de renouveler son contrat de travail serait illégal.

11. En dernier lieu, d'une part, ainsi qu'il a été dit, les deux contrats de travail à durée déterminée conclus entre le département de Meurthe-et-Moselle et Mme B... les 14 janvier 2015 et 13 janvier 2016 ne peuvent être regardés comme renouvelant le contrat conclu le 15 mai 2012 sur le fondement de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle doit être regardée comme ayant été titularisée à compter du 6 mai 2016 en application des articles 8 et 9 du décret du 10 décembre 1996 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique pris pour l'application de l'article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

12. D'autre part, le contrat de travail à durée déterminée conclu le 13 janvier 2016 en application de l'article 3-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ne conférait aucun droit à titularisation à Mme B....

13. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle avait un droit à être titularisée au terme de la validité de son dernier contrat de travail à durée déterminée. Ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2016 par laquelle le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a refusé de la titulariser ne peuvent qu'être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2016 par laquelle le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son contrat de travail en qualité de secrétaire à l'aide sociale à l'enfance et a rejeté ses conclusions à fin d'injonction. Les conclusions à fin d'injonction que présente Mme B... en appel doivent, en conséquence, être rejetées, de même que ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2016 refusant sa titularisation.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de Meurthe-et-Moselle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département de Meurthe-et-Moselle présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Meurthe-et-Moselle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au département de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 18NC01261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01261
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36 Fonctionnaires et agents publics.

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Nominations - Titularisation.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CABINET COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-30;18nc01261 ?
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