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26/06/2020 | FRANCE | N°18NC03290

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 26 juin 2020, 18NC03290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (CMSEA) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 21 938,26 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015, en indemnisation des préjudices financiers qu'il a subis en raison des deux condamnations prononcées à son encontre par la cour d'appel de Metz dans les contentieux l'opposant à Mme B... A....

Par un jugement n° 1505722 du 4 octobre 2018,

le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (CMSEA) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 21 938,26 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015, en indemnisation des préjudices financiers qu'il a subis en raison des deux condamnations prononcées à son encontre par la cour d'appel de Metz dans les contentieux l'opposant à Mme B... A....

Par un jugement n° 1505722 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n°18NC03290 le 6 décembre 2018, le Comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (CMSEA), représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2018 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 21 938,26 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015, en indemnisation des préjudices financiers qu'il a subis en raison des deux condamnations prononcées à son encontre par la cour d'appel de Metz dans les contentieux l'opposant à Mme B... A... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les contrats conclus avec l'académie de Nancy-Metz sont des contrats d'association relevant des dispositions de l'article L. 442-5 du code de l'éducation, et non des contrats simples relevant des dispositions de l'article L. 442-12 de ce code lequel ne concerne que les établissements d'enseignement privé du premier degré ;

- en qualifiant faussement les contrats en cause de contrats simples, le rectorat a commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat ;

- Mme A... étant un agent de droit public, il n'avait pas à supporter les charges liées à l'exécution de son contrat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code du travail ;

- la loi n°59-1557 du 31 décembre 1959 ;

- la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le Comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (CMSEA), association sans but lucratif reconnue d'utilité publique, gère notamment le centre d'éducation professionnelle (CEP) " La Versée ", établissement d'enseignement privé du second degré situé à Solgne (Moselle), où Mme B... A... a exercé, entre 2004 et 2014, des fonctions de maître délégué au sein d'une classe spécialisée du niveau de lycée professionnel. Mme A... qui avait, en outre, été désignée comme représentante syndicale au comité d'entreprise de cet établissement puis comme déléguée syndicale, a obtenu, par deux arrêts des 25 février 2014 et 28 avril 2015 de la cour d'appel de Metz, la condamnation du CMSEA à lui verser au titre de ses heures de délégation syndicale entre mai 2010 et juillet 2011, de l'indemnité de précarité pour les années 2012 à 2014, de dommages et intérêts et de frais d'instance une somme totale de 21 938,26 euros. Le CMSEA, après le rejet implicite de la réclamation préalable qu'il a formée, le 7 août 2015, devant le recteur de l'académie de Nancy-Metz, a alors saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une action récursoire tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité du même montant, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015 et il fait appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Sur la condamnation prononcée au titre de l'indemnité de précarité :

2. Aux termes de l'article L. 1243-8 du code du travail : " Lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation. Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant ".

3. Il résulte des énonciations de l'arrêt du 28 avril 2015 que pour condamner le CMSEA à verser à Mme A... la somme totale de 5 732,19 euros sur le fondement des dispositions précitées, la cour d'appel de Metz a pris en compte la circonstance que le contrat de travail de l'intéressée avait été qualifié de contrat de droit privé par un courrier du recteur de l'académie de Nancy-Metz du 11 octobre 2011 et qu'ainsi, l'intéressée pouvait prétendre au bénéfice de l'indemnité de précarité, pour les contrats de travail à durée déterminée qui l'avaient liée au CMSEA pour les années scolaires 2012-2013 et 2013-2014.

4. Il résulte de l'instruction et notamment de l'examen des contrats d'engagement de Mme A... que celle-ci a été, au moins à partir de l'année scolaire 2008-2009, recrutée en qualité de maître délégué par le recteur de l'académie de Nancy-Metz pour être affectée au centre " La Versée ", établissement privé spécialisé pour l'accueil d'élèves présentant des troubles du comportement et de la conduite (E.TCC), regardé comme un établissement sous contrat d'association au sens des dispositions de l'article L.442-5 du code de l'éducation. Les maîtres délégués ne pouvant être recrutés qu'à titre temporaire, conformément aux dispositions de l'article R. 914-57 du code de l'éducation, les engagements successifs de Mme A... n'ont porté que sur des durées limitées à l'année scolaire, l'intéressée étant rétribuée par application de l'échelle de rémunération des maîtres auxiliaires de deuxième catégorie. Chacun de ses contrats mentionne en outre, en son article 2, que l'intéressée " en tant que maître délégué exerçant dans un établissement d'enseignement privé sous contrat d'association, est soumis, pour la détermination de ses conditions d'exercice et de cessation de fonctions, aux règles applicables aux personnels enseignants non titulaires de l'enseignement public du second degré " et vise au demeurant le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat ainsi que, à partir du contrat de 2010, les dispositions des articles R. 914-57 et R. 914-58 du code de l'éducation.

