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26/06/2020 | FRANCE | N°18NC02699

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 26 juin 2020, 18NC02699


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat le

versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par jugement n° 1800921 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 18NC02699 le 5 octobre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant du refus de séjour :

- sans mention du nom du médecin instructeur auteur du rapport médical, la composition du collège des médecins à l'origine de l'avis sur lequel s'est fondé le préfet ne peut être tenue pour régulière ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité du refus de séjour implique l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle l'expose à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant kosovar, est entré en France le 10 juin 2015, en vue de solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 juillet 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 mai 2016. Le 9 janvier 2017, M. A... a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 décembre 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 25 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 décembre 2017 :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ".

3. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 31322, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

5. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet du Bas-Rhin, en particulier d'une attestation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 28 avril 2020, produite à la demande de la cour, que le rapport médical sur l'état de santé de M. A... prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi, le 17 juillet 2017, par un premier médecin, le docteur Alain Sebille, qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 9 octobre 2017. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 31222 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

6. En second lieu, si M. A... se prévaut de la présence en France d'un de ses frères, marié à une ressortissante française et père d'enfants français, il ressort des pièces du dossier qu'entré en France en 2015, à l'âge de 27 ans, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident notamment ses parents et sa soeur, un autre de ses frères se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français. Dans ces circonstances, au regard notamment de la durée et des conditions du séjour en France du requérant, le préfet du Bas-Rhin n'a pas, en refusant de l'admettre au séjour en France, porté à sa vie privée et familiale une atteinte contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas entaché son arrêté d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Si M. A... soutient avoir subi au Kosovo des violences et des menaces liées à ses fonctions d'agent de sécurité dans un casino de la part de personnes à qui une somme d'argent aurait été dérobée, il n'apporte pas d'éléments précis de nature à établir la réalité des risques qu'il encourrait, en cas de retour dans son pays d'origine, d'être exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors, au demeurant, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté la demande d'asile fondée sur le même récit.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A....

Sur les frais liés à l'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 18NC02699


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02699
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP KLING ET BARBY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-26;18nc02699 ?
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