5. S'il résulte de ce qui précède que Mme A... avait la qualité d'agent de droit public et ne pouvait donc prétendre au bénéfice de la prime de précarité prévue par les dispositions de l'article L. 1243-8 du code du travail, il est constant que, par courrier du 11 octobre 2011 adressé à l'intéressée en réponse à une demande de renseignement sur sa situation administrative, le recteur de l'académie de Nancy-Metz lui a précisé, ainsi qu'à son chef d'établissement, que son contrat de travail relevait " exclusivement du droit privé " en retenant que le contrat signé le 17 juillet 1978 entre l'Etat, le CMSEA et le CEP " La Versée " n'était qu'un contrat simple et que seul le conseil des prudhommes était compétent pour connaître de litiges relatifs à sa situation. En apportant cette information erronée à Mme A... et à son chef d'établissement, sans vérifier si elle n'était pas contredite par le libellé des contrats de travail, le recteur a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat,

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la condamnation prononcée contre le CMSEA résulte essentiellement de l'information erronée procédant du courrier du 11 octobre 2011 émanant du recteur et relatif à la nature des contrats de travail de Mme A.... Le CMSEA a de ce fait subi un préjudice financier dont il est fondé, à titre récursoire, à obtenir réparation de l'Etat par le versement d'une indemnité de 5732,19 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015, date de réception de sa réclamation préalable.

Sur les condamnations prononcées au titre des heures de délégation syndicale :

7. Aux termes de l'article L. 2143-13 du code du travail : " Chaque délégué syndical dispose d'un temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions. (...) " Aux termes de l'article L. 2143-17 du même code : " Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale ".

8. S'il résulte des dispositions du code de l'éducation et notamment son article R. 914-83, que la rémunération des maîtres contractuels des établissements d'enseignement privés sous contrat à la charge de l'Etat comprend les mêmes éléments que celle des maîtres de l'enseignement public ainsi que les avantages et indemnités dont ceux-ci bénéficient et si l'Etat est, à ce titre, tenu de prendre en charge la rémunération à laquelle ont droit, après service fait, les maîtres des établissements privés, l'obligation qui en découle pour lui de rémunérer également les maîtres qui bénéficient de décharges d'activité pour l'exercice d'un mandat syndical n'implique pas qu'il soit tenu de prendre en charge la rémunération des heures supplémentaires dont ils sont susceptibles de bénéficier lorsqu'ils exercent leurs mandats en dehors des heures de service qu'ils accomplissent normalement, que cette situation résulte d'une décision de l'établissement imposé au maître ou d'un choix du maître auquel l'établissement ne s'est pas opposé.

9. Il s'en suit que le paiement des heures de délégation des maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat prises en dehors de leur temps de travail, qui ne se confondent pas avec les décharges d'activité de service accordées au représentant syndical en application de l'article 16 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, incombe à l'établissement au sein duquel ils exercent les mandats prévus par le code du travail dans l'intérêt de la communauté constituée par l'ensemble du personnel de l'établissement, et ce, quand bien même les intéressés seraient liés à l'Etat par un contrat de droit public.

10. Il ressort des deux arrêts de la cour d'appel de Metz des 25 février 2014 et 28 avril 2015, que les heures de délégation syndicale réalisées par Mme A... au titre des années 2004 à 2012, ont toutes été prises en dehors de ses horaires de travail. Dans ces conditions, indépendamment de la qualification des contrats de Mme A... et quelle que soit la nature du contrat unissant l'Etat et l'établissement, seul ce dernier avait à prendre en charge la rétribution des heures supplémentaires correspondant à l'exercice de son mandat syndical. Il en résulte que les condamnations prononcées à ce titre par la cour d'appel de Metz contre le CMSEA ne sauraient donner lieu à l'exercice, de la part de ce dernier, d'aucune action récursoire contre l'Etat en vue du remboursement de leur montant et que le CMSEA n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, dans cette mesure, sa demande.

Sur les condamnations prononcées au titre des dommages-intérêts et des frais de procédure :

11. Il ressort des arrêts de la cour d'appel de Metz que les dommages-intérêts au versement desquels elle a condamné le CMSEA au bénéfice de Mme A... visaient exclusivement à réparer le préjudice moral subi par l'intéressée du fait du refus délibéré et persistant du CMSEA de lui payer les heures de délégation dues. Contrairement à ce que soutient ce dernier, cette condamnation est, par suite, sans lien avec l'erreur qu'il impute aux autorités académiques dans le courrier du 11 octobre 2011.

12. Il en est de même des condamnations prononcées contre le CMSEA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et qui procèdent exclusivement de l'exercice, par la juridiction de son pouvoir d'appréciation des circonstances de chaque espèce sans pouvoir être imputées à quelque faute que ce soit de la part des autorités académiques.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le CMSEA est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5 732,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme partie perdante, le versement au CMSEA d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2018 est annulé, en tant qu'il a rejeté la demande du CMSEA tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5 732,19 euros, avec intérêts, au titre de la prime de précarité versée à Mme A....

Article 2 : L'Etat est condamné à verser au CMSEA la somme de 5 732,19 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015.

Article 3 : L'Etat versera au CMSEA une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du CMSEA est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Nancy-Metz.

N° 18NC03290 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03290
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP DUMUR - MAAS - GENY - LA ROCCA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-26;18nc03290 ?
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